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Fiscalité et environnement : le gris l’emporte sur le vert

Malgré ses engagements sur le plan international, le Maroc a faiblement intégré la dimension environnementale dans la fiscalité. Au contraire, certaines dispositions fiscales dérogatoires sont plutôt favorables aux activités polluantes. par M.Amine

L’examen détaillé des incitations fiscales en vigueur, permet de constater aisément l’absence de préoccupations environnementales. Les avantages fiscaux sont accordés soit selon une logique de rente ou de privilèges injustifiés, soit selon une logique classique de développement économique (investissements, croissance et création d’emplois). Les secteurs bénéficiaires sont les exportations, le transport, les mines, l’artisanat, le tourisme, l’immobilier, l’agriculture, les hydrocarbures, l’épargne, les zones franches et certaines régions faiblement développées. A l’exception de certaines taxes, telles que la taxe sur l’importation ou la fabrication du plastique, ou la taxe sur l’extraction de sable, la plupart des dispositions fiscales dérogatoires peuvent être perçues comme anti écologiques. C’est notamment, le cas des incitations fiscales prévues en faveur du transport et du secteur minier. C’est aussi le cas de la taxe professionnelle, dont le calcul de la valeur locative est plafonné à 50 millions de dirhams. Ce plafonnement favorise en particulier les grandes entreprises industrielles par rapport aux autres secteurs à faibles immobilisations et dont l’impact est faiblement négatif sur l’environnement. En matière de TVA, le transport des voyageurs ou des marchandises, par voie terrestre, ferroviaire, maritime ou aérien, est taxé au taux réduit de 14%. La voiture dite économique et les produits entrant dans sa fabrication sont assujettis au taux réduit de 7%. Le gaz de pétrole et autres hydrocarbures gazeux, ainsi que les huiles de pétrole ou de schistes sont aussi assujettis au taux réduit de 10%. Les véhicules neufs acquis par des personnes physiques et destinés exclusivement à être exploités en tant que voitures de location (taxis), sont exonérés de la TVA. C’est aussi le cas des engrais, qu’il s’agisse d’engrais d’origine minérale, chimique, végétale ou animale. De manière générale, les dérogations fiscales favorables au secteur immobilier ne peuvent pas ne pas avoir un impact en termes d’extension urbaine dans des zones agricoles ou forestières.
C’est notamment, le cas de certaines régions, telles que celle de Kénitra ou dans la périphérie de Casablanca. Ce sont des milliers d’hectares de forêts qui disparaissent chaque année.
Il est même parfois question de mesures fiscales régressives. Avant 1996, la bicyclette et ses composantes étaient taxées au taux réduit de 7%. A partir de cette même année, c’est le taux normal qui a été appliqué. De même, pour le secteur agricole, était exonérée la plantation d’arbres destinés à freiner l’érosion. La LF 2014 ne retiendra comme critère unique d’exonération permanente que le chiffre d’affaires, fixé à 5 millions de dirhams, pour les productions agricoles destinées à l’alimentation humaine et/ou animale. De ce fait, la sylviculture, surtout celle destinée à freiner l’érosion du sol relève du droit fiscal commun.
Parfois, quelques hirondelles fiscales apparaissent et redonnent espoir aux amoureux de la nature de voir les pouvoirs publics intégrer cette dimension environnementale dans les politiques publiques. Mais ces mesures sont rares et exceptionnelles dans le domaine fiscal, ne s’intégrant guère dans une démarche globale et cohérente.

La TVA sur les chauffe-eau solaires réduite de 14% à 10%

Ainsi, dans la Loi de finances 2015, le taux de TVA sur la vente des chauffes-eau solaires a été réduit de 14% à 10%. Les véhicules à moteur électrique ou à moteur hybride utilisant à la fois l’électricité et le carburant, ont été assujettis au tarif réduit en matière de taxe spéciale annuelle sur les véhicules automobiles, dite vignette automobile. La généralisation des télédéclarations et des télépaiements va aussi dans le sens de la réduction de la consommation du papier par l’administration et les contribuables. Il s’agit de mesures pouvant impacter positivement la protection de l’environnement.
Ces mesures sont actuellement rares et isolées. Elles peuvent même être en contradiction avec d’autres mesures. C’est notamment le cas de l’exonération, en matière de TVA, des journaux, des publications, des livres, du papier destiné à l’impression des journaux….. D’une part, on favorise la dématérialisation et d’autre part on encourage la consommation du papier. Une schizophrénie fiscale.
Les investissements, d’origine nationale ou d’origine externe, sont rarement conditionnés par le respect obligatoire de normes de protection de l’environnement. De ce fait, le concept de développement durable est faiblement décliné dans la réalité concrète. Les rares taxes prévues ayant un caractère écologique servent surtout à alimenter des comptes d’affectation spéciale dont la gestion est hautement opaque. L’économie de rente est derrière l’exploitation sauvage et anarchique du sable et des carrières. La pauvreté pousse les populations rurales vivant près des forêts à chercher le bois pour se chauffer en hiver ou à fabriquer du charbon de bois, comme source de revenus. L’élevage des chèvres et le pâturage dans les forêts constituent une menace permanente sur la reproduction des ressources forestières.
La protection de l’environnement n’est pas un luxe. C’est une priorité nationale. C’est un engagement vis-à-vis des prochaines générations. L’état actuel du littoral maritime et des forêts, la désertification irréversible que connaissent les régions du Sud, la pollution des nappes phréatiques (…) doivent inciter à tirer la sonnette d’alarme. Et sans être déterminante, la fiscalité peut contribuer à changer les comportements et les pratiques nuisibles à l’environnement naturel.

 
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