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Lahcen Haddad met le cap sur le rural

Lahcen Haddad, ministre du Tourisme.

Le programme intégré pour le développement du tourisme rural, porte un nom emblématique : QARIATI. Il  a été conçu afin de consolider les programmes lancés précédemment et pallier d’éventuels problèmes et contraintes rencontrés, notamment, en matière de commercialisation, de gouvernance, du produit touristique rural. par S.ALATTAR

Qariati part du constat que la mise à niveau globale de l’économie rurale, passe nécessairement par une stratégie efficace de développement du tourisme rural, moteur d’entrainement des autres filières à même de permettre la réalisation d’un meilleur équilibre social à travers l’instauration d’une dynamique de développement humain et de lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Dans cette même vision, le programme QARIATI a été conçu, d’une part pour consolider la stratégie Pays d’Accueil Touristique et apporter des mesures correctives, et d’autre part, pour servir avant tout aux populations des arrières pays dont l’activité économique  non agricole est toujours peu développée. Il vise essentiellement le développement socio-économique du monde rural ; la réduction des effets de la pauvreté, la fixation des populations locales et la  réduction de l’exode rural ; la création et diversification des opportunités d’emploi et génération des revenus alternatifs et  la valorisation des ressources naturelles et culturelles.
Le programme QARIATI procède, pour le choix des zones d’intervention, d’un ciblage géographique s’étendant sur les arrières pays de 50 provinces de 15 régions administratives du Royaume. Il permettra le développement de 50 centres et pays d’accueil touristique, ainsi que la mise en valeur des territoires touristiques au niveau du monde rural. Le programme QARIATI est décliné en projets d’intervention concrets et tangibles sur le terrain et dont la mise en œuvre repose sur le ciblage des zones et des catégories les plus démunies, ainsi que sur la participation des populations en vue d’assurer une meilleure appropriation et viabilité des projets et des interventions en privilégiant une approche basée sur la contractualisation et le partenariat avec les acteurs de développement local privilégiant des actions de proximité.
Accueil, information et interprétation : Cette composante consiste en :
– La création des points d’accueil et d’information sous forme de Centres d’Accueil Touristique et kiosques d’information, dans les points focaux autour des CAT pour l’orientation des touristes;
– La découverte du patrimoine naturel en présentant et en conceptualisant les étapes successives de sa constitution à travers la création des centres d’interprétation ;
– La mise en place d’un support pédagogique permettant d’analyser et de comprendre le site, ainsi que de s’y repérer à travers la création des écomusées;
Circuits touristiques : c’est une composante principale permettant :
– La mise en réseau des potentialités et des activités dans les arrières pays ;
– La mise en place des sentiers et des itinéraires comportant des indicateurs clairs et harmonieux facilitant la compréhension du public et son déplacement dans l’arrière pays;
– De favoriser  l’uniformité et la continuité du balisage et de la signalisation touristiques, conformément aux chartes et figures signalétiques adoptées dans chaque territoire touristique ;
– L’aménagement des aires de repos au niveau des sites panoramiques dans les différentes étapes du circuit permettant aux touristes d’admirer le paysage.
Animation – Produits du Terroir : c’est une composante liée aux activités agricoles et artisanales locales qui consiste en la valorisation de savoir-faire local en matière de produits du terroir agricole et l’artisanat local à travers la création des circuits thématiques et boutiques d’exposition et de vente des produits locaux ; et la mise en place des ateliers d’initiation et d’apprentissage en faveur des touristes.
Animation – Valorisation du patrimoine culturel: Le Maroc, de par son histoire, est riche en patrimoine culturel (matériel et immatériel) et cultuel. C’est ainsi que le programme QARIATI a prévu dans cet axe la préservation et la mise en valeur touristique de cet héritage.
Hébergement : Un axe important dédié à la mise à niveau du tissu hôtelier existant et à la création de nouvelles unités d’hébergement de différentes catégories (gîtes, auberges, maisons d’hôtes, stations vertes, Ecoresorts….) respectueuses de l’environnement. Cette composante principale consiste en la mise à niveau des gîtes, auberges et maisons d’hôtes existants et la création de nouvelles unités, la reconversion d’anciennes bâtisses en hébergement touristique rural et création d’écolodges et la diffusion de nouvelles unités d’hébergement écologique haut de gamme (stations vertes, bivouacs de luxe, glampings,…).
 
Mesures d’accompagnement du programme QARIATI

Pour le ministère du Tourisme, la durabilité et le succès du programme QARIATI sont tributaires de la mise en place des mesures d’accompagnement suivantes :
Promotion et commercialisation : c’est une mesure d’accompagnement garante de la viabilité et la réussite du programme à travers la programmation de campagnes de promotion et la planification d’une stratégie de commercialisation. Ceci, à travers la mise en place d’un plan promotionnel concerté et la conclusion d’accords de commercialisation avec les Tour-opérateurs.
Formation et développement des compétences et de savoir-faire : c’est une mesure incontournable pour le programme QARIATI en vue de préparer les ressources humaines nécessaires et accompagner la mise en place du programme en s’assurant de sa pérennité et ce, à travers : la sensibilisation et formation continue des prestataires de service issus de la population locale pour améliorer le professionnalisme et garantir la qualité de service offert; la favorisation de la participation et l’éducation citoyenne et la formation des guides et accompagnateurs «Espaces Naturels» pour garantir un accompagnement et un guidage professionnel des touristes dans les arrières pays.
Assistance et accompagnement : c’est une mesure d’accompagnement incontournable pour l’atteinte des objectifs en assurant la Maîtrise d’Ouvrage Déléguée du Programme QARIATI par un agent d’exécution spécialisé en la matière (voir partie opérationnalisation ci-dessous).
 
