Dossier

RENSEIGNEMENT FINANCIER : LA MACHINE EST EN MARCHE

L’UTRF (Unité de Traitement du Renseignement Financier), autorité de supervision et de contrôle du dispositif marocain de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, vient de publier son rapport au titre de l’année 2014. C’est le sixième depuis son installation en 2009.

Nul ne peut nier que le Maroc a fait des progrès colossaux dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Le dispositif mis en place en 2007 a été constamment révisé pour sa mise en conformité avec les meilleurs standards internationaux en la matière, notamment les recommandations du GAFI. Actuellement, le Maroc n’a aucun complexe à avoir envers les pays les plus avancés dans ce domaine car il a pu, en peu de temps, construire un dispositif qui, quelles que soient ses insuffisances, a eu pour résultat de provoquer un vrai « déclic culturel ».

 

Et c’est là, à notre avis, où réside le succès du dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Le devoir de vigilance est devenu une composante importante de la culture du banquier marocain ; ce n’est pas par hasard que les banques sont les principaux pourvoyeurs en informations de l’Unité de Traitement du Renseignement Financier (UTRF). Les autres personnes assujetties à la loi (compagnies d’assu- rances, sociétés de bourse, bureaux de change…) commencent à suivre comme le fait ressortir le dernier rapport de l’UTRF. Les efforts des intervenants dans la mise en œuvre du dispositif ont été vite reconnus et récompensés par la sortie définitive du Maroc des « listes négatives » du GAFI (Groupe d’Action Financière). Seulement rien n’est définitivement acquis, car il s’agit d’un processus permanent nécessi- tant des améliorations et des adaptations constantes pour tenir compte de l’évolu- tion de la nature de la criminalité et aussi pour répondre aux exigences des nouvelles règles internationales. Il reste à signaler, que ces actions interviennent au même moment où les autorités publiques mènent une politique tous azimuts tendant à améliorer l’inclusion financière. Ceci, pour dire combien il est important que les deux politiques soient menées avec intelligence pour éviter toute désaffection du public pour le secteur financier et la banque en particulier ; faire sortir les citoyens de l’informel est à même de servir à la fois l’économie et la sécurité.

La lecture du dernier rapport de l’UTRF, permet de relever que la machine est en marche et que le dispositif de LBC/ FT est inscrit dans un processus d’amélioration continu. L’activité opérationnelle pour- suit sa tendance ascendante ; au cours de

l’exercice 2014, l’UTRF a reçu 305 déclara- tions de soupçon, soit une augmentation de 43% par rapport à l’exercice précédent. Sur ce total, 16 dossiers ont fait l’objet de transmissions au Parquet.

Les déclarations de soupçon (DS) liées au blanchiment de capitaux représentent 99% du total, alors que celles liées au financement du terrorisme n’interviennent que pour 1%. Au cours de l’exercice précédent, 4 déclarations concernent le financement du terrorisme.

Quant à la répartition par catégorie de personnes assujetties, la part du lion revient aux banques qui étaient à l’origine de 261 déclarations de soupçon (sur 305), suivies des sociétés de transfert de fonds (39), des compagnies d’assurances (3), des sociétés de financement (1) et des fiduciaires (1). A noter, que la prédo- minance des banques n’est pas propre à 2014 ; c’est la caractéristique de l’activité révèle que l’UTRF a reçu depuis 2009, Sur les trois dernières années, leurs déclara- tions représentent 90 % du total ; les 10 % restants reviennent aux sociétés de trans- fert de fonds à raison de 9% et aux autres déclarants, à raison de 1%.

