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Afrique-Chine : une coopération numérique stratégique

Depuis plus d’un an et demi, l’« ordre international » a été mis à nu, grâce à la crise sanitaire mondiale qui a révélé que l’économie n’est pas toujours au service du bien être humain. Cette pandémie a surtout révélé des inégalités, localement et globalement, même dans des domaines fondamentalement humains tels que le droit d’accès aux soins. L’Afrique a été et continue d’être perçue principalement comme un fournisseur/exportateur de matières premières, un importateur de services et de produits transformés et un « emprunteur » de capitaux. La nouvelle coopération Afrique-Chine s’inscrit dans une logique alternative, radicalement différente. C’est notamment le cas dans le domaine du numérique.

Eviter la « fracture numérique » au niveau mondial. En effet, les nouvelles technologies d’information et de communication constituent un moyen et non pas une fin en soi. Tout dépend des objectifs consciemment, clairement et conjointement définis. Elles peuvent contribuer à une aggravation des inégalités structurelles dans les « rapports nord-sud », comme elles peuvent, au contraire, contribuer à l’émergence de rapports internationaux plus équilibrés et surtout plus équitables.

Deng Li, ministre assistant des affaires étrangères, assistant au Forum sur le développement et la coopération d’Internet Chine-Afrique, a prononcé une allocution lors de la cérémonie d’ouverture dudit Forum. Cette allocution résume la vision officielle de la Chine en matière de coopération numérique avec le continent Africain. « Le développement accéléré de la nouvelle génération des technologies numériques a généré de nouveaux changements dans la production, créé de nouveaux espaces pour les activités humaines et étendu la gouvernance des Etats dans de nouveaux domaines ». Et la pandémie mondiale actuelle a constitué un facteur d’accélération du développement de l’économie numérique.

A travers le président Xi Jinping, la Chine a officiellement déclaré sa volonté d’œuvrer avec l’Afrique pour élargir la coopération dans les domaines de l’économie numérique, de la ville intelligente, de la 5G et d’autres nouvelles formes d’activité. En fait, déjà, en 2020, a été initiée la construction du premier réseau commercial indépendant 5G, en Afrique, grâce à la coopération entre une entreprise chinoise et une entreprise sud-africaine. Le Centre national de données du Sénégal, réalisé avec le soutien financier et technique de la Chine, a été officiellement inauguré. La Electronic Word Trade Plateform (eWTP) a fait connaitre les produits africains aux chinois. A cela, s’ajoutent d’autres initiatives comme « Seeds for the future » de Huawei et « Africa’s Business Heroes » d’Alibaba qui ont contribué à la formation de jeunes talents africains dans l’industrie d’Internet.

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Le moment est donc propice à la consolidation des acquis et à une structuration stratégique de la coopération numérique entre l’Afrique et la Chine. Début 2021, Wang Yi, conseiller d’Etat et ministre des affaires étrangères, a invité la Chine et l’Afrique à construire conjointement une « Afrique numérique ». Plus explicitement, l’initiative chinoise vise à construire une « communauté d’avenir partagé » entre la Chine et l’Afrique dans le cyberespace. En effet, la Chine entend élaborer et mettre en œuvre conjointement avec l’Afrique, un plan de partenariat Chine-Afrique sur l’innovation numérique. Ce partenariat n’est pas synonyme de « paternalisme ». Chine et Etats Africains, partenaires réellement égaux, sont appelés à construire ensemble, et à créer une nouvelle dynamique internationale de changement. Et ce ne sont pas de simples déclarations de bonnes intentions.

Capitalisant sur les acquis, la Chine propose un plan autour de six axes bien articulés. Le premier axe vise à renforcer les infrastructures numériques pour construire des artères informatiques en faveur du développement économique et social. Il est question de partager les résultats de recherches en technologies numériques et de favoriser l’interconnexion des infrastructures numériques. Les entreprises chinoises seront ainsi encouragées à coopérer avec leurs partenaires africains pour la construction d’infrastructures numériques telles que les backbones optiques, les interconnexions transfrontalières et les réseaux de communication de nouvelle génération. Le progrès numérique sera mobilisé au profit des régions les plus reculées en Afrique pour connecter le « dernier kilomètre ».

