Emploi

Au Maroc, moins on est instruit, plus on est heureux !

C’est l’enseignement phare qui ressort des résultats de la première étude nationale sur le bien-être au travail publiée par l’Observatoire Marocain du Bonheur (OMB). Réalisée par le cabinet OpinionWay auprès de 1200 travailleurs, tous secteurs d’activités confondus, cette étude vise à mesurer le niveau de bien-être des Marocains au travail et à identifier les facteurs qui expliquent et impactent le plus leur ressentis.

« Globalement, diriez-vous que vous vous sentez bien au travail ? », c’est l’une des questions posées par OpinionWay. Sur une échelle de 1 à 10, les salariés marocains donnent une note moyenne de 6,6/10 (10 signifie qu’ils se sentent très bien et 1 qu’ils ne sont pas du tout bien au travail). Dans le détail, 36% ont donné une note de 1 à 5, 18% une note entre 6 et 7 et enfin 46% une note située entre 8 et 10. « Les résultats reflètent une tendance que nous ressentons tous, chacun dans son secteur d’activité », résume Fatima Zahra Bensalah, présidente de l’Observatoire crée en novembre 2015. Elle ajoute que « la grande surprise est que le salaire arrive en quatrième position. Mais ce sont des éléments qu’il faut relativiser, parce que c’est à géométrie variable ». Pour sa part, Bachir Aïnad, Managing Partner d’OpinionWay, soutient que « les principaux enseignements c’est qu’aujourd’hui, nous avons 60% des travailleurs marocains qui déclarent avoir un certain ressenti de bien-être au travail. 60% peut paraître beaucoup. Mais quand on se compare à des benchmarks internationaux, on s’aperçoit finalement que nous sommes en dessous de la moyenne du baromètre Edenred (71%), réalisé en tenant compte des résultats obtenus dans 15 pays. Nous faisons moins bien que la France (68%) et les États-Unis (77%). Il y a énormément de choses à faire encore aujourd’hui au Maroc. Aussi, nous ne sommes pas tous égaux par rapport à cette notion de bien-être au travail. Il y a une véritable polarisation des réalités, avec des personnes qui sont très contents et d’autres qui sont moins contents ».

Ainsi, l’étude a identifié 6 segments de travailleurs marocains : les résilients; les dévoués en environnement défavorable ; les mieux lotis ; les désengagés ; les revendicateurs salariaux et les petites mains. « Cette segmentation est très intéressante. Il faudra lui apporter un focus. Il y a beaucoup à analyser et à étudier sur cet aspect-là », estime la présidente de l’OMB.

  • Les résilients (24%)

Ils se classent seconds lorsqu’il s’agit du bien-être au travail et premiers en terme de bien-être ressenti dans la vie en générale. Ils ne sont nullement « bien nantis » ou des privilégiés. Bien au contraire, leurs revenus sont plus bas que la moyenne de l’échantillon, leur niveau d’éducation aussi. Et pourtant, ils semblent heureux et satisfaits de leur condition actuelle au travail et dans la vie. Leur philosophie de vie : il faut être heureux et tirer profit de ce que l’on a ! Ils font preuve de la plus forte motivation au travail et sont ceux qui accordent le plus d’importance à leur travail. Enfin, ils dégagent une sortie de bonhommie et de joie de vivre.

  • Les dévoués en environnement défavorable (14%)

Ils aiment leur métier et le considèrent utile à la société, mais en même temps ils considèrent leur travail comme source de stress et de mal être. Ce segment compte dans ses rangs la plus forte proportion de fonctionnaires. Tout particulièrement ceux travaillant dans le secteur de la santé et de l’éducation. Et ce, principalement en raison du manque de moyens pour atteindre les objectifs, le manque de reconnaissance et la charge de travail. La très grande majorité des individus qui composent ce segment affiche le deuxième niveau de bien-être le plus bas de tous les segments en présence. Pourtant, cela ne semble pas impacter leur niveau de bien-être dans la vie en général. Ces derniers semblent faire la part des choses. Quelles sont alors les causes du « mal-être » ressenti ? Principalement, le manque de moyens à disposition pour bien exécuter leur travail, le manque de formation pour développer leurs compétences. Par ailleurs, ce segment est celui qui se plaint le plus des conditions d’hygiène et de manque de sécurité dans le cadre de leur emploi. En outre, le stress fait partie de leur quotidien. Notons que ce n’est pas tant le salaire qui leur pose problème mais le manque de reconnaissance et de support de la hiérarchie. Pourtant, les membres de ce segment aiment relativement bien leur métier (dans une proportion égale à la moyenne de l’échantillon) et reconnaissent plus que n’importe quel autre segment son utilité pour la société en générale.

