Interview

Priorité à la pérennisation des projets déjà lancés, avec l’objectif de renforcer leur soutenabilité

La philosophie du Plan Maroc Vert (PMV) a révolutionné d’une manière décisive la perception que l’on se fait du développement du monde rural et y a impulsé une dynamique toute nouvelle. Le Plan Maroc Vert, à travers ses différents Piliers, permet aujourd’hui, à l’économie agricole du Royaume de fonctionner d’une manière optimale, ce qui génère un effet de levier positif sur tous les compartiments de cette branche d’activité majeure. Aziz Akhannouch, ministre de l’Agriculture et de la Pêche maritime, analyse dans cet entretien les ressorts de cette dynamique, chiffres à l’appui. Propos recueillis rar Driss Al Andaloussi

Challenge : comme vous l’avez toujours dit, le PMV s’inscrit dans la durée et vise à installer dans notre pays une agriculture compétitive, socialement intégrée et durable. Pouvez-vous nous présenter un premier bilan  par rapport à ces grands objectifs ?
Aziz Akhannouch : Le plan Maroc Vert est un projet de règne qui s’est fixé des objectifs à horizon 2020. Il était important toutefois, de faire un bilan à mi chemin et de reprendre de plus belle à la lumière des constats faits à mi-parcours. Les résultats intermédiaires sont à la hauteur de nos ambitions pour le secteur. Nous avons assisté à un vrai décollage agricole avec un taux de croissance du PIB agricole moyen de 7,6 % entre 2008 et 2013, contre 0,4% entre 2003 et 2008 ou encore contre 4,4% pour l’économie nationale. Le Maroc, a également réalisé une amélioration significative de la disponibilité alimentaire, qui lui a valu une distinction internationale décernée par la FAO, pour sa lutte efficace contre la faim avec un taux de population n’atteignant pas le niveau minimum calorique réduit à 0,5% en 2013, contre un objectif fixé par la FAO de 2,3% à horizon 2015. Le bilan est global et concerne toutes les thématiques agricoles, mais je citerai par exemple l’investissement agricole qui a été multiplié par 1,7 entre 2008 et 2014, ou encore les exportations qui, entre 2009 et 2013 ont augmenté de 36%.

Vous avez mis l’agriculture solidaire au centre du PMV en tant qu’un de ses piliers. A-t-on avancé dans ce domaine et comment avance le chantier de l’agrégation ?
Sur le pilier de l’agriculture solidaire dit Pilier II, les réalisations dépassent les objectifs fixés. La dynamique de lancement des projets est remarquable, profitant à 84% des bénéficiaires ciblés à horizon 2020. 492 projets ont été lancés avec un fort dynamisme noté au niveau des projets de reconversion et d’intensification . Ces projets lancés totaliseront à terme, un investissement de 13,3 milliards de DH. Ces projets concernent 500.000 bénéficiaires effectifs à date, à travers la dynamique du Pilier II. Le secteur a aussi été animé par une dynamique de consolidation du tissu des acteurs : 5 162 coopératives agricoles créées depuis 2008. Il a pu profiter par ailleurs, d’une forte mobilisation des bailleurs de fonds internationaux pour les projets Pilier II: 5,5 milliards de DH consentis sous forme de dons et de prêts à long terme. Pour le maintien du cap stratégique du Plan Maroc Vert à l’horizon 2020, et au vu des avancées enregistrées sur le Pilier II, la priorité sera donnée à la pérennisation des projets déjà lancés, avec l’objectif de renforcer leur soutenabilité. Cela étant, nous prévoyons d’étendre la couverture du Pilier II à de nouveaux périmètres de petites exploitations, à l’image des modèles existants, ainsi que le développement de nouveaux modèles adaptés à l’extrême ruralité, tels que les zones oasiennes et de montagne. Concernant l’agrégation qui constitue un mode privilégié pour la mise en œuvre des projets du Plan Maroc Vert et en vue d’encourager leur mise en place, l’Agence de Développement Agricole a veillé à la mise en place d’un cadre juridique adapté, la mise en place d’un soutien spécifique aux projets d’agrégation et l’accès préférentiel au foncier de l’Etat dans le cadre du partenariat. Ces textes ont été élaborés sur la base d’un diagnostic et en concertation avec les opérateurs, les agrégateurs, les interprofessions et les chambres d’agriculture. Ils sont de nature à dépasser les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de ces projets,  notamment à travers l’intégration dans le système de soutien à l’agrégation de l’ensemble des filières signataires des Contrats-Programme (les nouveaux textes prévoient 32 modèles d’agrégation autour d’unités de valorisation, dont 21 nouveaux modèles); la simplification des procédures d’approbation des projets d’agrégation et de déblocage des subventions forfaitaires à l’agrégation…