Ce phénomène s’explique de notre point de vue par plusieurs raisons ; l’importance de la masse des opérations financières des banques ; l’élaboration par ces dernières de procédures internes permettant une bonne prise en charge de ce risque ; la mise en place de structures dédiées (Conformité) et l’intégration de gestion de ce risque dans le système d’information. Deux autres facteurs méritent d’être mentionnés ; la qualité du travail de supervision assuré par la Banque centrale et aussi le rôle des banques étrangères qui sont très exigeantes sur ce point à l’occasion de toute entrée en relation avec les banques marocaines.Toutefois, il faut noter que le cercle des déclarants s’est élargi au cours de l’année précédente pour toucher de nouveaux secteurs. Les compagnies d’assurances, les sociétés de financement et les fiduciaires ont effectué leurs premières déclarations depuis la mise en place du dispositif anti blanchiment. Sur un autre plan, le rapport révèle que l’UTRF a reçu depuis 2009, des communications spontanées dans le cadre de l’article 22 de la loi anti blanchiment, qui impose aux administrations publiques et à toute autre personne morale d’informer l’Unité des infractions qu’elles auraient constatées dans l’exercice de leurs activités.La communication des informations n’intervient pas toujours à l’initiative des personnes assujetties ; l’UTRF a adressé à ces dernières, 4914 demandes de renseignements. L’importance de ce chiffre s’explique par l’augmentation des déclarations de soupçon et également par l’évolution des demandes de renseignement dans le cadre de la coopération internationale. Dans le même cadre, la cellule de renseignement financier a transmis aux administrations publiques et aux autres personnes morales de droit public ou de droit privé 2465 demandes d’information.

Au niveau international, l’UTRF échange des renseignements avec ses homologues étrangers, en particulier ceux des pays européens. Au cours de 2014, elle a émis 19 demandes d’informations contre 78 demandes reçues.

Parallèlement au traitement de l’informa tion, l’URTF a procédé au cours de 2014 à l’élaboration d’un avant- projet de loi visant la refonte totale de la loi relative au blan- chiment dans le but « de transposer en droit national les nouvelles recommandations du GAFI et de capitaliser l’expérience acquise depuis 2009 ». Parmi les nouveautés de ce texte, il convient de souligner l’introduction de nouvelles dispositions concernant les organismes à but non lucratif « afin d’éviter leur utilisation à des fins de financement de terrorisme » et le renforcement des pouvoirs de l’UTRF. Le rapport insiste sur le fait que « l’adoption à court terme du projet de loi s’avère primordiale pour assurer la confor- mité technique du dispositif national aux standards du GAFI » sachant que l’évalua- tion par le GAFIMOAN interviendra au courant de l’année 2016 et à l’occasion de laquelle le Maroc sera appelé à démontrer l’efficacité de son dispositif. ■

GAFI
Acteur principal de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, le Groupe d’Action Financière (GAFI) est un organe intergouvernemental basé à Paris au siège de l’OCDE. Créé en 1989 lors du sommet du G7, il a pour objectif d’élaborer des normes et de promouvoir  leur efficacité, en matière de « lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et les autres menaces liées à l’intégrité du système financier international ».
Depuis sa création, le GAFI a élaboré des recommandations considérées comme étant la norme devant être observée par la communauté internationale. Rendues publiques en
1990, elles ont fait l’objet de nombreuses révisions, la dernière est intervenue en 2012. Le GAFI suit la situation des pays et mène des évaluations pour s’assurer de l’efficacité des dispositifs nationaux et leur conformité avec les normes internationales en la matière. Le Maroc a fait l’objet d’une évaluation en 2013 qui a abouti à sa sortie des listes néga- tives du GAFI. Le prochain cycle d’évaluation se déroulera au cours de 2016.


La Contribution libératoire validée par le GAFI
Le GAFI suit de près les opérations de régularisation des situations  fiscales  du fait qu’elles peuvent être exploitées pour blanchir les capitaux. Dans ce cadre, il a fixé des principes qui doivent être respectés par les Etats qui envisagent de lancer de tels programmes. Un suivi est également effectué pour s’assurer du respect de ces principes. Concernant l’opération de la contribution libératoire menée par le Maroc durant l’année 2014, le rapport de l’UTRF souligne qu’elle a fait l’objet d’un rapport présenté à l’occasion de la vingtième réunion plénière du GAFIMOAN (GAFI de la zone du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord). Ce rapport a été soumis à l’évaluation qui a conclu que la contribution libératoire est conforme aux principes du GAFI.

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