Culture

Abouelouakar et Hafid: Rétrospectives aux Villas des Arts

En cette rentrée culturelle, les écumeurs de vernissages et amateurs d’art furent conviés à deux événements rendant hommage aux deux figures majeures de la scène picturale nationale. Visites.  

La fondation ONA et ses deux beaux et accueillants espaces, Villas des Arts de Casablanca et de Rabat, ne cessent, ainsi depuis leur création, de nous convier à des manifestions culturelles de qualité à la fois de dimensions nationale et internationale. Le cas des accrochages, accompagnés de publications de qualité, nous donne à voir la diversité du champ plastique national toutes générations confondues. Pour cette rentrée, la Fondation ONA, à coup de deux grandes rétrospectives, remet sur le devant de la scène deux figures discrètes, mais incontournables dans l’émergence et l’effervescence de la peinture moderne dans notre pays, Mohamed Abouleouakar et Mustapha Hafid. 

Destruction du monde, des mondes

Cinéaste, peintre, photographe…bref artiste qui utilise diverses moyens pour affronter le monde, l’expliquer, le détruire pour le construire dans un flamboyant et vertigineux imaginaire. Abouelouakar, au parcours époustouflant, finit par se créer un langage plastique et un univers fantasmagorique qui lui sont propres. On l’écoute: « il n’y a pas eu d’évolution de l’homme. Nous sommes restés devant nos cavernes absorbés dans la fascination du veau d’or. Où sont les élans spirituels de ce monde ? Y a-t-il des moments de bonheur dans notre histoire? L’homme est à bout de souffle, orphelin du sacré. Sans l’art, ce serait terrible. » Des propos catégoriques à l’image de l’homme, intransigeant, libre, la semelle au vent. Mohammed Abouelouakar et son œuvre se confondent, s’unissent dans l’esprit mystique pour interpeller l’homme et le monde. Natif de Marrakech, cité des sept saints, la ville ocre et magique par excellence, le peintre de l’image navigue avec aisance entre les supports et les techniques. Cinéaste inclassable influencé par Tarkovski, peintre de l’illumination hanté par Chagall et photographe d’art à la quête des Contes soufis, Abouelouakar nous éblouit, nous fascine et nous intrigue. Son œuvre, qui puise  dans les mythes fondateurs de l’humanité, de l’iconographie chrétienne, des miniatures byzantines et persanes, du fin fond de la culture populaire marocaine…se refuse à tout jugement. Avec sa culture et ses compagnons poètes, mystiques et philosophes, avec son langage plastique et esthétique personnel, Abouelouakar déconstruit le monde, les mondes…pour notre grand plaisir. A voir du 10 janvier au 30 mars 2020 à la villa des Arts de Rabat.

Hafid ou le grand retour

Comme feu Ahmed Cherkaoui, Mustapha Hafid est originaire de Bejâad. Natif de la cité blanche, Casablanca, en 1942, il poursuit son cursus à l’Ecole des Beaux-arts de la cité avant de s’envoler pour la Pologne, à Varsovie, où il complète son apprentissage ainsi pendant cinq ans à l’Académie des Beaux-arts, section peinture et arts graphiques. Diplômé de Magister en Arts en 1966, il est de retour au bercail pour enseigner à l’Ecole des Beaux-arts de sa ville natale. En compagnie des Belkahia, Chebaa, Melehi, Hamidi et d’autres, il participe à la naissance de cette fameuse école dite de Casablanca. Mouvance qui se veut une rupture avec l’enseignement académique d’avant et fer de lance d’une nouvelle vision autour de la création plastique et de la culture «nationale» en général. Dans cet esprit, on retrouve Hafid en 1969 participant à l’exposition-manifeste de Jamaâ El Fna à Marrakech. Il a fallu attendre 2020 pour qu’on lui consacre sa première rétrospective ! (Du 10 décembre 2019 au 19 janvier 2020). Une soixantaine d’années de créations qu’on découvre ébloui par une palette inclassable. Maîtrisant ses moyens, Hafid est à l’aise quand aux supports et matériaux. Peinture à l’huile, acrylique, encre de chine, dessin, toile, cartons, bois…Et les images se succèdent révélant un artiste anticonformiste avec des œuvres personnelles hantées de thématiques qui lui sont chères. On peut lire dans la notice de présentation, que « Les œuvres de l’artiste peintre Mustapha Hafid sont animées par une dimension néo abstraite qui ne se borne pas à une simple énonciation expressive, mais implique la notion de rêve liée à celle de représentation subjective. L’artiste, vieux routier dans la cartographie créative d‘ici et d’ailleurs, met en toile les fragments tachistes de la figure et détourne son sens au pluriel qu’il perçoit et perturbe la lisibilité immédiate. Son acte présente des unités chromatiques en l’honneur de notre première nature qui l’a tant inspiré. » Une monographie sur cet artiste singulier est en préparation. Vivement sa publication.

 
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