Société

Achoura, pétards, argent et dangers

Les circuits d’importation ne sont pas maîtrisés et notre arsenal juridique est rudimentaire devant la complexité et la nocivité de ces « pétards » qui pourraient se transformer en outil de destruction. Il est temps de maîtriser les circuits et notamment, ceux liés à la contrebande et d’éviter à nos quartiers des souffrances et parfois des drames.

Depuis la fin du mois de ramadan, et pour certains, c’est durant toute l’année, que de nombreuses villes marocaines ont des allures de champs de bataille. A chaque fois l’intensité augmente avec l’approche de Achoura, le dixième jour de l’année de l’hégire. Les explosions de divers types de pétards sont aussi diurnes que nocturnes.

En général, ce sont les enfants qui se rassemblent à la sortie des écoles, dans les rues ou les jardins publics, pour se livrer parfois pendant des heures à leur activité favorite en cette période, transformant le quotidien des citoyens en véritable cauchemar.

En plus des nuisances sonores dues aux explosions, certains enfants s’amusent à les jeter sur les passants, surtout sur les femmes, les jeunes filles et les petits enfants, causant parfois des traumatismes irréparables : blessures faciales, oculaires, auditifs, blessures des mains, etc. En 2015, à Casablanca, les urgences de l’hôpital 20 août avaient enregistré plus de 28 accidents dus aux pétards, la nuit de Achoura uniquement.
Beaucoup d’enfants perdent la capacité de voir ou d’entendre et peuvent même garder des cicatrices dues aux brûlures de deuxième ou de troisième degré.

En plus, ces explosifs peuvent être déviés de leurs utilisations normales pour servir à la fabrication d’engins plus meurtriers.
D’où nous est venue cette manie dont la fréquence d’utilisation annuelle augmente avec le temps? Est-ce bien une manifestation de fête ou célébration de deuil ? En réalité, Achoura cristallise la manifestation des deux sentiments dans le subconscient de la population marocaine : fête pour les sunnites et deuil pour les chiites. Reliquats ou atavisme de notre histoire hybridée par les cultes animistes avec relent de culte hébraïque et chrétien.

Les pétards sont inscrits sur la nomenclature douanière au chapitre 36. Ils sont importés par des sociétés agréées à cette importation aux termes de la loi sur les explosifs depuis 1014. Cependant, les malversations directes ou indirectes noient nos marchés par ces jouets meurtriers. En effet, les services douaniers du port de Casablanca avaient procédé, en 2015, à la saisie d’une très grande quantité de pétards dissimulés dans un conteneur de 40 pieds, censé contenir des articles de décoration en provenance d’un pays asiatique. Le comptage de cette cargaison de produits a permis de constater qu’elle contient 737.000 paquets de pétards, soit 34 millions d’unités : Partie visible de l’iceberg d’un juteux commerce qui prolifère sur le malheur des Marocains.

Bien que l’achat et la vente de ces engins ne soient pas interdits au Maroc par un texte de loi, il existe une note du 2 mars 2004 du ministère de l’Intérieur qui interdit leur vente. Cette note a été élaborée suite à la malheureuse explosion survenue lors du moussem de Bejaâd. Mais, elle reste d’application limitée. Seuls quelques gouverneurs l’ont appliqué en 2017 (à Casablanca et Sidi Kacem, la commission a procédé à la saisie de 500 pétards).

La présence de ces pétards sur le marché (épiceries, Farachas, etc.), permet à beaucoup d’enfants et d’adolescents de s’adonner à cœur joie à cette pratique dangereuse. Ces pétards sont généralement importés de Chine et distribués en grande partie à Derb Omar à Casablanca.
Au mois de juin 2017, le ministre de l’Energie, des Mines et du Développement durable, a présenté à la Chambre des représentants, un projet de loi sur le contrôle de l’importation, la vente, l’achat et le transport de produits explosifs à usage civil et des artifices de divertissement. Ce projet de loi vise également à régulariser l’usage in situ de ces produits, déterminer les emplacements appropriés et ouvrir la voie aux fabricants pour les exporter. Cette loi prévoit également l’interdiction du transit par voies terrestre et maritime de ce matériel, la destruction des produits avariés, altérés ou périmés, tout en fixant la procédure à adopter.

Ce projet de loi inscrit sous le numéro 22-16, date de l’année dernière et constitue un plagiat de la réglementation française. Le législateur marocain n’a pas tenu compte des spécificités nationales. Ainsi, en comparant les deux lois, la Fédération Marocaine des droits du Consommateur, constate avec regret l’insuffisance de projet de la loi nationale. Insuffisances remarquées sur le classement des produits pyrotechniques dont les caractéristiques physiques ont disparu sur le projet de la loi nationale et on ne trouve changé que le K (classification française par le C marocain).

 
Article précédent

BCIJ : la valeur de la cocaïne saisie s'élève à plus de 25 milliards de DH

Article suivant

La RAM reliera désormais Marrakech à Ouarzazate