Portrait

SAÏD AMAGHDIR, Président de l’AMFP : Banquier, professionnel en finance participative

SAÏD AMAGHDIR, Président de l’AMFP

 

Il a bâti toute sa carrière dans la banque. Ce “quadra” a gravi les échelons à la force du poignet et a passé sa vie entre les bureaux et les études supérieures. Ce pur produit de l’école publique a, depuis, élargi ses horizons et fondé une association qui se penche sur les problèmes de la banque islamique, en tant qu’expert du domaine. Par Noréddine El Abbassi

Le parcours de Saïd Amaghdir, qui, a priori, n’était pas prédéterminé, s’est néanmoins enrichi de toutes les opportunités qui s’étaient présentées à lui. Au stade actuel, il représenterait le profil type du manager, bon père de famille. D’ailleurs,  il ne rejette pas cette qualification, et s’en revendique même au fil de l’entretien. Said a gardé une certaine aisance de jeunesse, et la silhouette d’un homme élancé, qui porte beau. Il est habillé en costume et cravate,  assumant volontiers un certain traditionalisme “bon teint”. Il estime avoir  hérité un back ground familial, marque de fabrique des hautes montagnes du Souss.
Il est né en 1971, à Casablanca. Sixième d’une fratrie de sept enfants, dont le père est employé dans une entreprise de marbre qui lui fait faire le tour du Royaume. La mère est certes une femme au foyer, mais qui doit déployer des talents de chef d’entreprise, pour gérer ses nombreux enfants : “à l’époque, les enfants étaient le capital familial. Plus on en avait, mieux c’était. Mais nous n’étions pas difficiles, et même si la maison était emplie des amis de mon frère et de ma soeur aînée, ma mère nous avait toujours à l’oeil”, se remémore-t-il, avec des accès de sincérité fréquents, et une simplicité dans ses propos. A ce moment, la famille habite Derb Sultan, ce qu’on appelle à l’époque la nouvelle médina. Le quartier n’offrait à ses enfants aucune distraction, si ce n’est le foot. “Nous jouions dans des équipes de quartiers. Mais hormis le football, il n’y avait rien à faire. Les programmes ne changeaient pas, et nous étudions sur les livres de nos aînés, et partagions les nôtres”, explique-t-il, sans misérabilisme. On devine que si ce n’était pas l’opulence, on ne manquait de rien.

De l’école à l’Université, un pur produit du système public

Pendant les vacances d’été, la famille se rend en délégation sur la montagne de Amaghdir, près du Douar Zag Mouzen rendre visite à la famille, restée au “bled”. Lorsque ce n’était pas dans le Souss, pour la trêve estivale, on restait à Casablanca. On échangeait avec les voisins immigrés en France les livres et l’occasion  de pratiquer le français. A l’école, Saïd compte dans le peloton de tête de ses premières classes à l’école Lalla Hasna et du collège El Jahid, il passe au collège Al Ghazali. “Je suppose qu’ils ont pris les deux meilleurs de chaque classe pour les envoyer dans un meilleur établissement. A l’époque, le privé était le dépotoir des mauvais élèves du public. Depuis, la tendance a changé”, regrette-t-il, conscient de sa chance. Il réussit ses classes normalement, et intègre un nouvel établissement d’élite, le Lycée My Abdallah, toujours sous l’oeil attentif de ses parents. “Pour nos parents, la conjoncture était difficile au Maroc. Il fallait être bon à l’école, car c’était le seul moyen de s’en sortir et de réussir sa vie. Les parents étaient très attentifs et communiquaient en permanence avec les enseignants”, développe-t-il. Mais lorsqu’il doit faire le choix de son orientation, après son Bac en 1990, il manque de conseils et s’oriente vers un cursus classique d’économie à la Faculté Hassan II. “On m’a recommandé de m’orienter vers les finances et la banque,” explique-t-il. Saïd fait donc le choix du bon sens et entre dans le monde aléatoire des études universitaires. L’Université était le terreau de toutes les mouvances politiques, mais comme beaucoup de ses camarades, il fuit la politique et toute allégeance qui peut s’avérer dangereuse.

