Agriculture

Une volonté politique pour le développement rural

L’agriculture renseigne sur l’homme et son histoire plus qu’aucun autre secteur économique. C’est par la relation à la terre que tout a commencé. La création des premières demeures humaines a été imposée par la découverte de la relation entre la durée et la production des richesses. Attendre qu’un fruit soit mûr pour le cueillir, veiller sur son évolution à travers les techniques d’irrigation, creuser dans les sols pour planter et attendre une saison ou deux, sont des actes qui n’ont pas seulement fait avancer les techniques et les rapports sociaux entre les hommes, mais ils ont donné lieu à une evolution historique qui a tracé l’itinéraire que l’humanité a emprunté. L’agriculture a façonné des structures tribales, des villages et même des villes et elle a constamment poussé le savoir scientifique vers la recherche des techniques. Repousser les limites et créer des espaces pour assurer la vie sur la planète terre, c’est avant tout pouvoir nourrir les hommes durablement. La terre est la plus reconnaissante des créations divines. Elle est généreuse avec ceux qui la travaillent, elle est pleine de reconnaissance pour ceux qui investissent en elle pour la préserver et pour renfoncer sa fertilité, mais elle sait se montrer rancunière à l’égard de ceux qui la détruisent ou ceux qui ne veillent pas sur sa santé. Au début, c’était l’agriculture et c’est toujours elle qui fait évoluer nos rapports à la nature, au droit et à la politique. Que de conflits ont pris naissance autour de l’acte de s’approprier la terre, de l’exploiter et de la léguer aux générations successives. Que de civilisations ont donné à l’humanité des modes de production et des circuits de commercialisation grâce à l’agriculture. On ne peut décrire l’histoire d’une nation sans parler de ses traditions alimentaires, de sa créativité productive, des luttes autour de l’appropriation de la terre source des richesses.
Le Maroc a fondé depuis des siècles une relation spécifique à la terre. Nos livres d’histoire décrivent les périodes en fonction de leur apport en richesses. Les récoltes accumulées pendant une période peuvent faire la force d’un pouvoir et leur mauvaise gestion peut causer sa faiblesse.

Histoire d’une volonté pour retenir l’eau : le barrage

En parfaite symbiose avec cette réalité et en fin connaisseur de l’impact de l’agriculture sur la stabilité sociale et économique, Le Roi défunt Hassan II a fait de la politique de rétention de l’eau des pluies une voie immuable et un programme d’infrastructure permanent. Malgré leur coût exorbitant et l’endettement auquel ils donnent lieu, les projets de barrages n’ont jamais cessé d’être prioritaires et ne le cesseront jamais. Retenir l’eau au Maroc est vital pour la continuité de la vie et pour la prospérité de ses citoyens. Investir dans la terre est un défi permanent que notre pays ne peut cesser de relever. Agir d’une manière responsable dans notre relation à la terre et à l’eau doit continuer à mobiliser nos ressources humaines et financières. Ce n’est point l’affaire d’un gouvernement, c’est l’affaire de tous les gouvernements et de tous les marocains. Nos potentiels naturels sont grands et notre responsabilité est encore plus grande. C’est dans ce cadre que nous devons lire le «  PLAN MAROC VERT » en tant que projet de responsabilité historique qui dépasse l’agenda politique trop lié au court terme. La pérennité de notre vie en commun dans un bien être partagé dépend en grande partie, de l’accès digne et sûr des citoyens aux produits alimentaires.
En inscrivant l’action dans ce domaine dans la très longue durée, nous donnons la preuve que nous avons compris nos intérêts actuels et ceux des générations futures. Dépasser les frontières qui nous séparent d’une relation rationnelle à la terre est un grand projet politique. Le dualisme qui a longtemps caractérisé notre agriculture et qui continue de nous bloquer dans beaucoup de domaines, doit progressivement céder la place à une voie qui doit nous mener progressivement vers une modernisation de nos procédés de production, de commercialisation et d’amélioration des revenus. Le train que le Maroc Vert à proposé à l’agriculture doit pouvoir prendre l’ensemble des passagers vers la même station. Accéder volontairement ensemble à la même culture et à la même productivité est un destin qu’on doit choisir.

En quoi le Plan Maroc Vert constitue un destin choisi ?

Parce qu’il a intégré pour la première fois, la dimension du développement agricole dans le développement rural, cette évolution dans la définition des objectifs découle d’un bilan que beaucoup de rapports ont décrié et notamment le rapport sur le cinquantenaire du développement. La dualité « traditionnel-moderne » qui marque notre agriculture reflète les disparités entre les milieux urbain et rural et permet de lire la carte de la pauvreté dans notre pays. Les zones ciblées par l’INDH démontrent nos déficits et les efforts qui restent à déployer pour les réduire.
Les idées qui font la force du Plan Maroc Vert résident dans trois concepts : L’agriculture solidaire, l’agrégation et la contractualisation pour le développement des filières.

