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Partenariat Public – Privé : les atouts et les risques existent…

Mohamed Boussaid, ministre de l’Economie et des Finances.

Le ministre de l’Economie et des Finances, Mohamed Boussaid, a tenu à organiser, en collaboration avec le groupe de la Banque Mondiale, une conférence sur les contrats PPP (Partenariat Public-Privé). Le concept est nouveau, bien que la pratique existe. par Driss Alandaloussi

La journée a été riche en présentations faites par des ministres, des patrons d’entreprises publiques et des représentants de la Banque Mondiale. Le terme « Alliances Public-Privé » a été mis en avant pour présenter les atouts que représente le partenariat pour le développement économique et social. Tous les ministres présents ont souligné l’intérêt de drainer l’investissement privé vers les projets publics. Tous les secteurs sont demandeurs d’un partenariat qui allègerait le recours à l’enveloppe budgétaire. Ce mode de financement n’est pas nouveau au Maroc. Il a certes pris des formes diverses depuis plusieurs années (concession, maîtrise d’ouvrage déléguée, BOT…) mais le nouvel encadrement juridique va permettre d’incruster cette pratique dans les plans de financement des futurs projets publics. Ce n’est pas facile car c’est complexe au niveau des montages, des procédures, des contrôles et du suivi.

Le financement public a des limites, et le PPP aussi

Les limites du financement public et la complexité technique croissante des infrastructures  et de leur gestion a, depuis des années,  donné lieu à ce système appelé «partenariat public-privé » communément connu par le sigle PPP. Le Maroc a sa loi et un décret  sur le PPP (86-12 du 22 janvier 2015)   et ses dispositions  ouvrent  la voie au secteur privé pour participer  au développement économique et social du pays. La précaution est présente dans le texte et les risques ne peuvent disparaitre malgré le cadrage juridique. Les questions liées  à la maitrise des coûts, à la possibilité pour l’administration ou les établissements publics d’opérer les contrôles techniques et financiers et  à la durée des contrats qui peut atteindre 50 ans sont réelles et ont fait dire à notre Conseil Economique Social et environnemental que  «cette pratique doit toutefois rester maîtrisée, le contrat de partenariat peut certes s’avérer utile, mais dans certaines circonstances et sous certaines conditions ». Les expériences d’autres pays ne sont pas toutes rassurantes et le Senat français a qualifié le recours au PPP comme une facilité  «infantilisante » (rapport  publié en 2014), et qu’elle mérite d’être approchée avec délicatesse.

La loi marocaine sur les PPP et la gestion des risques

Les modes de choix des partenaires ont certes été encadrés par la loi et s’apparentent globalement  aux techniques de sélection des adjudicataires des marchés publics. La gestion de la commande publique, à travers les marchés publics, a montré dans beaucoup de cas des limites et a nécessité  plusieurs adaptations de la règlementation. La transparence, la reddition des comptes et l’évaluation des réalisations, ont pu pénétrer progressivement la forteresse du gestionnaire public et beaucoup reste à faire pour un contrôle du non détournement des procédures. Nos instituions sécuritaires, dont la Brigade financière et les tribunaux font constamment face aux affaires liées aux marchés publics et se prononcent sur les maux faits aux deniers publics.
 Le PPP est une nouvelle dimension que va prendre l’action publique et qui va mettre à contribution, tant le Trésor public, que l’usager d’un service public à côté de l’investisseur privé. Les parlementaires peuvent perdre le  droit de regard sur des projets qui se développeraient en dehors de l’autorisation budgétaire. Le Chef du gouvernement peut approuver par décret les contrats qui engagent l’administration, alors que  les conseils d’administration des établissements publics peuvent délibérer sur les contrats les concernant dans ce domaine. Les modes  pouvant donner lieu à ces contrats sont «la procédure négociée, le dialogue compétitif, l’appel d’offres ouvert et l’appel d’offres avec présélection » et les clauses devant être obligatoirement  contenues dans lesdits contrats sont la  durée, la  modalité de financement,  les sûretés et garanties, le suivi et le contrôle de l’exécution, ainsi que d’autres clauses liées à la nature du ou des projets à réaliser.
Les risques de ce nouveau mode sont connus et le texte de loi ainsi que le décret, ont mis en place certains critères qui peuvent minimiser ces risques. L’efficience économique se trouve à la tête des barrières qui peuvent limiter le recours au PPP. Le décideur public doit démontrer que les autres procédés de la réalisation d’un projet public, comme les marchés,  ne permettent pas d’atteindre les avantages qui pourraient découler  d’un PPP. Cette démonstration ne peut se faire sans une évaluation préalable dont les conclusions seraient soumises à la «commission interministérielle» qui sera créée pour élaborer et préparer l’appui à la décision ou avis du ministre des Finances. Evaluer une offre dans le cadre d’un PPP implique des analyses profondes de la capacité de gestion et d’exploitation et de financement, des coûts, des performances et des impacts sur le développement durable. La prédominance des grands groupes étrangers est possible  dans le cadre des grands projets, mais le gouvernement semble déterminé à faire jouer les instruments de la préférence nationale en matière des intrants et des contrats de sous- traitance.

