Spécial Fête du Trône

La constitution : les valeurs universelles consacrées

>> L’année 2011 et l’accueil du printemps arabe

Le Maroc a vécu en 2011 une des périodes les plus cruciales de son histoire récente. La question constitutionnelle a toujours été à la source des décalages politiques entre les différents acteurs de la scène. Les politologues et les constitutionnalistes marocains et français nous offrent leurs analyses sur les rapports de force entre ces acteurs. L’analyse des discours sur la constitution entre les années 60 et les années 2000 a relevé la persistance des questions sur le partage des pouvoirs et leur séparation. Les partis issus du mouvement nationaliste et les mouvements de gauche ont toujours fait de la question constitutionnelle un point central dans leurs revendications politiques. Dès les premiers mouvements de contestation qui ont secoué certaines villes et les attitudes fébriles de beaucoup de responsables politiques ainsi que le peu de réaction du gouvernement, le Roi a fait une entrée en scène remarquable. En chef d’Etat responsable de la sécurité du pays et disposant d’un capital de popularité qui s’est consolidé par les actions concrètes qu’il a menées dans les secteurs des infrastructures et dans le domaine social, il a dit les mots qui rassurent. Le 9 mars, était le jour du discours de la rupture institutionnelle avec le passé. C’est lui qui allait préparer le terrain à la nouvelle constitution. Les fondements de la gestion politique des rapports entre les pouvoirs et des questions relatives aux droits de l’homme sont énoncés dans le message royal. Une commission de réforme de la constitution est mise en place. Elle reçoit les doléances des associations, des syndicats et des partis politiques et propose à la fin de ses travaux un projet de constitution qui allait passer par un referendum au mois de juillet 2011 après une période consacrée à la campagne qui a été lancée le 21 juin. Les Marocains ayant vu ce qui s’est passé dans les pays voisins ont préféré la voie la plus difficile, celle de la réforme et de l’apaisement. Ce passage spécifiquement marocain par les tempêtes d’un printemps arabe est appelé « exception marocaine ». Depuis, la normalité a pris sa place dans le jeu politique. Les réajustements sont toujours possibles en matière constitutionnelle mais l’essentiel est dans l’application et l’intériorisation des règles du jeu. Adoptée à une large majorité, la constitution est pour la première fois dans notre histoire l’œuvre de toute une classe politique, d’une grande partie de l’élite spécialisée et d’un nombre important des acteurs de la société civile. Les doléances de l’ensemble de ces acteurs ont été livrées à la commission et beaucoup d’entre elles ont trouvé une place dans le texte suprême du Royaume. La constitutionnalisation est le terme qui est revenu le plus pour parler de l’intégration de beaucoup d’espaces et d’organes dans le corps de la constitution. Les droits de l’homme, l’égalité entre l’homme et la femme, les cultures et les langues, la lutte contre la corruption, la séparation des pouvoirs, l’espace réservé au pouvoir judiciaire et l’élargissement des prérogatives du Chef du gouvernement sont soulignés et désormais inclus dans les différents articles de la constitution marocaine.

>> La Constitution et les choix irréversibles pour un Etat de droit

Ce saut démocratique qualitatif est salué par la communauté internationale et par une majorité d’observateurs étrangers. L’organisation des Nations unies a consacré une grande partie de son rapport 2012 relatif au plan cadre d’appui au développement 2012-2016 sur le Maroc. Les termes du rapport sont forts et réalistes : « la nouvelle Constitution réaffirme le choix irréversible du Maroc de construire un Etat de droit, démocratique et moderne, et son engagement à souscrire aux principes, droits et obligations énoncés dans les chartes et conventions internationales relatives aux Droits humains (DH). La réforme constitutionnelle consacre le pluralisme culturel et linguistique du peuple marocain et son unité dans la diversité. Elle renforce la démocratie représentative en faisant du Parlement la seule source de la loi, et accroît les pouvoirs du Premier ministre, désormais Chef du gouvernement. Le texte de la Constitution est regardé par cette institution comme une « Charte des droits et libertés ».

