Portrait

La passion du service de luxe

Il se destinait à la marine, mais la vie lui a choisi un autre destin. Ce manager de Palace a débuté comme serveur et a gravi les échelons jusqu’à gérer les plus grands restaurants en France et aux USA.

La France est un grand hôtel, disait Jacques Attali; encore faut-il savoir servir. On dit aussi que tous les chemins mènent à Rome, et le chemin de vie de Loïc Launay l’a mené à l’hôtellerie sur trois continents. Ce Normand, né en bord de mer, a fait le choix de la restauration et a gardé le cap, jusqu’à arriver à la tête des plus grandes tables de France et des Etats-Unis. Rien ne le prédestinait à une telle réussite. Elevé par sa mère, il a grandi à Grandville, non loin du Mont St Michel. En plein haut lieu du mysticisme catholique entre la Bretagne celte et la Normandie saxonne, où les fées et les légendes côtoient les hauts lieux du culte des saints. Au Maroc, on le sait bien, le Mont St Michel est l’un de ces centres qui cristallisent les énergies d’un «bled», point nodal de l’âme d’une région.
C’est en bord de mer que Loïc voit le jour en 1969, et c’est sur la plage, près des vagues que se développe son âme de marin. «Mon enfance était en bord de mer, bercée par les vagues. Je passais mon temps à pêcher. Si j’avais le temps, je partais sur un bateau pour quelques jours, jusqu’à une semaine, pour pêcher. A un moment de ma vie, j’ai même voulu me faire marin», confie-t-il. Massif et «lumineux», on l’imagine volontiers en «loup des mers», voguant sur les flots des caraïbes, entre deux visites à Bouche dorée, le personnage de la bande dessinée de Hugo Pratt, Corto Maltese. L’esprit d’aventures est difficilement compatible avec les études, et lorsqu’il se destine à la restauration, sa seconde passion, sa grand-mère aura ce commentaire: «c’est bien. Au moins tu auras toujours à manger». Manger, c’est une nécessité, surtout dans un foyer «simple». Sa mère est femme de ménage, et Loïc ne peut compter que sur lui même.

Des études courtes pour entrer dans la «vie active»
Loïc arrête l’école en 4ème pour suivre les cours de l’école hôtelière de Grandville. Sa passion est la cuisine, et il décroche un CAP de serveur. Il a 17 ans, et à l’époque, le service militaire est encore obligatoire en France. «Je me suis dit que plus vite j’en avais fini, plus vite je serais indépendant financièrement,» confie-t-il. Loïc commence son service militaire comme «tankiste». Quelques mois plus tard, il est affecté au service des gradés: «moi je voulais me battre, mais «ils» ont dû se dire que je serais mieux au service des généraux de l’armée française. C’était une «planque»», lance-t-il dans un rire franc. L’expérience sera profitable, puisqu’au sortir de l’armée, il fait ses débuts dans la chaîne Relais et Château.
Commence alors sa carrière en province. Loïc a une seule ambition, servir dans les plus grands restaurants de France et de Navarre. Dès ses débuts, il est affecté aux Restaurants 3 étoiles du Guide Michelin -ce que la France propose de mieux- de la chaîne, auprès d’Olivier Koellinger à Cancale. C’était encore l’époque quand les chefs géraient leur cuisine comme un bataillon, surnom qu’on donne d’ailleurs à l’équipe. Il n’était pas rare que les assiettes volent dans la cuisine; qu’un chef poursuit l’un de ses employés, une louche à la main. On croyait ces histoires légendaires, a cette époque, mais c’est la réalité. Loïc, parcourt la France grâce à son métier et sillonne la Côte d’Azur jusqu’à Monaco.

Des mentors sur le chemin
Première rencontre déterminante: En 2004, Loïc travaille dans le restaurant de l’hôtel Métropole de Monaco, une table qu’affectionne la famille Princière du Rocher. Il fait la rencontre du chef le plus étoilé de France, Joël Robuchon. C’est là qu’il fait réellement un saut qualitatif, en matière de qualité de service. Le restaurant décroche deux étoiles au Guide Michelin et la distinction de Best Service, par Leading Hotels of the World. Une consécration de la qualité de service. Il y reste une année et demi, avant que Robuchon ne lui propose de le suivre aux Etats-Unis: «il avait l’ambition de créer le meilleur restaurant du Monde», révèle-t-il, et Loïc se prend à rêver avec le chef. Il s’envole donc pour Las Vegas. C’est dans l’hôtel MGM Grand, le plus grand de l’époque, avec quelque 9000 employés et 6000 chambres, qu’il ouvre les deux restaurants de l’établissement.
En un temps record, le restaurant décroche les 3 étoiles du Guide Michelin, 5 mobil stars, la plus grande distinction étasunienne, 5 diamonds AAA. Vogue Magazine lui décerne le label Best Service et la carte des vins est considérée la meilleure des USA par Wine Spectator. Mais l’opportunité d’une vie se présente en la personne de son deuxième mentor, Luc Delafosse, Général Manager du Palace français, le Crillon: «c’est Joël qui m’a fait quitter la France, et c’est Luc qui m’a fait revenir, pour devenir Directeur de la Restauration de l’établissement. C’est réellement auprès de lui que j’ai appris la philosophie du Service de Luxe, après Jean Claude Messant du Métropole de Monaco», explique-t-il, reconnaissant. Il a alors une double mission, rendre le restaurant profitable, et rehausser les standards de l’enseigne.

Arrivée au Maroc
Côtoyer les stars est alors son quotidien. Madonna est une habituée du Crillon, et Céline Dion du MGM Grand. Chefs d’Etats et personnalités de premier plan sont des habitués. Il reste au Crillon de 2009 à 2013. Il est ensuite nommé Directeur Général de la Réserve de Beaulieu, un Palace de la côte d’Azur, sur le chemin de Monaco. «C’est un petit coin de paradis, où le temps semble passer au ralenti», développe-t-il, nostalgique. Il est déjà marié depuis 2003, et naturellement, sa femme et ses deux enfants le suivent, au fil des affectations.
Arrive 2014, lorsque Loïc arrive enfin au Maroc. Ce sera au Royal Palm de Marrakech, dont on lui confie la direction des opérations. Il s’installe dans le Royaume et prend ses marques. Deux années plus tard, il est nommé DG. Nous sommes en octobre 2016, et depuis ce moment, il officie dans l’hôtel de prestige, sur une destination de tourisme de luxe qu’est Marrakech. «Et si vous deviez recevoir quelqu’un à dîner? N’importe qui dans le Monde?» Il répond tout naturellement: «je serais honoré de recevoir Sa Majesté le Roi Mohammed VI dans notre restaurant». C’est dire qu’il a déjà pris la «couleur locale».

BIO EXPRESS

1969: naissance à Grandville (50 Manche)
1987: débuts chez Relais et Châteaux
2004: rencontre de Joel Robuchon et Jean Claude Messant
2014: Royal Palm Marrakech

 
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