Agriculture solidaire

Longtemps livré aux vicissitudes climatiques et aux conditions sociales précaires, l’agriculteur traditionnel ne disposant que de rudimentaires outils de travail, vivait à la périphérie d’un système moderne et bien intégré dans les circuits de la technologie et de la finance. Deux mondes séparés par un décalage énorme tant historique que technologique dressent le paysage agricole marocain. Continuer dans cette voie n’était plus possible. Les pouvoirs publics devaient changer la méthode et les moyens. Les chantiers ont été ouverts avec un regard autre que celui purement technique. Le développement est un tout, c’est un processus où tous les acteurs avancent vers la même direction. Solidaires, ils doivent l’être, mais dans l’accompagnement et non pas dans l’assistanat et ses effets pervers.
La petite agriculture est présente dans le deuxième pilier du Plan Maroc Vert en tant que composante essentielle. L’accompagnement des petits agriculteurs est conçu dans le but de permettre une modernisation solidaire pour combattre la pauvreté et faire du développement rural intégré le moyen le plus adapté pour créer de nouvelles sources de revenu. Cette stratégie doit bénéficier à environ 800 000 exploitants et permettra de mobiliser des investissements qui pourraient dépasser 15 milliards de dhs. L’examen que nous avons réservé à l’évaluation des contrats-programmes relatifs aux filières a permis de relever les composantes d’investissement qui ont été réalisées au niveau du deuxième pilier. Si la cadence et la volonté qui règnent actuellement continuent avec la même vigueur, nous pourrions dans quelques années changer le paysage de notre agriculture et du monde rural en général. Les outils retenus permettraient l’amélioration de la productivité et la valorisation des produits, la reconversion vers les secteurs à forte valeur ajoutée et générateurs de revenus plus importants et un encadrement plus présent et plus efficace.

L’agrégation : un partenariat gagnant-gagnant

Nouveau concept dans le secteur, l’agrégation qui a longtemps meublé l’évolution des carrières dans l’enseignement, a été invitée pour amorcer un nouveau départ du train de notre agriculture. Processus solidaire et réaliste et faisant du « gagnant-gagnant » un cadre de travail, l’agrégation invite deux acteurs dans le projet de développement et de modernisation du travail de la terre. L’agrégateur est un exploitant privé ou une organisation professionnelle à forte capacité managériale qui apporte son savoir faire et ses moyens dans un partenariat avec un agriculteur agrégé pour lui permettre de valoriser sa production à travers l’amélioration de la qualité et la facilitation de l’accès au marché. L’agrégation peut créer les conditions d’une «conciliation historique» entre les acteurs de la scène agricole qui vivent dans des siècles qu’on peut qualifier de différents au regard de la technologie et des revenus que chacun tire de son travail de la même terre. Le Plan Maroc Vert énumère cinq avantages de l’agrégation qu’on peut citer ci-après :
– Optimiser le lien entre le marché, l’amont productif et toute la chaine de valeurs à travers les compétences de l’aggravateur en matière de connaissance des marchés et le lien logistique à coût compétitif entre la production et le marché de destination.
-Généraliser les bonnes techniques moyennant les équipes d’encadrement mobilisées par l’agrégateur d’une part, et les unités de production en propre gérées par l’agrégateur et constituant des plateformes de démonstration, d’autre part.
-Permettre aux petits exploitants d’accéder au financement à travers les possibilités de financement direct des exploitants par les banques sur la base des contrats d’agrégation et/ou les avances et les intrants octroyés par l’agrégateur aux agrégés.
-Partager les risques entre l‘agrégateur et les agrégés du fait que le risque de la production est principalement pris en charge par les agrégés, alors que le risque de la commercialisation est principalement pris en charge par l’agrégateur. Le recours à des assurances adaptées permet de juguler ces risques par les deux partis.

Filières : convergence et contractualisation

L’agriculture est un secteur qui ne peut connaitre la voie du développement sans une vision globale et des politiques sectorielles publiques coordonnées et faisant de la convergence leur boussole. Porter un intérêt à une filière au détriment d’une autre, relèverait de l’action ponctuelle sans lendemain et non d’une politique responsable. Le Plan Maroc Vert a choisi la voie de la marche en rang serré de toutes les filières vers la modernisation, la création d’une forte valeur ajoutée et de la participation de tous les acteurs au développement du potentiel national. Nos régions recèlent des atouts qui ont été ciblés par des projets novateurs. Les dix huit filières qui font l’ossature du plan ont fait l’objet de contrats-programmes entre l’Etat et les professionnels du secteur. Les apports budgétaires sont autant mobilisés que les investissements privés. La réorganisation institutionnelle des différentes filières a donné lieu à la révision des statuts, à l’élaboration de lois et règlements nouveaux et à la mise en place d’une multitude de textes d’application. Des aides ont été allouées pour renforcer la capacité des associations et fédérations professionnelles et pour réaliser un vaste programme de recherche-développement. Toutes les régions du Maroc ont été ciblées à travers des programmes régionaux. Les filières animales autant que les filières végétales ont été inscrites dans l’échéancier de la concrétisation. Du lait et des produits camelins, au safran et à l’agriculture biologique, les mesures d’investissement, de motivation, de restructuration et de recherche ont couvert l’ensemble des filières. Les premiers résultats de cette approche ont commencé à s’inscrire dans la réalité à travers l’augmentation des superficies dédiées, l’amélioration des techniques d’irrigation, la croissance du PIB agricole et la création de nouveaux emplois. 100 milliards de dhs est le PIB réalisé au niveau de l’agriculture, 8 millions d’hectares est la superficie agricole actuelle, 370 000 hectares sont les parcelles qui sont équipées en techniques d’irrigation économisant l’eau, 42 millions de tonnes est la production réalisée par toutes les filières agricoles et 77 000 emplois permanents sont les emplois créés depuis le lancement du Plan Maroc Vert.
Dans l’évaluation qui a été faite, il apparaît que beaucoup de filières sont proches des objectifs de 2020 alors que d’autres, sont appelées à accélérer les rythmes des réalisations pour atteindre les niveaux des objectifs fixés. La 9ème édition du SIAM compte mettre en relief les réalisations des filières. C’est un choix qui n’est pas fortuit. Le développement des filières, l’évaluation permanente de leurs réalisations et le recadrage périodique de leurs plans d’action sont indispensables pour garder le cap vers 2020. 

 
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