Spécial Fête du Trône

INDH : un outil de lutte contre la précarité

Secouer les habitudes, apprendre à travailler ensemble, faire converger les politiques, fixer des objectifs quantifiables et nouer des relations de confiance avec le citoyen pour combattre la pauvreté, c’est là le cœur de l’Initiative Nationale du Développement Humain. Il ne s’agit pas d’un projet qui sera mis entre les mains des techniciens pour l’exécuter selon un cahier de charges avec des normes techniques, un calendrier simple et un plan de financement bouclé. Il s’agit d’un processus qui ne vise pas à suivre des schémas classiques, mais qui vise à introduire des acteurs nouveaux dans la dépense publique et à créer des liens entre les poches de pauvreté et d’exclusion et la formulation des projets. Il s’agit en fait d’une philosophie qui introduit un concept nouveau en matière de lutte contre la pauvreté dans l’urbain et le rural. Les problèmes sont regardés en face et les acteurs sont invités à définir les besoins et à travailler ensemble. Les procédures en matière de dépenses sont allégées pour une meilleure adaptation aux objectifs d’une initiative qui n’est pas habituelle dans les arcanes des actes de gestion des deniers publics.

Un discours royal du 18 mai 2005 ouvrira les portes devant ce qu’on va appeler dorénavant l’Initiative Nationale du Développement Humain (INDH). Cette initiative a franchi le seuil de son neuvième anniversaire et commence à produire ses effets bénéfiques et à faire apparaitre certaines limites dans certaines de ses composantes et notamment, en matière des activités génératrices des revenus et de la convergence des politiques et de certaines procédures de mobilisation des crédits vers le même objectif. 

 « Des franges de la population vivent dans des conditions incompatibles avec une vie digne»

SM le Roi a été clair dès le début de son règne dans le ciblage des axes des politiques publiques qui doivent être mises en place pour combattre la pauvreté et l’exclusion. Le développement économique et la croissance à travers les grands projets structurants et les politiques sectorielles. Cette voie est essentielle dans la durée et est stratégique pour les générations futures. En parallèle, il fallait introduire dans le corps social malade des substances thérapeutiques urgentes et quotidiennes pour le réanimer et lui donner les capacités de pouvoir marcher seul. Et c’est dans le secteur social qu’il faut relever les défis liés à l’urgence de la situation. L’exclusion et la pauvreté ont des visages très expressifs et des lieux connus où ils sévissent. Les attaquer, a nécessité un recours à des structures sociales basées sur la générosité des marocains et fonctionnant selon un schéma moderne, transparent et crédible. C’est le rôle qui a été assigné à la fondation Mohamed V pour la solidarité. Les actions de cette fondation sont réelles et connues, ses comptes sont surveillés et audités et sa crédibilité est reconnue. Depuis le 5 juillet 1999, cette fondation fonctionne et apporte son soutien aux plus démunis. Ses opérations vont des distributions des denrées alimentaires et des opérations de secours au Maroc et à l’étranger jusqu’à la mise en place de centres de formation et de maisons d’hébergement des élèves dans le monde rural. Cette démarche dans le champ social devait recevoir une impulsion pour renforcer l’édifice de lutte contre la pauvreté. Le discours du 18 mai 2005 est venu pour constater que « de larges franges de la population marocaine vivent dans des conditions très difficiles et parfois même incompatibles avec une vie digne et décente. Ces populations abritées par les bidonvilles, les quartiers pauvres des zones urbaines et périurbaines, et par plusieurs communes du milieu rural, souffrent de l’absence des services sociaux les plus élémentaires tels la santé, l’éducation, l’eau, l’électricité, les infrastructures culturelles,…. » 

>> INDH : «Matrice de notre matrice sociétale» 

Le discours a par la suite inscrit L’INDH dans un cadre global et nouveau en affirmant que : « Cette initiative s’inscrit dans la vision d’ensemble qui constitue la matrice de notre projet sociétal, modèle bâti sur les principes de démocratie politique, d’efficacité économique, de cohésion sociale et de travail, mais aussi sur la possibilité donnée à tout un chacun de s’épanouir en déployant pleinement ses potentialités et ses aptitudes».

«C’est dans cette vision équilibrée et portée vers l’avenir, que s’inscrivent, du reste, les réformes fondamentales et les projets structurants que Nous avons engagés, ainsi que les progrès et les acquis aujourd’hui engrangés, notamment dans les domaines de la consolidation de l’Etat de droit, de l’élargissement de l’espace des libertés, de la promotion des droits de la femme, de l’enfance et des catégories sociales démunies et fragiles. » Le développement humain est un long processus global, coordonné et qui nécessite des réformes de fond».

La démarche de l’INDH a ciblé quatre programmes relatifs à la lutte contre la pauvreté en milieu rural, contre l’exclusion en milieu urbain, contre la précarité et au programme transversal. L’indice de pauvreté est utilisé pour cibler les communes bénéficiaires. Il s’est fixé comme cadre de travail l’engagement dans des actions qui ne sont pas prises en charge par les budgets des ministères mais a ouvert des voies où la coordination pourrait permettre le ciblage d’un secteur ou d’une commune pour garantir une efficacité de l’ensemble des intervenants. Les fonds de l’INDH doivent exercer un effet d’entrainement sur les fonds dont disposent les administrations publiques, les communes ou même les associations. C’est cet effet de levier qui pourrait avoir un impact sur les populations cibles. En neuf ans, il est permis de dire que beaucoup d’objectifs ont été atteints et que beaucoup d’aspects méritent une redéfinition et partant, un nouveau plan d’action. 

