Portrait

Laurent Ebzant, DG du Hyatt Regency Casablanca : Le manager, Ironman, 100% made in Hyatt

Sa vie est un retour à ses premières amours. Ce manager formé à l’école du Hyatt, a pris la direction de ces mêmes hôtels où il a fait ses débuts, avant d’opter pour une carrière internationale au Ghana et au Maroc. Par Noréddine El Abbassi

On dit qu’il faut savoir d’où l’on vient, pour savoir où l’on va. Et surtout mesurer le chemin parcouru. C’est certain, Laurent Ebzant, lui, sait d’où il vient. Pour ce professionnel de l’Hôtellerie et de la Restauration, le service est un peu une histoire de famille. Son arrière grand-père, déjà, a été le Maître d’hôtel du Général Charles De Gaulle, lorsque ce dernier exerçait les fonctions de Président de la République Française. «C’était la grande blague. Ma mère se plaisait à dire que je voulais être Maître d’hôtel, comme mon arrière grand père. Pour preuve, il avait gardé les menus des dîners officiels servis à l’Elysée, avec les signatures des grands chefs d’Etats qui y sont passés, comme le Shah d’Iran, le Président Américain John F. Kennedy ou encore l’astronaute russe Youri Gagarine», explique-t-il simplement.
Laurent est né en 1971, en région parisienne. Deuxième des trois fils d’un ouvrier du bâtiment, c’est un «enfant de la banlieue»: «récemment j’y suis retourné. J’y ai vu des voitures brûler. Mais il faut replacer les choses dans leur «contexte». A l’époque, nos voisins de paliers étaient Marocains, et c’était exotique pour nous. Il était courant qu’ils nous invitent pour un couscous ou un tagine. On se disait qu’ils étaient adorables de nous offrir de tels mets, alors que nous étions habitués à des steaks-frites et de la purée», se remémore-t-il, rêveur. Son père est alors un «dur», un ancien parachutiste, revenu à la vie civile: «c’était quelqu’un de très structuré, avec beaucoup d’autorité et qui a dû être autonome très jeune, puisque mon grand-père, garagiste, était mort dans la force de l’âge», confie-t-il.

Un timide qui «ose»
Grand, svelte et athlétique, Laurent tranche avec l’enfant qu’il a dû être. «J’étais roux, et à cette époque, les surnoms étaient courants. Bien entendu, j’ai eu droit à celui de «poil de carotte», entre autres. En outre, j’étais d’une timidité maladive et je rougissais devant une fille. En classe, pour monter au tableau, on m’appelait pivoine, c’est dire», se remémore-t-il. Peut-être par défi, ou parce que les timides ont un culot monstrueux, toujours est-il que Laurent se destine très jeune à l’hôtellerie. «Lorsqu’on est dans le service, on côtoie les «grands» de ce monde. C’est ce qui m’a attiré, mais aussi pour me soigner de ma timidité», explique-t-il.     Laurent quitte alors les bancs de l’école à 17 ans, pour descendre à Paris, faire l’école hôtelière. «Je suis descendu à Paris à 12 ans la première fois, et pourtant c’était à 15 km», développe-t-il. Il y étudie pendant 5 années et ressort avec un CAP de cuisine et un diplôme dans la restauration. A l’école, il rencontre celle qui deviendra sa femme, quelques années plus tard: «c’était une fille d’origine chinoise, du Cambodge plus précisément. Etant la seule fille de sa famille, elle était très protégée. Notre histoire était réellement une histoire «secrète», comme on voit dans les films…», laisse-t-il échapper, rougissant légèrement. Le jeune Laurent qui a terminé sa formation théorique, doit néanmoins passer par le service militaire, encore en vigueur à l’époque. Mais il opte pour un programme particulier.

La dernière promotion du service militaire français
«Je pouvais opter pour la coopération, ce que j’ai fait. J’ai été de la promotion de 1995, la dernière à le faire. J’ai donc été conscrit, alors que je croyais pouvoir y échapper,», explique-t-il. Un premier stage en Grande Bretagne, lui donne l’occasion d’apprendre l’anglais. Le second sera au prestigieux hôtel Lutecia. Alors qu’il devait s’envoler pour les DOM TOM dans un service de coopération, il se retrouve sous les drapeaux, l’Etat ayant vendu le bien où il devait entamer son obligation: «Au service actif, je ne suis resté que peu de temps. On m’a tout de suite affecté au mess des officiers, au service des très hauts gradés et des généraux. Mais l’avantage est qu’à 19h j’avais terminé, et je pouvais donc occuper mon temps autrement», explique-t-il.
Dans tout son récit, il a des manières de gentleman, un hôte accompli, qui croise les jambes, comme on imaginerait un Dominique de Villepin, en réception. «on a toujours l’impression que les hôteliers qui reçoivent des chefs d’Etats viennent d’un milieu privilégié, moi, je suis originaire de la Creuse», explique-t-il, quelque peu gêné. Entre son solde d’appelé et ses «extras», Laurent gagne bien sa vie. Il décide de présenter ses parents à sa belle famille: «j’avais fait les choses en grand. Je les ai invités au Georges V, et mon beau-père ne parlait pas français, c’est dire ce que la rencontre avait de surréaliste. L’addition m’a coûté la moitié de mon revenu de «smicard français». Heureusement que je pouvais me le permettre, puisque je vivais encore chez mes parents», expose-t-il toujours rouge et hilare.

