Interview

Nouveau régime de change : tout ce que vous devez savoir

C’est le sujet qui fait le plus couler d’encre depuis quelques jours. En effet, le nouveau régime de change est entré en vigueur depuis le 15 janvier 2018. Fakir El Mehdi, expert-comptable et directeur associé chez AdValue & Consulting Group, nous détaille les méandres de cette réforme.

Quelles sont vos appréciations concernant ce début de la réforme du régime de change ?  

Les premiers jours de cette réforme sont positifs. Une chose est sûre, c’est que les salles de marché ont accueilli cette réforme de façon très favorable. Mais, attendons d’abord avant de tirer des conclusions. Il faut être prudent et suivre vraiment de très près les jours qui viennent pour savoir si cette réforme a vraiment été digérée.

Quels sont les impacts réels de cette réforme sur le citoyen lambda ?

D’abord, je pense qu’il y a lieu de préciser deux choses à ce niveau. Il y a la convertibilité et la flexibilité. Pour le moment, cette réforme concerne la flexibilité qui incombe à l’Office des Changes de mettre en place les mesures réglementaires qui régissent les transactions en devises. Sur la convertibilité, il n’y a pas eu de changement. La flexibilité dont nous parlons concernant la fluctuation du taux. Donc, ce qui devrait être influencé, c’est le volume. Mais, pour le particulier, en cas de correction à la baisse du dirham, le citoyen lambda sera impacté parce que cela va induire une hausse du prix de l’euro et du dollar.

Le citoyen lambda est-il vraiment gagnant dans cette réforme?

C’est une question qui est très complexe et difficile. Dans l’absolu, oui le citoyen lambda est gagnant parce que cette réforme a été mise en place pour le bien-être de l’économie à moyen et à long terme. Aujourd’hui, l’augmentation des prix à la consommation pour les produits importés obligerait tout d’abord à rationnaliser leur consommation et pousserait également à une industrialisation certaine de plusieurs secteurs, dans la mesure où les produits seront manufacturés au Maroc. Donc, les consommateurs pourraient à l’avenir bénéficier de produits dont le prix est définitivement stable. Cette réforme pousserait donc à consommer marocain. C’est un bonheur pour le panier de la ménagère. C’est aussi une opportunité pour le Maroc, parce qu’au lieu d’importer, nous allons produire localement. La réforme devrait aussi permettre au tourisme d’enregistrer une percée dans la mesure où le prix du dirham va être plus compétitif, ce qui permettra de drainer plus de touristes. De même, certains fournisseurs vont vouloir s’implanter au Maroc du moment que le taux de change est incitatif. À terme, tout cela améliore l’attractivité de notre pays et l’amènera à diversifier ses partenaires étrangers. Concernant les produits énergétiques, il est clair qu’une hausse à l’international va influencer les prix à la pompe. Mais à quel degré ? C’est la grande question, étant donné que le Maroc importe une grande majorité de ses besoins en hydrocarbures.

Quels sont les secteurs les plus exposés ?

Pour l’automobile, il y a une nuance. Pour les marques qui sont fabriquées au Maroc, notamment Renault et bientôt Peugeot, c’est vraiment le rush et leurs produits seront encore plus compétitifs. Mais, les importateurs de véhicules vont être certainement impactés et tout dépendra de l’évolution dans le futur. Le secteur des agrumes, les exportations vont être plus compétitives. La Russie représente une des destinations importantes de nos exportations d’agrumes, mais nous n’avons pas une convertibilité directe entre le rouble et le dirham. Les exportateurs passent donc par l’euro et donc une baisse du dirham vis-à-vis de l’euro va être bénéfique vis-à-vis du rouble.

Quels sont les chamboulements majeurs auxquels doivent s’attendre les opérateurs économiques ?

Je ne dirais pas chamboulement mais un léger changement, peut-être. Aujourd’hui, la fluctuation du dirham devrait influencer leur budget à l’importation uniquement. À l’exportation, il n’y aura que d’agréables surprises, en cas de baisse. Maintenant, pour limiter les risques, il faut passer par des produits de couverture. Il faut donc qu’ils revoient leurs budgets à l’importation. Si l’importation doit coûter chère, il faut qu’ils repensent leur stratégie pour s’orienter vers la production locale ou convaincre leurs fournisseurs étrangers à venir s’implanter au Maroc. C’est le moment ou jamais pour les opérateurs de renforcer leur business model. C’est le moment de s’internationaliser et d’aller s’implanter en Afrique, faire des joint-ventures, etc. Les opérateurs économiques doivent maintenant voir de façon plus large.

Quels sont les avantages pour l’État ?

Il faut dire que la réforme en cours vise à donner une nouvelle impulsion aux réformes qui sont déjà initiées en vue de la transformation de l’économie marocaine d’un modèle basé sur la consommation intérieure à dominante agricole, vers un modèle basé sur une industrialisation à forte valeur ajoutée. Donc le dirham va être plus compétitif et donc cette monnaie devrait refléter la valeur économique réelle. De même, l’Etat devrait lever la main petit à petit sur cette situation qui coûte chère au Trésor public, parce que le dirham a un coût. Et ce coût devrait être orienté pour financer les infrastructures, les investissements plutôt que de s’endetter uniquement pour maintenir le niveau du dirham. L’endettement public coûte cher. Cette réforme va certainement limiter l’endettement public parce que c’est le marché qui va définir les choses. Ce ne sera plus Bank Al-Maghrib qui aura à impulser les levées de fonds du Trésor et un endettement à l’international pour combler le déficit de la balance commerciale.

* Le parcours de Fakir El Mehdi

Fakir El Mehdi est expert-comptable. Il est directeur associé du cabinet AD value & Consulting Group. Il est également senior consultant en Stratégie et Risk Management et maître de conférences.

 
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