Environnement

Importation des déchets : quel régime juridique ?

La polémique provoquée par l’importation de déchets en provenance de l’Italie est l’occasion de nous interroger sur le cadre juridique régissant ce genre d’opérations. Sont-elles autorisées ou non? Et quelles sont les règles applicables? par ABDELHAFID CHENTOUF

L’importation de déchets est régie par deux textes. Le premier, est la convention de Bâle (sur le contrôle des mouvements transfrontières des déchets dangereux et de leur élimination) ratifiée par le Maroc en décembre 1995. Le second, est la loi n° 28-00 relative à la gestion des déchets et à leur élimination, publiée au Bulletin Officiel du 07 décembre 2006. Ces deux sources normatives ne sont pas en concurrence ; au contraire, elles se complètent dans le but de protéger la santé humaine et l’environnement à l’occasion des mouvements transfrontaliers des déchets.

L’importation des déchets dangereux est interdite
Signalons de prime abord, que la loi marocaine interdit d’une manière expresse l’importation des déchets dangereux. Aucune exception n’est prévue en la matière. Seul le transit de ces produits par le territoire national peut être autorisé par les autorités publiques. Cette interdiction est en parfaite conformité avec les termes de la convention de Bâle, qui permet aux parties d’interdire en totalité ou en partie, l’importation de déchets dangereux ou d’autres déchets pour élimination dans une zone relevant de leur compétence juridique. Même plus, les parties à la convention ne doivent pas autoriser les exportations vers un Etat si elles ont une raison de croire que les déchets en question n’y seront pas gérés « selon les méthodes écologiquement rationnelles ». C’est le cas par exemple quand il s’agit d’un Etat qui ne dispose pas des capacités techniques pour recycler les déchets selon les normes et les conditions arrêtées par la convention.

L’importation des déchets non dangereux est autorisée
Concernant les déchets non dangereux, leur importation n’est pas interdite. La loi sur la gestion des déchets prévoit qu’ils « peuvent être importés en vue de leur recyclage ou de leur valorisation ». Mais bien sûr, des règles strictes doivent être respectées aussi bien en vertu de la convention de Bâle qu’en application de la loi interne. Cette dernière stipule dans son article 43 que l’importation des produits non dangereux doit être effectuée, sous peine de sanctions pénales, sur autorisation administrative « dont les modalités et les conditions particulières d’octroi sont fixées par voie réglementaire». De même, il est prévu que seuls les déchets figurant sur une nomenclature fixée par voie réglementaire aussi, sont autorisés à l’importation. L’autorisation d’importation doit mentionner l’usage final des déchets, la capacité et les compétences techniques nécessaires pour en assurer l’élimination écologique. Une garantie financière doit être produite par l’importateur, ayant pour objet la couverture des risques liés à l’opération.

Un imbroglio juridique
Or à ce jour, aucun texte réglementaire n’a été pris à notre connaissance malgré le fait que la publication de la loi remonte à 2006. La question est de savoir sur quelle base juridique les importations des déchets au Maroc sont effectuées. Ce qui est étonnant, c’est que devant cette lacune, la convention entre le Ministère de l’environnement et l’Association Professionnelle des Cimentiers signée le 15 avril 2015 se réfère à un projet de décret fixant les conditions et modalités d’importation des déchets. Cette référence soulève la question de la validité de ladite convention ; un projet de décret n’a aucune valeur juridique, c’est un simple document de travail interne à l’administration qui l’a élaboré.
Cet imbroglio juridique ne peut qu’affaiblir la position des pouvoirs publics dans la gestion de la cargaison des déchets italiens. A l’issue du dernier Conseil, le ministre de la communication a annoncé que le gouvernement a décidé d’« arrêter l’importation des déchets d’une manière générale ». Le fait qu’aucune motivation juridique n’a été avancée, laisse penser que cette affaire risque fort de connaître d’autres développements. En même temps, deux interrogations méritent d’être formulées : le gouvernement est-il habilité à interdire l’importation des déchets alors que la loi le permet? Cette décision est elle conforme aux dispositions de la convention de Bâle dont le Maroc est signataire ?

 
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