Les attentes sont grandes  pour ouvrir la voie vers l’émergence

Le ministre Boussaid et ses collègues, ont démontré que l’effort d’investissement public développé au Maroc, a fait passer  son volume  de 70 milliards de DH à 186 milliards de DH en dix ans. Les efforts entrepris pour réduire le déficit public  et la volonté de limiter l’endettement public, sont autant de raisons qui doivent pousser à plus de créativité en matière de financement.
Les différents patrons des entreprises publiques ont exposé leurs programmes d’investissement dans les secteurs des ports, des aéroports, des autoroutes, de l’eau, de l’énergie et même dans les secteurs de l’agriculture et de la santé. Le partenariat public-privé est appelé à mobiliser des dizaines de milliards de DH dans les années  à venir. Aller vers l’émergence passe par des politiques sectorielles agressives et par une intensification du rythme de réalisation des infrastructures. Le réseau ferroviaire nécessitera  130 milliards de DH,  alors que la capacité d’autofinancement et d’endettement de l’ONCF est limitée. Le PPP est certes une solution au manque de ressources, mais l’apport budgétaire sera toujours stratégique pour concilier la mission de service public avec les marges de rentabilité nécessaires pour le renouvellement de l’investissement. Les aéroports doivent connaitre un grand saut qualitatif pour accompagner le développement du pays. Un nouvel aéroport à Marrakech pour augmenter la capacité de la première ville touristique du Royaume  à 17 millions de passagers, voire 20 millions. Casablanca ne peut se contenter de sa capacité actuelle et les deux terminaux de l’aéroport Med V doivent atteindre  35 millions de passagers en 2020. Les autres secteurs liés aux infrastructures connaitront la même intensification et les attentes en matière des apports des PPP sont grandes.

L’effort budgétaire restera primordial

L’Etat restera le principal bailleur de fonds durant les prochaines années. Les grandes entreprises publiques ne peuvent, pour le moment, dégager des marges de rentabilité qui pourraient renforcer leurs capacités d’autofinancement.  Si l’espoir est permis, toutes les mesures  qui permettront un renforcement de la capacité de négociation de l’Etat doivent être prises et notamment, à travers l’investissement en ressources humaines capables de faire face à l’armada des experts et des juristes des grands investisseurs. Il serait plus stratégique de préparer la mise en place d’une structure liée au MEF qui constituerait une force de frappe en matière d’analyse et d’évaluation.
Enfin, et pour que le PPP ne se transforme demain en une voie parallèle de la  réalisation des projets publics, il serait très opportun sur le plan politique  d’intégrer un rapport sur les PPP dans la liste des rapports qui accompagneront le projet de Loi de finances.

 
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