  • Les mieux lotis (30%)

Ils sont (et de loin) les actifs qui ressentent le plus de bien-être dans le cadre de leur travail et leur vie privée. Tout semble leur sourire : épanouissement au travail, équilibre entre vie professionnelle et vie privée, une bonne rémunération et des perspectives d’avenir. Les mieux lotis maitrisent et comprennent ce que l’on attend d’eux et jouissent d’une réelle autonomie dans l’exécution de leurs tâches au travail… Ils comptent dans leurs rangs une proportion supérieure à la moyenne de « bien-nantis » (revenus du foyer de 20K et +), d’universitaires, de résidents de quartiers moyen et haut standing et d’habitants en zone urbaine. Par ailleurs, « les mieux-lotis » sont plus fréquemment à leur compte, employés de grandes structures ou des fonctionnaires d’échelles 11 et +. Leur environnement de travail est agréable, il y règne une meilleure ambiance comparée au reste de l’échantillon et ils ont plus fréquemment connu une croissance de leurs revenus au courant de la dernière année. Les « mieux-lotis » travaillent aussi (en moyenne) moins d’heures que les autres, prennent plus fréquemment leur pause-déjeuner à domicile et surtout passent moins de temps sur le trajet les conduisant à leur lieu de travail. D’ailleurs, ils sont plus nombreux à prendre leur voiture pour se déplacer vers leur lieu de travail. Enfin, ce groupe garde une cloison relativement étanche entre la sphère privée et la sphère professionnelle en ce sens, qu’ils ont moins tendance à se laisser perturber par leurs problèmes extra-professionnels. Pour l’avenir ? Ils font preuve d’optimisme en déclarant que leur bien-être devrait continuer de s’améliorer.

  • Les désengagés (10%)

Comme leur nom l’indique, les « désengagés » démontrent le plus faible niveau d’engagement envers l’entreprise qui les emploie et envers leur travail de façon générale. Ils n’aiment pas leur métier, ne se sentent pas motivés, vivent le travail comme une fatalité qu’ils n’ont pas forcément choisie. Pas étonnant donc que les « désengagés » constituent le groupe qui ressent le moins de bien-être au travail et dans leur vie privée. Pour eux, le travail est principalement synonyme de stress, de souffrance et de mal-être. Les « désengagés » sont plus fréquemment importunés par leur problèmes personnels qui impactent leur travail. Ils ont une volonté de décélérer leur rythme de vie, même si cela passe par des revenus moins élevés issus du travail. Pourtant leur travail ne semble pas forcement nécessiter beaucoup d’efforts physiques au vu de leur profession respective, mais ils semblent pourtant ressentir une certaine lourdeur. Cette instabilité se traduit par une propension à changer d’emploi significativement plus élevée que la moyenne. Mais cela ne s’arrête pas là : les désengagés ont dans une plus grande proportion que la moyenne envie de quitter leur emploi actuel. Le fait que leur moyenne d’âge soit en deça du reste de l’échantillon explique en partie leurs postures mentales (35 ans). Les « désengagés » partagent certaines particularités avec la « Génération Y» : recherche de gratification immédiate, impatience, quête de sens, refus d’une certaine autorité et des règles établies, la volonté d’exprimer son potentiel créatif, d’éviter les aspects routiniers reliés à l’emploi…. Leur état de « mal-être » actuel pourrait aussi traduire des ambitions et des attentes non-assouvis vis à de leur emploi et leur employeur.

  • Les revendicateurs salariaux (13%)

Les « revendicateurs salariaux » ressemblent aux « petites mains » en matière de profil démographique : niveau d’éducation bas, revenus limités pourtant ces deux segments sont différents fondamentalement au niveau de leurs revendications. Loin de se satisfaire de ce qu’ils gagnent, les « revendicateurs salariaux » affichent une posture revendicatrice en tout ce qui a trait au système de rémunération : meilleurs salaires, des primes et un système de rémunération plus transparent et équitable. En un mot, ils semblent moins résignés ! Un élément important mérite d’être souligné et qui pourrait expliquer en partie ces attentes au niveau de la rémunération : ce segment compte dans ses rangs la plus forte proportion d’individus avec des enfants. On comprend ainsi mieux la nécessité d’engranger davantage de revenus pour subvenir aux besoins de cellules familiales plus larges. Enfin, les postures mentales des membres de segment laissent apparaitre une certaine crainte vis-à-vis de l’avenir et un manque de maitrise. Cette crainte du lendemain semble avant tout motivée par des craintes matérielles : la peur de ne pas y arriver.

  • Les petites mains (8%)

Ils ont le niveau d’éducation et les revenus les plus bas dans l’univers des individus étudiés. Cela n’est pas étonnant lorsque l’on considère les profils d’emplois représentés : ouvriers, petits agriculteurs, femmes de ménage, des fonctionnaires des plus bas échelons…. Leur niveau de bien-être au travail reste dans la moyenne malgré des ressentis faisant ressortir de la souffrance et des relations compliquées avec la hiérarchie et les pairs. Les individus de ce segment s’apparentent (au mieux) à des exécutants, (au pire) à des « petites mains », ne comprenant pas toujours la finalité de leurs tâches, n’ayant que très peu de responsabilité dans le cadre professionnel, disposant de peu d’opportunités d’avancement et souffrant d’un manque de reconnaissance et de valorisation.

Autre fait marquant de l’étude, parmi les différentes catégories, les hauts fonctionnaires du public semblent les plus satisfaits de leur sort (note de 8 à 10 : 56% contre 46% sur le total de l’échantillon). Aussi, parmi les salariés qui affichent le plus haut niveau de bien-être ressenti, on retrouve aussi les résidents des provinces du sud du pays (54%), les individus ayant obtenu une augmentation salariale (54%), et les mieux nantis (CSP A : 50%). En revanche, les individus qui expriment un certain « mal-être au travail », sont surreprésentés en zone rurale (note de 1 à 5 : 50% contre 36% sur le total de l’échantillon), dans les secteurs de l’agriculture, de la pêche et foresterie (50%), parmi les CSP D et E (45%) et parmi les ouvriers du privé (44%).

 
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