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Ainsi, le numérique est mis au service de l’être humain dans le but d’améliorer concrètement les conditions de vie. Le deuxième axe devra permettre de développer l’économie numérique tout en assurant une promotion de l’intégration des technologies numériques dans l’économie réelle. C’est là un exemple illustrant la « praxis numérique ». Les progrès de la recherche et des solutions innovatrices seront concrètement appréciés à travers les impacts quantitatifs et qualitatifs, en termes de niveau de numérisation des services publics et des entreprises, et de promotion de l’industrialisation induite par les nouvelles technologies telles que l’informatique en nuage, l’intelligence artificielle, l’Internet des objets et le paiement mobile. Cela devrait se traduire à travers notamment le renforcement du commerce électronique, l’entrée des produits africains de qualité sur le marché chinois et l’accélération de l’intégration des chaines d’information et industrielles africaines par le commerce électronique transfrontalier.

Le troisième axe du plan a pour objectif de développer l’éducation au numérique pour surmonter « le goulot d’étranglement des talents » dans l’innovation numérique. Il s’agit notamment des projets tels que le « Talented Young Scientist Program », le « International Youth Innovation and Enterpreneurship Program (Cirrus Program), ou encore le renforcement de l’éducation à distance, l’innovation numérique au profit des professionnels africains et la formation des jeunes africains dans le numérique. Bel exemple où, à travers la coopération, il n’est pas question de créer des liens de dépendance. Les partenaires doivent progressivement tirer profit réciproquement de leurs travaux et apprendre, à la fois, à marcher seuls et ensemble. Lié au précédent, le quatrième axe vise à promouvoir l’inclusion numérique au service des africains, en appliquant les technologies numériques à l’amélioration du bien-être social, en tant que finalité stratégique. C’est notamment le cas des transports en commun, des soins médicaux, des services financiers, de la lutte contre les épidémies, sans oublier le mode de gouvernance publique. Le cinquième axe doit consolider et renforcer les axes précédents pour amorcer des progrès irréversibles, grâce à la sécurité numérique et à une meilleure capacité de gouvernance numérique garantissant la transparence.

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A cet égard, l’Initiative sur la construction conjointe de la communauté d’avenir partagée dans le cyberespace et l’Initiative mondiale sur la sécurité des données peuvent être rejointes par l’Afrique, en tant qu’acteur à part entière dans le « dialogue numérique mondial ». En effet, à travers ces deux initiatives, il sera possible de renforcer le dialogue et la communication sur les réponses d’urgence en matière de cyber sécurité et sur les lois et règlements sur l’Internet, en vue de contribuer à l’émergence d’un environnement ouvert, équitable et non discriminatoire pour le développement numérique. Les règles de la « gouvernance numérique mondiale » doivent être le résultat d’un débat et d’une élaboration en commun, sans aucune exclusion. Le sixième et dernier axe du plan proposé par la Chine à l’Afrique, vise la mise en place de plateformes de coopération, en vue de promouvoir le progrès numérique par des échanges dans tous les domaines. Il est question de structurer et de pérenniser les efforts de coopération Chine-Afrique, grâce à l’instauration d’un dialogue permanent de haut niveau sur la coopération  numérique. L’organisation « Smart Africa » est une illustration concrète de cette orientation. C’est aussi le cas des activités telles que la « China InnoTour for African Young Scientists ». Le projet de construction du Centre de coopération Chine-Afrique sur l’innovation va dans le même sens.

Le partenariat Afrique-Chine s’inscrit à la fois dans le court terme et moyen-long terme. Ainsi, des actions immédiates se sont traduites par la déclinaison de projets backbones optiques. Dès le mois de septembre, la Internet Society of China et des entreprises chinoises de commerce électronique procéderont à l’organisation conjointe d’une saison de promotion des produits africains par le commerce électronique. C’est aussi le cas du Forum de coopération Chine-Afrique sur le système de satellites Beidou qui sera consacré à l’utilisation des technologies de l’information de pointe telles que les satellites et la télédétection dans le but de renforcer les capacités africaines en matière de protection de l’environnement, de développement de l’agriculture et de surveillance des catastrophes. Les trois prochaines années pourront voir l’émergence et le développement d’une coopération numérique pragmatique pour mieux répondre concrètement aux besoins fondamentaux et prioritaires des populations d’Afrique et de Chine.

 
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