Beaucoup d’engagements de financement ont été exprimés par les organismes bancaires. Peut-on faire un bilan dans ce domaine ?
La dynamique agricole a été accueillie favorablement par les bailleurs de fonds nationaux et internationaux. Le Plan Maroc Vert a pris le défi de mobiliser les fonds nécessaires à sa mise en œuvre à travers ses partenaires financiers internationaux et nationaux. Pour atteindre cet objectif, le Plan Maroc Vert a drainé depuis 2008, près de 21 milliards de DH (environ 11 milliards de DH de dons et 10 milliards de DH de prêts) auprès de bailleurs de fonds aussi bien nationaux, qu’internationaux. Ceci dénote clairement de la confiance accordée par  les partenaires techniques et financiers au Plan Maroc Vert. Au total, 16 bailleurs de fonds nationaux et internationaux appuient la mise en œuvre de la stratégie agricole nationale sous forme de projets et programmes structurants financés, soit par des dons et/ ou des prêts. L’ensemble des grands chantiers du Plan Maroc Vert a présenté, à date, un intérêt de financement de la part de ces bailleurs. Partant de la réussite des programmes/projets financés par ces bailleurs de fonds,  des perspectives de financement encourageantes s’annoncent pour accompagner l’exécution du PMV à horizon 2020. Ce qui témoigne de la crédibilité confirmée du choix du Maroc pour le développement de son secteur agricole. Ainsi, plusieurs bailleurs s’inscrivent dans la poursuite de cette dynamique de financement des divers chantiers du Plan Maroc Vert.

Est-ce que l’effort financier de l’Etat est suffisant pour accompagner tous les objectifs du PMV ?
L’avènement du Plan Maroc Vert a été une opportunité pour le secteur agricole de se doter d’un programme d’investissement ambitieux pour le développement du secteur agricole, dans l’objectif de lui permettre de générer des effets socio-économiques bénéfiques pour le développement global du Royaume. Dans ce cadre, le ministère de l’Agriculture avec le ministère de l’Economie et des Finances, a mis en place les financements adaptés permettant la réalisation des projets et programmes inscrits dans le cadre de la stratégie de développement de l’agriculture marocaine. Ainsi, au cours de la période allant de 2009 à 2014, l’investissement public en agriculture a connu un accroissement notable, de l’ordre de 88%, passant de 4,653 milliards de DH à 8,752 milliards de DH. Tous les programmes mis en œuvre par le département de l’Agriculture ont connu une augmentation sensible des emplois qui leur sont affectés: 46 % pour l’irrigation, 54 % pour le Pilier II (entre2010 et 2014), 66 % pour l’incitation à l’investissement privé, et 205 % pour les actions transverses (agropoles, chambres d’agriculture,  sécurité sanitaire des produits alimentaires, etc). Cette dynamique d’accroissement de l’investissement public en agriculture, a permis de générer un investissement total (public et privé) avoisinant 67 milliards de DH et a été confortée par l’engagement considérable des partenaires financiers internationaux soucieux du développement du secteur agricole. Grâce  à l’engagement de Sa Majesté le Roi en faveur du secteur agricole et aux efforts du gouvernement, le secteur a pu réaliser des percées importantes soutenues par les fonds publics. Mais les projets lancés et ceux qui restent à accomplir, dénotent des besoins additionnels en financement du secteur agricole pour lui permettre de jouer pleinement son rôle de locomotive pour le développement de l’économie nationale.

Vous avez affirmé à Challenge en 2014 que «l’avenir du secteur doit être remis entre les mains des professionnels». Est-ce que les professionnels se sont appropriés totalement la philosophie du PMV ?
L’organisation de la profession joue un rôle primordial dans la mise en œuvre des contrats programme filières, ce qui nous a amenés à mettre en place un cadre juridique (loi relative aux interprofessions agricoles) régissant la création et le financement des interprofessions agricoles. Cette loi et son décret d’application ont été publiés. Les arrêtés sont en cours de publication. La mise en place de ce dispositif réglementaire permettra aux interprofessions agricoles de se structurer, de se doter des ressources humaines qualifiées et suffisantes et surtout de disposer de ressources financières propres pour contribuer au financement des actions de mise en œuvre des contrats programmes de développement des filières agricoles. Il a aussi  pour objectifs, de renforcer les capacités d’intervention des interprofessions et de leur donner les moyens pour qu’elles puissent porter les projets de développement de leurs filières et participer à la pris e de décisions dans le secteur. Certaines interprofessions, qui peuvent constituer un modèle à suivre, n’ont pas attendu l’achèvement de la mise en place de ce cadre juridique pour s’organiser et se restructurer, d’autres, par contre, ont encore besoin d’un appui pour leur mise à niveau. Nous restons persuadés que le secteur agricole doit logiquement être porté par les professionnels.

 
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Il fait l’actu :Abdelkader Amara, ministre de l'Energie, des Mines.

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