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PLF 2015 : des hypothèses optimistes face à une réalité contraignante

Mohamed Boussaid, ministre de l’Economie et des Finances.

Loi de finances. Le lundi 20 octobre, le ministre de l’Economie et des Finances a ouvert le bal financier public en présentant le PLF 2015. Les éléments du contexte ont été amplement décrits pour soutenir les hypothèses sur la croissance. Le PLF 2015 suscitera, sans nul doute, un débat houleux durant les semaines à venir.

Les hypothèses : une croissance de 4,4%…

Les contraintes  de 2014 ont permis de regarder autrement les perspectives de 2015. La production céréalière de cette année n’exercerait pas un poids statistique sur la croissance en  2015. Les 68 millions de quintaux seraient dépassés d’environ deux millions de quintaux et même si les prévisions météorologiques ne sont pas, pour l’instant rassurantes, la production en 2015 ne pourrait pas réduire l’impact des performances des autres secteurs comme il a été le cas pour les neuf premiers mois de 2014. Le taux de croissance retenu est de 4,4%. Ce taux  semble raisonnable et prend en compte les performances réalisées durant le troisième  trimestre et les bonnes perspectives relevées par le HCP dans son  dernier point de conjoncture  du mois d’octobre. Il est certes supérieur au taux de 3,7% retenu par le budget exploratoire de 0,7%, mais cette marge n’est pas très significative en matière de prévision. Le déficit budgétaire devrait se situer à 4,3 % du PIB contre un déficit prévisible au terme de 2014 de 4,9%. Le ministre a parlé d’arrêt de l’ hémorragie en parlant des mesures de limitation des dépenses  et a  utilisé  le même terme pour décrire les efforts qui seront déployés pour limiter l’évolution de l’augmentation de la dette. Le déficit de la balance des paiements devrait connaitre une amélioration qui pourrait le situer à 6,7% du PIB. Les efforts seraient grands pour rééquilibrer nos comptes extérieurs. En relation avec ces déficits, le prix du baril et de la tonne du gaz ont été « fixés » respectivement  à 103 $ et à 804 $. L’évolution du marché des produits pétroliers ne connaitrait pas de bouleversements durant les prochaines années. Le FMI ainsi que l’AIE ne prévoient pas de grands mouvements au niveau de la demande. Le taux de change du dollar est dans une logique d’ascension qui pourrait renchérir une partie de nos importations et notamment, les produits pétroliers et peut être dépasser nos hypothèses. 

Les contraintes : équilibres macroéconomiques ou/et grandes dépenses

Le discours du ministre devant le parlement a volontairement mis l’accent sur la difficulté de courir derrière des objectifs contradictoires. Assurer l’équilibre macroéconomique  à travers la réduction du déficit budgétaire et de l’endettement et faire face à la dépense publique en matière d’investissement dans les secteurs économiques et sociaux n’est pas une chose facile.  Les 9% d’augmentation du budget d’investissement et de 25% des postes budgétaires  vont nécessiter des enveloppes supplémentaires de 55,8 milliards de DH (54 milliards de DH en investissements et 1,8 en dépenses du personnel). Le problème de gouvernance qui colle à la dépense publique est toujours d’actualité. Ces 54 milliards de crédits de paiement ont besoin d’efficience en matière de gestion. Les reliquats de paiement sur 2014 et peut être sur des exercices antérieurs sont toujours grands. Les 17,5 milliards de crédit de report estimés au terme de 2014 pourraient être  dépassés. Le non ordonnancement à la fin de l’année n’est pas un problème technique, mais de gouvernance. Le suivi des projets doit être une des priorités de l’action gouvernementale. Les investissements globaux intégrant les crédits d’engagement au titre de 2016 et les reports, ainsi que les investissements des EEP, des comptes spéciaux du Trésor, des Segma et des collectivités territoriales sont à suivre avec un maximum d’analyse et une  réelle consolidation des données. Nous avons besoin d’un rapport sur le suivi des investissements. Le projet de la LOF ne prévoit malheureusement pas ce rapport. La dette et son poids sont sans cesse décriés par le personnel politique. Les seuils de tolérance sont largement dépassés. Les ratios dette /PIB s’approchent de 70%. La note de présentation et le discours du ministre manifestent la volonté d’arrêter l’hémorragie de la dette dans l’avenir. Il n’y a pas de solution miracle à ce niveau. Il faut soit augmenter les ressources, soit réduire les dépenses, mais surtout rationnaliser l’acte de dépenser même dans le cadre de l’investissement. 

Les grandes masses de dépenses et de recettes

Nous allons pouvoir dépenser plus de 383 milliards de DH en 2015 avec une augmentation de 4,33% par rapport à 2014. Les dépenses du budget général  atteindront  316,9 milliards de DH,  ceux des Comptes Spéciaux du Trésor 63,2 milliards de DH et les SEGMA 3 milliards de DH. Les principales masses de dépenses au niveau du budget général sont celles liées au fonctionnement, 197,762 milliards de DH dont 105,5 milliards pour le personnel de l’administration publique soit 54 %, les charges communes (compensation et part patronale à la CMR) avec 52,6 milliards de DH, soit 27%  et  les dépenses de matériel et dépenses diverses avec 33,3 milliards de DH, soit 17%. Les 2% restants sont affectés aux dépenses imprévues.

La dette publique absorbera une partie très importante de nos ressources qui dépasse le budget d’investissement. Pour faire face aux échéances en capital et en intérêts, le budget a affecté plus de 68 milliards de DH dont 12,03% pour couvrir les charges de la dette extérieure.

Les ressources du budget de l’Etat s’élèvent à 347,7 milliards de DH dont 268,1 milliards de DH devant provenir du budget général  aux titres des impôts, des revenus du monopole et des recettes d’emprunts et des dons. Les recettes fiscales prévues sont de 185,1 milliards de DH contre 180,6 en 2014. Le PLF prévoit une série de mesures fiscales touchant les opérations douanières, l’IS, l’IR et la TVA. Les principales mesures toucheraient la lutte contre la contrebande, la fraude commerciale, les manœuvres en matière du régime de l’admission temporaire, l’importation du thé et certains fruits, le traitement fiscal des biens d’équipement, l’imputation du reliquat de l’IS sur les exercices suivants, ainsi que des mesures spécifiques à l’IR se rapportant aux contrats d’assurance retraite et au régime de l’auto entrepreneur. D’autres mesures seraient instituées pour encourager l’emploi. Le revirement concernant la tenue du registre par les forfaitaires est décidé. Cette disposition ne libère pas totalement le terrain aux faux forfaitaires. La présentation des pièces justificatives est obligatoire pour certains d’entre eux. (à suivre) 

 
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