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Clôture du compte bancaire : nouvelles règles du jeu

Les conditions de clôture du compte à vue viennent d’être modifiées suite à l’amendement de l’article 503 du Code de Commerce. L’objectif recherché étant d’apporter des solutions aux difficultés qui apparaissent à cette occasion dans les relations entre les banques et leurs clients. par C.A.H.

Le Code de Commerce, malgré son jeune âge, commence à donner des signes de faiblesse et d’essoufflement, dont l’origine est due à l’évolution de la société depuis son entrée en vigueur en 1996 et aussi à l’inadaptation de certaines de ses dispositions à la réalité marocaine. Pour y remédier, plusieurs projets d’amendement ont été initiés par différents départements ministériels (Justice, Finances, Commerce et Industrie) ; ils touchent des pans importants du Code : traitement des difficultés des entreprises, nantissement, clôture du compte bancaire, domiciliation des entreprises etc.
Dans le cadre du présent article, nous allons nous limiter à l’amendement portant sur l’article 503 régissant les conditions de  clôture du compte bancaire, sachant que le projet de refonte du droit des difficultés des entreprises a déjà fait l’objet d’un article publié dans les colonnes de la revue Challenge (n°484 du 24 au 30 octobre 2014); les autres amendements seront traités dans les prochains numéros de notre revue.
La clôture du compte bancaire est une opération qui peut paraître simple, mais dans la pratique elle soulève de sérieuses difficultés débouchant souvent sur des litiges qui ont envenimé ces dernières années les relations entre les banques et leurs clients. De nombreux dossiers sont arrivés au niveau de la Banque Centrale dans le cadre de ses attributions relatives au traitement des réclamations de la clientèle bancaire, d’autres ont été portés devant le Médiateur bancaire ou les Tribunaux. Dans une tentative de mettre un terme à ce malaise, le législateur est intervenu en procédant à l’amendement de l’article 503 du Code de Commerce qui traite de la clôture du compte bancaire. La question qui se pose est de savoir si l’amendement introduit va enfin aplanir toutes les difficultés ayant trait à la clôture des comptes. Mais avant de répondre à cette interrogation, voyons tout d’abord comment se présentent les règles régissant la clôture du compte.
Selon les termes de l’article 503, le compte bancaire peut être clôturé soit à l’initiative du client, soit à l’initiative de la banque. Dans le premier cas, la clôture n’est pas conditionnée par un préavis. Par contre, dans le deuxième cas, c’est-à-dire lorsque c’est la banque qui prend l’initiative de clôture, un préavis de soixante jours au moins est accordé au client et ce, pour lui permettre d’organiser son départ; ouverture éventuelle d’un compte auprès d’une autre banque, résiliation des avis de prélèvement et des domiciliations bancaires, restitution des moyens de paiement (chéquiers, cartes bancaires). Le compte bancaire peut être aussi clôturé par le décès, l’incapacité, le redressement ou la liquidation judiciaire du client.
Jusqu’ à ce niveau aucun changement, c’est exactement ce qui est prévu par l’ancien texte de l’article 503, objet de l’amendement.
A notre avis, le législateur, au lieu d’attaquer frontalement les problèmes soulevés par la clôture du compte, il a préféré les esquiver et laisser la situation telle qu’elle est. Aucune réponse n’est donnée aux problèmes auxquels se trouvent exposés les clients et les banques. Contrairement à ce qui était attendu, le législateur n’a pas mis en place des règles définissant d’une manière claire les obligations incombant à chacune des parties (banque et client) à l’occasion de la clôture du compte, que l’initiative vienne du client ou de la banque.
La difficulté vient du fait qu’en l’absence de règles claires et précises, les opérations de clôture des comptes bancaires ne se déroulent pas correctement et génèrent des retards préjudiciables aux intérêts des deux parties. Souvent, l’initiative de clôture émane du client pour différentes raisons ; changement de résidence, qualité de service non satisfaisante etc.; la banque prend rarement l’initiative de clôture de comptes sauf dans certains cas exceptionnels. Quels sont les facteurs qui font que la clôture du compte ne se déroule pas sans incident ?
D’une manière générale, et sans chercher à énumérer toutes les causes de difficultés, on peut dire qu’elles proviennent essentiellement d’un déficit de communication entre le client et sa banque. Comme toute rupture de relation, la clôture du compte n’intervient pas toujours dans de bonnes conditions, le client se contente souvent de retirer les fonds disponibles dans son compte et arrête les opérations, sans formaliser par écrit sa demande de clôture du compte. Résultat, le compte reste ouvert et continue à générer des frais de gestion. Le cas se complique lorsque le client ne restitue pas les moyens de paiement en sa possession (chèque, carte..) et surtout, quand il arrête les opérations sans régulariser le débit de son compte. Dans ce cas, la banque n’a aucun intérêt à clôturer le compte qui continue à produire des agios débiteurs jusqu’à la date de paiement du débit par le client.
C’est pour éviter ce dialogue de sourds entre la banque et son client que le législateur est intervenu en amendant l’article 503 du Code de Commerce. Quelle est la solution retenue par le législateur et quelles sont ses chances de succès ?
La solution est « brutale » et ne porte que sur les comptes qui accusent un solde débiteur. Selon l’amendement apporté à l’article 503 du Code de Commerce, la banque doit prendre l’initiative de clôturer tout compte à vue débiteur lorsque le client cesse de mouvementer son compte pendant une année à compter de la date de la dernière opération inscrite au crédit du compte. Mais avant de procéder à la clôture du compte, la banque doit aviser le client par lettre recommandée avec accusé de réception. Si le client n’exprime pas sa volonté de garder le compte dans un délai de 60 jours à compter de la date de notification, le compte est réputé clôturé après l’expiration de ce délai. Loin d’apporter une solution, cet amendement risque fort de compliquer davantage la situation, car tel que rédigé, l’article 503 impose à la banque de clôturer tout compte débiteur non mouvementé au crédit pendant une année ; mais quid des comptes débiteurs dans le cadre d’une ligne de crédit (découvert) et aussi quel est le sort des débits irréguliers. La clôture du compte va-t-elle entraîner l’arrêt du cours des agios débiteurs ?
Ce qui risque davantage de rendre plus difficile l’application de cet amendement, c’est le décalage flagrant entre la version arabe du texte et la version française. A la différence du texte en arabe, celui en français ne retient pas «la dernière opération inscrite au crédit du compte» comme point de départ de la durée d’une année, mais «la date du dernier solde débiteur inscrit en compte». Il ne s’agit pas seulement d’un problème de traduction, mais d’une différence de fond, ce qui rend urgent une nouvelle rédaction du texte français. Certes, la version officielle est le texte en arabe, mais il faut reconnaître que c’est le texte en français qui est souvent utilisé par les banques et les investisseurs étrangers.

 
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