>> La transparence au centre de la constitution : grand intérêt pour les partenaires extérieurs du Maroc
Les institutions financières internationales qui ont fait beaucoup de progrès dans leur lecture des évolutions politiques de leurs pays membres, ne sont pas restées insensibles à l’évolution constitutionnelle du Maroc. La Banque mondiale a lu l’initiative du Maroc comme étant une réponse aux évènements historiques qui ont secoué la région en 2011. L’élévation de la gouvernance aux loges constitutionnelles est saluée dans les textes de la banque. La référence à la transparence dans la passation des marchés publics fait dire à la Banque que le Maroc « a rejoint le club restreint des pays (tels que l’Afrique du Sud et les Philippines) qui ont conféré un caractère constitutionnel à ces questions plutôt techniques ». L’article 36 est très éloquent à ce sujet :
«Les infractions relatives aux conflits d’intérêts, aux délits d’initié et toutes infractions d’ordre financier sont sanctionnées par la loi. Les pouvoirs publics sont tenus de prévenir et réprimer, conformément à la loi, toutes formes de délinquance liées à l’activité des administrations et des organismes publics, à l’usage des fonds dont ils disposent, à la passation et à la gestion des marchés publics. Le trafic d’influence et de privilèges, l’abus de position dominante et de monopole, et toutes les autres pratiques contraires aux principes de la concurrence libre et loyale dans les relations économiques, sont sanctionnés par la loi. Il est créé une Instance nationale de la probité et de lutte contre la corruption.»
Insister sur les principes de probité, d’éthique, d’accès à l’information et de participation citoyenne à l’acte de légiférer est considéré comme novateur. L’exigence citoyenne a été prise en compte par les rédacteurs de la Constitution. Les patrimoines constitués en dehors de la légalité et notamment à travers les manipulations des marchés publics irritent le citoyen marocain depuis longtemps. Les innovations qui allaient suivre la Constitution dans ce domaine nous ont donné un nouveau code des marchés publics. Beaucoup d’avancées ont été enregistrées dans l’introduction de la clarté et de la lumière dans un grand dossier qui a trop vécu dans la pénombre. La réforme n’a fait que ses premiers pas et doit se consolider davantage.

>> Le FMI le dit dans ses rapports et le traduit dans ses actes

Le regard extérieur. Le FMI a lui aussi suivi de près le processus de préparation et d’adoption de la nouvelle Constitution. Les différents rapports de cette institution relatifs à la revue des politiques économiques et financières ou ceux ayant un lien avec la mise en place des financements mettent toujours en relief l’ouverture démocratique introduite par le nouvel édifice constitutionnel. La première mission du FMI a eu lieu quelques jours après l’adoption de la Constitution (19 juillet 2011). Les conclusions préliminaires des consultations de 2011 au titre de l’article IV notent au niveau du 17ème paragraphe du rapport que « La réforme constitutionnelle contribuera aux efforts d’approfondissement des réformes structurelles et à stimuler la croissance à moyen terme. La nouvelle Constitution permettra de développer un cadre juridique et institutionnel pour consolider les progrès de la gouvernance, la transparence dans la gestion des comptes publics, le climat des affaires, le développement du secteur privé et l’égalité entre les deux sexes. Ceci devrait soutenir l’augmentation du niveau de vie des populations et le potentiel de croissance. »

>> Le conseil de l’Europe : le Maroc premier partenaire pour la démocratie

Au niveau européen, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a accordé le 21/06/2011, au Maroc le statut de Partenaire pour la démocratie. Cette initiative, qui est la première du genre a permis à notre Parlement de devenir le premier partenaire pour la démocratie. Cela est une reconnaissance des efforts consentis dans le domaine de l’ouverture démocratique au Maroc. Cette distinction s’est faite à la veille de l’adoption des nouvelles dispositions constitutionnelles. Les Etats-Unis d’Amérique ont eux aussi salué le caractère déterminant de la Constitution pour aller vers davantage de progrès. C’est en ces termes que le nouvel ambassadeur américain décrit le paysage politique issu de ladite constitution.
La Constitution marocaine a été scrutée par l’ensemble des observateurs et a presque donné lieu à une lecture objective de ses apports dans tous les domaines. Primauté des conventions internationales, prohibition de toute forme de discrimination, égalité entre hommes et femmes, consécration de la présomption d’innocence, le droit à un procès équitable, la liberté de pensée, le droit d’accès à l’information, l’indépendance du pouvoir judiciaire. La société civile est un acteur dans toute l’instance de gouvernance. Certains chercheurs ont affirmé que cette constitution est sous le prisme du genre (18 dispositions sur le droit des femmes).
Le sens du détail est très utile pour montrer la profondeur de la réforme. Ainsi, la nationalité est attribuée de droit aux enfants nés de père ou de mère marocains. L’Etat est dans l’obligation de protéger les enfants et notamment, les mineurs contre toute forme d’exploitation, de manipulation ou de violence. Il doit, par ailleurs protéger les handicapés et les personnes âgées contre les injustices sociales et la discrimination. La constitution érige l’éducation en droit de l’homme et en devoir fondamental démocratique et gratuit. L’école est obligatoire pour les filles et les garçons, la santé est un droit fondamental et l’état doit réunir les meilleures conditions pour l’accès de tous les citoyens au travail dans des conditions décentes. Le droit de grève est garanti autant que la liberté de choisir l’activité économique à exercer. Même les loisirs et les sports sont des droits et des facteurs d’épanouissement individuel et collectif. La création culturelle est libre et ne peut être freinée par des décisions arbitraires ou relevant des champs idéologiques.
En conclusion, il est légitime d’affirmer que le Maroc dispose d’un texte fort, moderne et très avancé en matière de droits et libertés et en matière de la gestion politique. Le droit est toujours l’allié ou l’ennemi des réalités culturelles et sociales. Leurs interactions peuvent produire les meilleurs résultats et leurs confrontations les pires pratiques de détournement de la norme juridique au profit des statu quo improductifs. Notre constitution a besoin d’hommes et de femmes qui porteront ses messages et son contenu et lui ouvrir les perspectives du développement humain dans sa profondeur et dans toute sa dimension. 

 
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