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Affaire Merendina. Quand l’amour sème la discorde

Quand on entend le mot « amour », on ne peut que s’imaginer une image heureuse, de la quiétude et du plaisir. Personne n’aurait pu imaginer que dans notre chère nation, ce mot dérange autant. Sujet de société ou coup marketing raté ? En cette Saint-Valentin, on revient sur l’affaire Merendina.

Pour célébrer cette occasion plébiscitée par l’ensemble des marques autour du globe jusqu’à en devenir un brin commerciale, Merendina célèbre l’amour à travers une campagne incluant un changement de packaging. Rien de bien choquant, à part des illustrations représentant l’amour et des mots aussi attendrissants que  » Kanbghik »,  » Ana Wiyak Wahed »,  » Nta ahssen maendi » ( « Je t’aime »,  » Moi et toi nous sommes une seule personne », « Tu es ce que j’ai de mieux »). Rien ne laissait prédire qu’autant de langues allaient se délier, qu’autant d’encre allait couler, que la discorde serait semée jusqu’à entraîner un mouvement de boycott. Une réaction que certains qualifient d’aberration, quand d’autres appuient ce soulèvement contre la marque. Selon leurs dires, Merendina encourage la dépravation des mœurs, pousse le public à la débauche et sont fermement décidés à faire de cette campagne une atteinte générale à la pudeur. D’autant plus, et combien de fois ils n’ont cessé de nous le rappeler, que le Maroc est un pays musulman. Et si on analysait un peu cette affaire ?

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D’un point de vue sociétal

Si l’on analyse la sémantique marocaine, combien de mots sont reliés à l’amour et à l’affection ? Une poignée. Combien de mots sont représentatifs de la violence ? Une myriade. On dispose de plus de mots pour appeler un chien que de mots pour exprimer nos émotions. Si l’on se fie à ce constat, la société marocaine serait une société haineuse. Ce qui n’est pas une représentation quasi-véridique de la situation. Les Marocains ont des émotions, mais ne savent pas les exprimer. Entre l’oppression des sentiments, véritable synonyme démonique de vulnérabilité, et la culture de la « Hchouma » synonyme d’une pudeur maladive, les battements de cœur des marocains sont enfermés dans leur cage thoracique et ne risquent pas de résonner avant bien longtemps. Sauf que la nouvelle génération a soif d’amour, l’exprime haut et fort et ne semble pas trainer les boulets de plusieurs siècles de sentiments enfouis.

Le sujet a aussi fait réagir la société civile, à l’image du collectif  » Moroccan Outlaws » qui n’a pas manqué de rappeler que l’amour n’est pas un crime, et qu’il faut normaliser l’expression de l’amour sous toutes ses formes. Certains saluent même l’audace de la marque, et qualifient la campagne Merendina d’effort éducatif de la société. Quand d’autres pensent que la marque gagne en force en assumant pleinement ses valeurs et fait en sorte que l’amour ne soit plus tabou.

D’un point de vue marketing

Le marketing émotionnel sur lequel se base Merendina depuis novembre 2020 avec sa campagne « Khali 9albel idoub » n’a pas l’air de lui réussir, ou du moins faire l’unanimité auprès de la cible grand public auprès de laquelle elle opère. D’un point de vue marketing, l’opération correspond parfaitement au thème Saint-Valentin, le packaging bien soigné et expressif du message voulu… Mais alors, si la communication était aussi bien ficelée et s’inscrivait dans la continuité de l’opération débutée en 2020, pourquoi cela a-t-il engendré un tôlé ? Plusieurs hypothèses se présentent, dont un géociblage omis. Plus le quartier est populaire, plus le boycott est puissant. Peut-être focaliser une telle opération sur des canaux de ventes plus ouverts au message ? Les grandes surfaces, les superettes dans certains quartiers…

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Quoi qu’il en soit, la marque de Mondelez a bien intérêt à arranger la situation avant que cela ne s’envenime du côté des petits commerçants, qui représentent quand même l’un des plus grands canaux de distribution au Maroc si ce n’est pas le plus important, puisque c’est un élément majeur dans la chaîne de proximité. Malgré tout, le mérite revient quand même à cette marque qui a soulevé un voile sur une problématique sociétale, une véritable distorsion générationnelle. Entre des premières générations qui refoulent tout sous l’égide du tabou, et de nouvelles générations assoiffées de liberté mais surtout d’amour, de soi, de son prochain et même celui de la nation.

 
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