Gouvernance du programme QARIATI

Sur le plan institutionnel, l’administration du programme est placée sous la conduite du Gouvernement marocain représenté par la Société Marocaine d’Ingénierie Touristique sous la tutelle du Département du Tourisme. Deux niveaux d’administration du programme sont proposés : central et régional.
Au niveau central  Un comité de pilotage, présidé par le ministre du Tourisme, composé des ministres concernés et des responsables des Agences et Organismes partenaires et la Société Marocaine d’Ingénierie Touristique en tant qu’agence d’exécution. Ce comité a pour missions essentielles d’approuver le contenu du programme à réaliser; de servir d’interface aux bailleurs de fonds ; d’assurer le suivi des réalisations des différents projets sur la base des rapports périodiques établis par les entités chargées de la coordination des actions au niveau régional et assurer le suivi des indicateurs de résultats et d’impacts produits par les projets réalisés sur la base des rapports établis par les entités susvisées et de tout autre moyen d’investigation (enquête, étude etc.).Le secrétariat de ce Comité sera assuré par la Société Marocaine d’Ingénierie Touristique, agence d’exécution du Programme.
Au niveau régional : Un comité de gestion du programme sera instauré au niveau de chacune des 15 régions et sera présidé par le Président de la région et composé du Wali de la région, des Gouverneurs des provinces concernées, des collectivités locales concernées et des représentants des établissements publics impliqués dans la réalisation du programme, du secteur privé et de la société civile, ainsi que des Société de Développement Local qui seront créées dans le cadre de ce programme. Les missions des Comités régionaux sont de valider les actions à exécuter dans le cadre du programme; de coordonner les actions des différentes entités d’exécution impliquées dans la réalisation du programme ; de suivre les réalisations et de collecter les éléments nécessaires pour mesurer les indicateurs de résultats et d’impact du programme.
La création de SDL régional
En termes de gestion des pays et des Centres d’Accueil Touristique, le programme QARIATI a prévu la mise en place de Sociétés de Développement Local (SDL) considérée comme élément incontournable pour instaurer les bases de gouvernance durable au niveau régional. Ces sociétés de Développement Local (SDL) qui seront créées au niveau de chaque région, assureront la pérennisation et le développement des produits créés à travers  la commercialisation des produits touristiques de la région ;  l’encadrement et l’organisation d’événements et de voyages au niveau de la région La gestion des centres d’accueil touristique ; l’assistance et l’appui à la création d’entreprises pour le développement de produits touristiques; la labellisation des hébergements et des produits touristiques de la région.

Le financement du Programme Qariati

Selon le ministère du Tourisme, le programme QUARIATI nécessite un investissement d’un montant de 3600 millions de dirhams répartis sur les 15 régions du pays sur la période  2013-2025. La mise en place de ce programme se fera dans le cadre de conventions de partenariat avec un tour de table constitué de différents partenaires publics : Intérieurs  à travers la  DGCL et l’ INDH,  l’Agriculture et l’urbanisme à travers le Fonds de développement rural et l’Habitat à travers le  fonds Habitat et solidarité.

Qariati : Un levier du développement pour le  monde rural, ou un simple programme de plus ?

Il est encore trop tôt pour  juger de la fiabilité du programme Qariati, puisqu’il est encore au stade de l’ingénierie institutionnelle et financière et ne s’est pas encore confronté aux contraintes du terrain et de la conjoncture. Mais d’ores et déjà, ce nouveau produit soulève quelques observations et interrogations. Soulignons d’abord, la difficile gestation de ce programme, qui a fait l’objet de plus de deux ans de concertations interministérielles sans emporter réellement l’adhésion des ministères appelés à le financer, en particulier l’Intérieur, l’Agriculture, l’urbanisme et l’habitat.
Car, le paradoxe de ce programme c’est que le ministère du Tourisme se contente d’une contribution propre de 5% et  finance le reste par l’argent des autres. D’où la réticence des autres départements qui souhaitent garder leurs ressources pour leurs programmes propres. Le deuxième paradoxe de ce programme, c’est le risque d’inflation bureaucratique qu’il comporte. La création des 15 SDL risque de consommer une bonne partie des 3,5 milliards de dirhams prévus pour l’investissement. Ce qui serait souhaitable c’est de réduire les coûts bureaucratiques en modernisant et en simplifiant les modes de gouvernance des territoires et non en ajoutant de la bureaucratique à la bureaucratie. Enfin, la réussite du tourisme rural est tributaire d’une mise à niveau du monde rural, entreprise intergouvernementale par excellence qui dépasse le simple département du tourisme et nécessite un portage fort au niveau du Chef de Gouvernement.

 
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