Le discours du Trône de juillet 2013 a clairement montré que cette initiative qui se trouve dans sa deuxième phase ne doit pas rester cantonnée dans une vision d’aide aux plus pauvres ou aux plus démunis. Elle doit dorénavant s’inscrire dans une stratégie d’ouverture sur les grands chantiers de développement visant à réduire les disparités sociales et géographiques. Les programmes de l’initiative nationale doivent être élargis et renforcés au moyen d’autres mécanismes donnant une priorité aux activités génératrices de revenus. L’INDH avait besoin d’une revitalisation afin qu’elle continue à répondre aux objectifs de sa création. Les AGR restent l’élément le plus fragile dans les différents programmes de l’INDH. Les structures d’appui à ces activités n’ont pas fait preuve d’une grande innovation dans l’encadrement et l’accompagnement des porteurs de projets. L’initiative est venue pour combler des déficits énormes en matière de lutte contre la pauvreté et la précarité dans les milieux rural et urbain. Elle devait constituer un effet de levier en renforçant la convergence de tous les acteurs locaux. Les services déconcentrés n’ont, pour des raisons bureaucratiques, pas joué le jeu. Les collectivités territoriales ne se sont pas appropriées les programmes de l’initiative. Le changement s’impose dans ce domaine. Les opérations d’évaluation des réalisations doivent être continues et ne pas se limiter à des audits annuels et ponctuels.

Comme nous l’avons écrit dans le dossier que nous avons consacré à l’INDH à l’occasion du neuvième anniversaire, il est tout à fait légitime de fêter l’événement, mais il semble encore plus légitime d’évaluer les impacts et dire dans un langage de vérité que le Maroc a réussi grâce à l’INDH à combler une partie de son déficit social, mais l’essentiel reste à faire. Vaincre la pauvreté a besoin de la convergence de toutes les politiques publiques. L’Initiative a ouvert une voie que les politiques et tous les acteurs doivent élargir pour que les perspectives s’éclaircissent devant les jeunes et les futures générations. 

Beaucoup reste à faire et notamment, au niveau de la gouvernance de l’INDH. Programmer, identifier et réaliser ne sont pas des actes qui doivent être faits à la hâte et sous la pression des échéances financières ou procédurales. Les crédits et les procédures doivent suivre le rythme des acteurs et les accompagner. Courir derrière des taux d’engagement des crédits budgétaires et se limiter à des paiements modestes, est dangereux pour la vision instaurée par l’INDH. Beaucoup de succès ont été réalisés et beaucoup de faiblesses et parfois d’échecs ont été constatés. Les observateurs parlent du «taux de mortalité des projets» Beaucoup de projets ont été construits et sont dans une situation d’abandon. Beaucoup de structures ont été édifiées et équipées sans que le capital humain qui doit les faire fonctionner ne soit disponible. Le bilan est globalement positif et les observations relevées par l’Observatoire national du développement humain, le Conseil économique, social et environnemental et par les auditeurs sont constructives. La preuve, une deuxième phase a été lancée et un neuvième anniversaire fêté. Relever les défis est un combat qui doit continuer.  

>> L’INDH a constamment besoin d’évaluation et de renforcement 

Nous avons assisté depuis quelques années à la décision de proroger l’INDH. C’est une décision stratégique qui redonne à la méthodologie sa profondeur, c’est-à-dire son inscription dans la durée de la réalité de notre contexte et du passif qui reste à alléger dans les champs sociaux. Les dix milliards de dhs qui ont été affectés à la première phase de cinq années ne pouvaient permettre d’atteindre les objectifs assignés aux quatre programmes constituant l’ossature des interventions dans le cadre de l’INDH. Les communes ciblées dans le monde rural et urbain ont certes bénéficié de financements et de projets, mais certains dysfonctionnements sont apparus et ont rendu nécessaire un travail d’évaluation des actions entreprises. Ce travail a été le fait de plusieurs organes gouvernementaux, de la société civile, de l’observatoire de l’INDH, du CESE et des institutions internationales. Les principaux obstacles à de meilleures performances peuvent être résumés comme suit :

 -l’incapacité de certaines communes et associations à honorer convenablement leurs engagements en matière de suivi des réalisations, faute de moyens humains qualifiés ;

-L’absence de prise de décision des services extérieurs de l’Etat, et le non-respect de leurs engagements en tant que partenaires financiers aux projets et en tant que responsables de la gestion ;

-L’insuffisance des ressources humaines et de profils nécessaires pour l’encadrement et les fonctionnements des centres d’accueil ;

-L’éparpillement des projets à travers le territoire de certaines provinces, parfois vaste, enclavé ou marqué par des reliefs montagneux ce qui n’est pas sans conséquence sur l’avancement des projets » 

– Le financement de projets non éligibles, et l’existence de cas de conflits d’intérêts ;

-La faiblesse des effets de levier et de la convergence ;

– L’existence d’un taux inacceptable de mortalité des projets ;

– Les organes de gouvernance « n’ont pas pleinement rempli leurs missions en matière de cadrage stratégique et de convergence interministérielle et en matière de suivi d’évaluation régulier de la mise en œuvre ;

– La qualité du fonctionnement des différents comités territoriaux est tributaire des compétences et de l’implication de leurs présidents et de leurs membres, toutes catégories confondues. 

– Les divisions de l’action sociale sont fortement sollicitées (surcharge de travail) du fait de l’insuffisance des capacités d’un grand nombre de comités et d’EAC/Q. Ainsi, le rôle des DAS est devenu prédominant.

– Les évaluations internes sont principalement axées sur l’aspect quantitatif (nombre de projets, de bénéficiaires..) dans l’appréciation de l’INDH au détriment de l’aspect qualitatif – La pérennité de beaucoup de projets est fragile, voire compromise. 

 
Article précédent

"Les morts ne se valent pas" par ( Jamal Berraoui )

Article suivant

La couverture médicale : une injustice levée