Interview

« Les liens avec le Maroc ne peuvent qu’être confirmés et renforcés par Macron »

Bariza Khiari, sénatrice PS, a rejoint le mouvement « En marche » pour défendre la candidature d’Emmanuel Macron pour les présidentielles françaises de 2017. En visite au Maroc pour animer un débat avec les membres d’En marche Maroc, elle a décliné la vision de Macron.

Challenge : Quelles sont les raisons qui vous ont encouragé à vous rallier au mouvement «En Marche» de M. Emmanuel Macron ?
Bariza Khiari : j’ai rejoint E. Macron sur une question essentielle et vitale pour moi, celle des valeurs. La question des valeurs est une colonne vertébrale. Il s’est trouvé que la gauche du gouvernement a eu cette idée magnifique de la déchéance de nationalité ; j’ai considéré que c’était le naufrage de la gauche et c’était impossible pour moi de cohabiter avec des gens qui avaient proposé cette mesure ; car si c’était la droite qui l’avait proposée, nous serions tous dans la rue pour la dénoncer. De la même manière lorsque Sarkozy avec Guéant ont proposé la circulaire Guéant qui concernait les étudiants étrangers pour leur travail en France, dès que cela a touché les binationaux, je me sentais concernée. Aussi, j’ai fait une résolution au Sénat sur cette circulaire, suite à quoi celle-ci a été abrogée. Sur la question de déchéance de nationalité, j’étais la frondeuse du Sénat, et le projet a finalement été retiré. Mais ce genre de positions de droite a laissé chez moi des traces.
Je me suis ralliée à E. Macron parce que sur ce sujet, il a dit quelque chose d’assez profond ; que ces questions lui ont provoqué un inconfort philosophique alors qu’il était au gouvernement. Seule Christiane Taubira avait démissionné sur ce sujet et seul Macron membre du gouvernement s’est exprimé sur cette question.
Il y a aussi la question de la laïcité qui est très importante pour moi. Je ne supporte pas la laïcité de combat. Je considère que celle-ci est un espace de concorde qui nous fait vivre ensemble avec nos différences. Macron prône une laïcité de liberté que j’approuve complétement. Il n’hystérise pas le débat sur ces questions ; il se préoccupe des questions d’emploi, sociales, de conjuguer la liberté et la solidarité pour tous.
Voilà les raisons pour lesquelles je suis en froid avec la gauche du gouvernement et très tôt j’ai rejoint Macron qui m’a nommée ambassadrice déléguée ; je suis sa déléguée nationale. Et c’est la raison pour laquelle je suis aujourd’hui au Maroc à l’invitation de «En Marche Maroc» et la démarche de Macron dépasse les Français et les binationaux, intéresse la jeunesse marocaine aussi à titre de modèle et d’exemple ; c’est une démarche inspirante et novatrice et les jeunes sont assez intéressés par cette démarche.

En n’acceptant pas de participer à la Primaire de la gauche, peut-on dire qu’Emmanuel Macron est un candidat «hors système» ?
Si pour vous le «hors système» est le bipartisme, oui, il l’est. Mais moi je n’appelle pas cela comme ça ; je dirai plutôt que c’est un candidat au-dessus des partis, car il s’est rendu compte que les partis sont devenus des appareils qui tiraient les gens par le bas, qui fonctionnent en cercle fermé autour d’une centaine de personnes et cela ne répond plus aux besoins des Français. Il s’est sorti donc des obligations d’être de droite ou de gauche ; sa vision découle d’un programme qui conjugue liberté et solidarité.

Les positions de M. Macron ne sont pas encore bien déterminées, qu’en est-il de son positionnement à l’égard de la coopération économique entre la France et le Maroc ?
Vous avez raison de me poser cette question. E. Macron est, sur le terrain de jeu des politiques, relativement récent. Macron a une vision de la continuité de l’Etat. C’est un homme pragmatique. Vous aurez son appui sur tout ce qui marche. L’amitié franco-marocaine est essentielle pour nous. Nous avions vu à cette époque où il y avait cette brouille entre la France et le Maroc, combien nous Français avions souffert de cela ; car tous les éléments étaient coupés : information, justice, sécurité. Nous sommes perdants. Nous nous sommes rendu compte de l’importance du Maroc en termes stratégiques pour la France, notamment en matière de sécurité. Donc, les liens avec le Maroc ne peuvent qu’être confirmés et renforcés par E. Macron qui croit à cette amitié séculaire et pérenne avec votre pays.

Et la question de l’immigration où le Maroc est très concerné dans les deux sens pour les deux communautés marocaine et française ?
D’abord pour la communauté française vivant au Maroc qui compte plus de 55000 personnes, nous sommes très attentifs à nos compatriotes. E. Macron qui est un homme pragmatique verra les questions qui sont liées à ces derniers qui sont des questions d’éducation, de sécurité, de santé, etc. Quand il viendra au Maroc, il ne viendra pas les mains vides. Il saura s’adresser à la communauté française et leur dire la vision qu’il a pour elle. S’agissant de la communauté marocaine en France, dans la mesure où les choses se passent bien et c’est le cas aujourd’hui. Il y a bien entendu des brebis galeuses que nous combattons et vous les combattez au Maroc ; je parle ici des formes d’obscurantisme qui peuvent dériver vers la radicalisation. Nous les combattons avec des informations qui nous viennent du Maroc et avec nos moyens en France. Et là, il y a non seulement une amitié pérenne, mais aussi des intérêts communs.

Sur le registre de la coopération culturelle, nous avons l’impression que le rayonnement de la culture et de la langue françaises régresse au Maroc. Quel est votre regard sur ce constat ?
Je voudrais vous dire d’abord qu’Emmanuel Macron est un homme de culture. Comme vous, cela me désole de voir le rabougrissement de la francophonie non seulement au Maroc mais partout dans le monde, pour de vulgaires problèmes de moyens. Je pense que c’est une question qui va toucher M. Macron car dans son projet, l’éducation a une importance capitale et la langue française qui est une langue universelle, porteuse de valeurs doit continuer à rayonner. Je vais vous laisser le soin de lui poser la question quand il viendra au Maroc. Je pense qu’il saura mieux répondre que moi sur cette question.

Quelle approche avez-vous de ce qu’on appelle «l’Islam de France» en liaison avec la problématique de la laïcité ?
D’abord, cela passe par la formation des imams. Nous n’avons pas les cadres religieux en France. Je me réjouis qu’il y ait cette coopération avec le Maroc et je suis très sensible au fait que le Roi Mohammed VI lors de son voyage au Mali, la seule chose qu’il a offerte était la formation de 500 imams. J’ai considéré que c’était un cadeau exceptionnel permettant de faire connaître cet islam du juste milieu, cet islam malékite, libre, spirituel et responsable. Il y a un accord qui a été signé à Rabat pour la formation des Imams dans un centre dédié. Je suis heureuse que cela se passe au Maroc car l’islam marocain est le mien, un islam ouvert et tolérant. Il faut donc que cette expérience fasse école.
Aujourd’hui on devrait émerger de jeunes républicains, français de confession musulmane nés en France qui doivent prendre leur responsabilité dans la structuration d’Islam de France ; Et nous avons pour cela où on peut faire ces formations. Il faudra former des formateurs qui viendront chez nous former les Imams sur le sol français. Je pense que c’est une nécessité que des jeunes français de confession musulmane prennent en main les destinées de l’Islam dans leur pays. C’est le sens de l’histoire. En attendant, le Maroc nous aide et c’est une bonne chose.

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