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Bourse de Casablanca : une convalescence inachevée

Avec une capitalisation représentant 65% du PIB, la Bourse de Casablanca occupe une place honorable au sein de la région MENA. Mais en totalisant au cours des 25 dernières années que 61 nouvelles inscriptions à la cote, dont à peine une trentaine par augmentation de capital, la place casablancaise est-elle réellement un canal efficient de financement de l’économie marocaine ?

Installée dans une phase de relance et de consolidation depuis septembre 2013, la Bourse de Casablanca affiche, en effet, une performance agrégée de 57% sur les cinq dernières années (une progression qui doit la part belle au seul exercice 2016). Ce qui est assez honorable dans une économie qui a du mal à trouver le sentier d’une croissance vigoureuse à même de résorber durablement le chômage et de créer les conditions d’un développement réellement inclusif et ce, d’autant plus que moins de 30 millions de DH pendant les mois des plus calmes au plus fort de la crise boursière en 2009), une question lancinante continue de départager les observateurs des marchés financiers : la Bourse de Casablanca joue-t-elle réellement son rôle d’instrument de financement de l’entreprise marocaine et, au-delà, l’économie nationale ?

À priori et selon les indicateurs et les comparatifs disponibles, on serait tenté de répondre par la négative. Pourquoi ? D’abord, au vu du nombre des entreprises cotées, en l’occurrence à peine 76 (dont le tout dernier arrivé Immorente), ce qui est loin derrière d’autres pays comparables tels l’Egypte ou la Jordanie qui en comptent plus de 300, sans parler d’Israël où 73 entreprises ont pris le chemin de la bourse pour le seul exercice 2016 (presque autant que le stock des entreprises cotées au Maroc depuis que le marché boursier y a vu le jour en 1929 !). Certes, avec une capitalisation globale de la place de plus de 660 milliards de dirhams (soit 65% du PIB), le Maroc n’a pas à rougir au niveau africain, voire même arabe, mais il n’en demeure pas moins que le nombre de sociétés cotées est un indicateur qui exprime le degré de recours à la Bourse comme instrument de financement de l’économie. Ensuite, quand on décortique les 61 introductions en bourse (IPO dans le jargon) qui ont eu lieu entre 1993 et 2017 sur la place casablancaise, on relève que le nombre d’opérations réalisées par augmentation de capital, soit à priori dans le but de financer des projets portés par l’émetteur, ne dépasse pas 22 quand celles ayant eu lieu par pure cession d’actions, donc avec la seule finalité d’enrichir d’abord les actionnaires cédants sont au nombre de 30, le reste (à savoir 9 introductions) ont un caractère hybride (i.e. à la fois par cession d’actions et par augmentation de capital). Ce qui rajoute encore une corde à l’arc de ceux qui considèrent que la Bourse de Casablanca finance très peu l’économie. Des experts avancent même la fourchette entre 2 et 3%, qui serait la part infime du marché boursier dans les circuits de financement de l’économie et qui restent encore accaparés par les produits bancaires et parabancaires. Outre le compartiment des actions assez atones, l’état de léthargie du marché de la dette privée transigeant par la bourse (à l’exception des sorties de certains mastodontes, notamment bancaires pour émettre de la dette subordonnée) y est également pour quelque chose et ce, depuis que les investisseurs ont été fortement échaudés par les premiers défauts d’envergure (Alliances Développement Immobilier, Samir, Legler, Maghreb Steel…). En face des plus sceptiques, les plus optimistes regardent plutôt le potentiel de la bourse marocaine en affirmant que les entreprises qui y sont potentiellement cotables (donc répondant aux critères d’inscription à la cote), effleurent le millier en nombre. Il suffit de mettre en place des mécanismes idoines pour les attirer. «La nouvelle feuille de route de la bourse est consécutive à la phase de démutualisation. Elle consiste en une réforme de structure qui vise notamment, à lui donner une nouvelle dimension  par un accroissement de la liquidité et une meilleure attractivité.

Pour atteindre cet objectif, la bourse doit renforcer ses infrastructures pour traiter une panoplie d’instruments financiers dans des conditions optimales de gestion des risques, ce qui nécessite la création d’une Chambre de compensation, acteur incontournable dans la sécurisation des transactions.  Le processus a été déclenché formellement depuis mars dernier», souligne Hicham Cherradi, directeur de l’AMMC.

Mais si c’était aussi simple, la carotte fiscale à l’endroit des prétendants à la bourse (baisse de 50 % de l’IS pour les introductions par augmentation de capital et 25 % pour les introductions par cession d’actions) que le gouvernement a reconduit à plusieurs reprises (depuis plus de dix ans), aurait contribué à changer la donne au même titre que l’autre mécanisme visant à stimuler l’épargne populaire et l’orienter vers le marché boursier et qui a consisté en la défiscalisation des produits et revenus servis par les fameux Plan d’épargne action (PEA) et assimilés introduits par la Loi de finances de 2011. Un autre coup d’épée dans l’eau…pour ne pas dire un fisaco avéré. La réalité, c’est que ces entreprises cotables hésitent encore à franchir le pas, voire n’y pensent même pas parce que ce mode de financement implique une transparence, des obligations de communication financière et de bonne gouvernance que la majorité de ces entreprises y voient plus d’inconvénients que d’avantages. Mais ceci est une autre histoire….davantage culturelle que fiscale ou économique.

 

 
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