Entrée au Hyatt Regency par le «bas»
Nous sommes en 1997 lorsque Laurent termine son service militaire. Il rejoint alors le groupe Hyatt Regency dans son hôtel Charles De Gaulle, près de l’aéroport éponyme. «C’est réellement une académie du groupe. La plupart de ceux qui ont commencé avec moi, sont devenus DG et travaillent dans les quatre coins du monde. Pendant mon service, j’ai appris à travailler dur. Il m’arrivait de me contenter de 3h de sommeil par nuit avant de reprendre immédiatement après», explique-t-il. Laurent travaille alors au room service de nuit, et dort dans sa voiture, puisqu’il n’a pas le temps de rentrer chez ses parents. Il gagne le SMIC et se pose réellement des questions sur sa vie. Mais il ne se laisse pas décourager et se fixe des objectifs.
Laurent gravit les échelons petit à petit. «J’ai gravi l’escalier social, et certaines marches ont été difficiles», expose-t-il. Il devient responsable Restauration, puis responsable des banquets, avant de devenir Directeur de Restauration au Charles De Gaulle. C’est une sorte de Graal, qu’il a décroché à ce moment. Et il change alors d’hôtel pour le Hyatt Paris Madeleine, en plein centre de Paris. Mais dès après, premier exil; Laurent est affecté au Hyatt de Bruxelles. C’est encore un pays francophone, mais l’expérience est différente de ce qu’il connaît. Entre temps et sur le plan personnel, il a déjà convolé en justes noces avec sa femme depuis 1998, et sa première fille a vu le jour en 2001.

Une carrière internationale
Arrive 2002, quand une «opportunité en or» se présente à lui. On lui propose la direction adjointe de l’hôtel Colombus de Monte Carlo. Là, c’est totalement autre chose, même si là encore, nous sommes en monde francophone: «on compte les années en Grand Prix de Monte Carlo, tant il est important. C’est un lieu que fréquente le Prince Reinier, lui-même. C’était avant la crise et la faillite de la banque d’affaires Lehman Brothers, quand l’argent coulait à flot à Monaco. C’était à peine si les milliardaires russes ne jetaient pas des billets de 500 euros sur la table», relate-t-il. Il y reste en poste pendant quatre années, avant que le Hyatt ne le rappelle au Charles De Gaulle, comme Directeur Adjoint. Nous sommes en 2007, et il revient dans le même hôtel où il a débuté, avant de repartir comme DG au Paris Madeleine.
«Mon histoire, c’est des allers-retours entre mes hôtels», explique-t-il. Néanmoins, il quitte le groupe, pour le Kempinski, cette fois à Genève. On lui propose une carrière internationale au bout de deux années, comme Directeur d’hôtel. «Je rêvais toujours de la Chine, puisque ma femme est chinoise. Mais au lieu d’aller à Shen Zhen, on m’a proposé le Ghana. Ce que je ne voulais pas au départ, mais une fois sur place, je suis tombé amoureux du pays. J’y ai fait le lancement du Kempinski Accra Gold, mon bébé, avant d’être rappelé par le Hyatt», explique-t-il. Depuis 8 mois, c’est à l’emblématique Hyatt Regency de Casablanca qu’il officie. Pour Laurent Ebzant: «comparé à Accra, Casablanca c’est Monte-Carlo. Dans un sens, je me considère comme un citoyen du monde, plus que comme un français», conclut-il. La force est dans le métissage.

BIO EXPRESS

1971: naissance dans l’Essonne (Banlieue Parisienne)
1993: Diplôme en restauration de l’école Hôtelière de Paris
1997: entrée au Groupe Hyatt Regency
2002: DGA Hôtel Colombus Monte Carlo
2007: DGA Hyatt Charles De Gaulle
2010: DG Hyatt Paris Madeleine
2012: Directeur du Kempinski Genève
2014: lancement du Kempinski Accra Gold (Ghana)
2016: DG Hyatt Casablanca

La face caché

Un hobby?
Ma famille. Je ne vis que pour ma femme et mes deux filles. D’ailleurs, je me suis marié le jour de la coupe du Monde de Football de 1998, lorsque la France a été Championne du Monde pour la première fois. Nous étions sur l’île de Ré, là où mes parents nous emmenaient en vacances lorsque nous étions enfants mes frères et moi, et nous avions un poste de TV avec une mauvaise réception pour suivre ce qui se passait.

Le sport?
Par le passé, je fumais deux paquets de Marlboro par jour. Puis un matin, je me suis réveillé et j’ai arrêté. Je me suis mis à courir, puis j’ai commencé à faire des marathons. J’ai participé à celui de Monaco par exemple. C’est l’un des derniers parcours où l’on termine la course dans le Stade Louis II à la fin de la compétition. Normalement, c’est cela la tradition. Depuis 2013, je participe à des «Ironman», c’est à dire des triathlons où il faut courir, nager et faire du vélo pendant de longues durées.

La littérature?
Je suis un passionné de toute la littérature du XIXe siècle. Les Rougon-Macquart de Zola par exemple, qui dépeignent la société de l’époque. C’est la première fois qu’un auteur essaie de faire une analyse qui explique pourquoi dans les mêmes deux branches d’une même famille, les uns réussissent et les autres pas. J’aime également l’oeuvre de Guy de Maupassant et Proust. Mais il faut avoir la tête à cela.

La musique?
Je suis très fan du rap des années 90. NTM, IAM sont des groupes qui résonnent en moi.

La Cuisine?
J’ai un CAP de cuisine et devenir chef m’a traversé la tête un moment. Aujourd’hui j’aime cuisiner une Volaille de Bresse aux Morilles, un boeuf bourguignon ou encore un risotto.

Les voyages?
J’ai souvent voyagé pour des raisons professionnelles. J’ai été à Dubai, en Chine, au Japon, mais aussi aux USA, en Afrique du Sud et en safari en Afrique Subsaharienne.

 
Article précédent

Condoléances : Décès du fils de Abdelmounaim Dilami et de Nadia Salah

Article suivant

La satisfaction client : Pour que la mesure soit opérante