Portrait

Abdelhakim Challot, directeur de la communication de la RAM : Un journaliste politique devenu communicant

Abdelhakim Challot, directeur de la communication de la RAM

Il a grandi avec une passion pour la politique, des idéaux de gauche. A 48 ans, ce journaliste est passé de l’autre côté de la barrière après avoir fait le grand chelem de la profession. De la presse partisane à la direction d’un cabinet ministériel. Par Noréddine El Abbassi

Abdelhakim Challot, est de ceux qui font penser à une eau qui dort, mais qui en fait, couve un torrent. Ce “workaddict” a été formé à la dure, dans la presse partisane. Il est resté  longtemps dans les arcanes du journalisme engagé, jusqu’à “l’âge de raison”. D’apparence, un style presque trop habillé, stigmates d’une profession d’intellectuel. Veste bleue marine sur pantalon sombre, et cravate de rigueur. Dès l’entrée en matière, on sait que l’homme est plus habitué à être derrière la scène, que sous les feux des projecteurs. Rapidement le ton se veut intime, comme s’il s’ouvrait facilement au jeu. Mais notre interlocuteur gardera jusqu’au bout, certaines réserves d’usage de l’exercice. Il sera plus facile de parler avec lui de politique que de lui-même, et d’en apprendre davantage en analyses politico historiques, que de susciter des digressions personnelles.
Il est né en 1967. Hakim (sage) le bien nommé est le quatrième né des sept enfants d’un commerçant de la place. Il tient son prénom d’Abdelhakim Amir, d’un nationaliste arabe, qui s’était suicidé lorsque sa femme s’avéra un agent double. Ce qui d’ailleurs, a failli provoquer le changement de son prénom. Son père est un Alem du Souss, qui s’était impliqué dans le mouvement nationaliste. Dès lors, et presque tout naturellement, la famille sera politisée dès le plus jeune âge des enfants. Hakim a la “chance” d’avoir un grand frère “gauchiste”, comprendre, un militant de l’extrême gauche, libertaire et situé à la gauche, de la gauche. Le frère échappera néanmoins aux poursuites, dans une période sombre de répression, des voix libertaires qui se levaient.

L’âge d’or de la gauche

Abdelhakim grandit dans le quartier de Derb Sultan, alors haut lieu de la culture ouvrière de l’époque. C’est naturellement, qu’il sera sensible au discours socialiste en vogue où la seule existence d’un bloc de l’Est “annonçait la mort” prochaine du capitalisme sauvage, et faisait la promotion d’une politique plus sociale. C’était avant la montée de la Chine, et le cost killing à outrance, qui fera de la crise et de la concurrence un motif d’esclavage des masses laborieuses.
C’est qu’à cette période, communisme rimait avec culture. Il était de bon aloi qu’un intellectuel qui “se respecte” se positionne forcement à gauche. Feu Aziz Belal a été le maitre à penser de toute une génération, même si cette dernière connaitra des mutations par la suite. Des figures telles que Mohammed Tozi, Hassan Aachik et Noreddine Sail animent des ciné clubs. C’est dans cet ambiance que le jeune Hakim évoluera. Ses loisirs tournent alors autour du football, du footing et du judo. Plus tard, il se découvrira une passion pour le handball et à ce titre, disputera des matchs du championnat national.
Mais, le jeune Hakim est studieux et lecteur assidu. Il dévore les classiques de la littérature autant française que russe. Balzac et Zola sont un passage obligé, et le terreau culturel fait la promotion de Dostoïevski et autres Tolstoï. “J’ai également lu Sade. Mais je décelais quelque chose de fou dans son oeuvre qui m’en a détourné. Très jeune, je me destinais aux études littéraires, alors que j’étais plutôt bon en maths. J’ambitionnais déjà  de me lancer dans le journalisme politique”, explique-t-il, sur le ton de la confidence.
Ses désirs seront réalisés. Il passe son bac Littéraire en 1985, et poursuit des études de littérature française à la Faculté de Aïn Chock. Son premier emploi sera au journal francophone du parti USFP, Libération.

De l’autre côté du miroir

Nous sommes en 1981, et Hakim progresse lentement mais sûrement dans le journalisme. Il partage les options politiques de l’organe de presse où il travaille et qu’animent “les éléphants” du parti que sont Yazghi et El Gahs. Son engagement politique se concrétise  dans les campagnes électorales des leaders qu’il côtoie. Il prend même quelques fonctions d’observateur de la transparence du dépouillement des urnes, à une époque où il n’était pas rare que ces dernières disparaissent avant d’arriver à bon port. La campagne électorale de Badiâ Skalli, où il s’était engagé, reste pour lui une étape et un souvenir des plus marquants de sa vie militante. La victoire de la première femme députée de gauche, est un “trophée” dont il n’est pas peu fier, même s’il ne le laisse pas paraître.  
L’année 2002 marquera un tournant, lorsque El Gahs est nommé au ministère de la Jeunesse et des Sports. Pour son nouveau portefeuille, M.E.G abandonne ses fameux éditoriaux dans Libération, mais ramène au ministère son équipe. Hakim, en est et occupera même le poste stratégique de Directeur de Cabinet. “C’était une véritable fourmilière. 4000 fonctionnaires travaillent pour le ministère. J’ai eu la surprise de constater qu’ils étaient parfois, plus compétents que certains cadres, dans le privé. Nous avons mené nombre d’ opérations de promotion de jeunes, depuis les colonies de vacances, aux voyages à l’étranger pour ces potentiels,” explique-t-il, dans l’un des rares moments d’ emballement, avant de reprendre l’attitude posée qu’il a eu tout au long de l’entretien. Cette expérience stimulante ne dure qu’un moment, mais la carrière de Hakim Challot ne s’arrête pas pour autant. En 2007, Karim Ghallab fera appel à ses services.Il retourne à ses premières amours de Journaliste. Comme dit l’adage, Journaliste un jour, journaliste toujours. A l’instar des légionnaires, on ne se départit que rarement de ce métier. Il a d’ailleurs épousé une confrère en 2003 et Hakim intègre La Vie éco en 2008. Sans que personne ne sache qu’il s’est détourné des “affaires”. Au détour d’une rencontre, Driss Benhima, PDG de la RAM se souvient l’avoir côtoyé dans le cadre professionnel. Hakim avait en effet suivi les grands chantiers du patron de la Royal Air Maroc lorsqu’il était Wali de Casablanca et qui avait eu l’occasion d’apprécier ses qualités. Le souvenir a dû être bon, et ce dernier lui propose de rejoindre son équipe, et voici que Hakim entre dans le monde de la communication. Là, il reprend du service, de l’autre côté de la barrière cette fois-ci.
Petit à petit l’oiseau fait son nid, et Hakim a récemment pris les fonctions de directeur de la communication pour la compagnie aérienne. Depuis, il continue d’agir dans les coulisses. Toujours  discret, mais toujours présent.

 
Article précédent

Sommaire Challenge #502

Article suivant

Pilotage au grand air