Débuts dans la banque, premiers “coups de pouce”

Arrive 1995, quand Saïd termine un programme pilote de Commerce international à la faculté. “Ils avaient choisi les 50 premiers qui ont été affectés à des classes poursuivant le même cursus enseigné à l’ISCAE. Je ne connaissais pas cette orientation auparavant et mon ambition allait vers des études doctorales”, avance-t-il, avec une pointe de regret. Mais il tire le maximum de ce cycle, et suit des “stages ouvriers” à la Banque Populaire. A la fin de son année de licence, il intègre Wafabank. C’est alors que la fortune lui sourit, et poussé par Mohamed Bennani DG de la banque, son employeur finance sa formation en analyse financière. Nouvelle opportunité, son nouveau métier entre les mains, il intègre Wafa Gestion lorsque son DG, Abdelhak Errakhmi, lui ouvre les portes de l’entité. Il commence comme responsable Middle office avant de grimper les échelons. Lorsqu’il quitte l’entreprise en 2008, dix années après son entrée, il est “responsable RCCI”, poste qu’il résume pudiquement de “contrôleur des contrôleurs”. Dans l’intervalle, il a rencontré son épouse, également banquière, et trois années plus tard, 2004 verra la naissance de son premier enfant. Le deuxième agrandira la famille en 2006. Pendant cet épisode, Wafa Gestion absorbe Attijari Management et Crédit du Maroc Gestion, pour prendre sa structure actuelle. Nous sommes en 2008, lorsque Saïd décide d’amorcer le changement. Il quitte Wafa Gestion pour un bref passage à la Salle des Marchés de la Banque Populaire. Il revient alors à son domaine d’expertise, dans les RCCI, chez Royal Marocaine d’Assurances (RMA) Capital cette fois-ci.

Un expert des produits islamiques

2010 sera l’année de la progression. Saïd est nommé au poste de secrétaire général de RMA Capital, et précise déjà ses ambitions. En 2005, il avait repris le collet de ses études, décrochant un Master en marchés financiers de l’Université de Bordeaux, sous l’impulsion de son ancien DG à Wafa gestion, Karim Fath. Il reprend le chemin de l’école en 2012, pour ajouter une nouvelle corde à son arc, avec un MBA. “C’était une formation courte sur 9 mois, mais qui permettait une double certification en finance islamique, le CIB décerné par l’organisme de formation bahreïni CIBAFI. Le champ d’études était totalement différent, puisqu’il était en arabe, et que l’on se penchait sur des problématiques de droit des affaires musulman (fikh al mouaamalates). Mais Saïd ne s’arrête pas là, et avec quelques camarades de classe, décide de se lancer dans l’associatif et de servir de force de propositions dans ces produits participatifs islamiques. Ce sera la naissance de l’AMFP en 2012. L’année suivante, Saïd suit une nouvelle accréditation en banque islamique, en France cette fois, avec l’IFASS. Ce n’est qu’en 2014 que la loi sur la finance participative devient applicable. Déjà, l’association est présente depuis deux années, et s’impose dans le champ de réflexion sur les produits “islamiques”. Tout récemment, elle vient de signer un accord de partenariat avec l’Association des Professionnels des Sociétés de Bourse. La force de l’AMFP est de compter dans ses rangs, des professionnels de finances, formés à ce type de produits. Lorsque la première Banque Participative sera lancée en 2015, c’est sans doute vers ses experts que cette dernière se tournera, pour apporter son expertise pour les produits concernés.

La face cachée

Le sport?
Adolescent j’ai découvert l’aïkido. Je suis revenu à cet art martial il y a quelques années. Depuis, j’ai obtenu la ceinture marron, et j’attends avec impatience d’atteindre la noire. Cet art de vie, du contrôle m’a profondément transformé. D’ailleurs, cela aide dans la vie quotidienne et professionnelle de pratiquer les arts martiaux. Ce n’est pas du tout un sport qui sert à l’attaque, mais à la défense, et surtout à retourner la force de l’adversaire contre lui-même. Je recommande ce sport à n’importe quel âge. Autrement, je pratique le tennis avec des amis, mais c’est assez occasionnel.

La musique?
Je joue du piano, mais je m’y suis mis récemment. C’est pour accompagner et encourager mes trois filles.

La littérature?
Le travail associatif monopolise tout mon temps libre. Je lis essentiellement des lectures professionnelles qui concernent la banque participative. Mes dernières lectures concernaient le GCC en Malaisie.

Les voyages?
Je prépare un voyage au Sud pour ma famille. C’est une sorte de pèlerinage pour que mes enfants découvrent comment vivent les gens dans les zones enclavées, dans une nature hostile et loin de tout.

Un hobby?
Je me passionne pour le montage en ce moment. Je prépare de petits films avec des images, des musiques et des commentaires de nos souvenirs de famille.

 
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