Industrie pharmaceutique

Agence africaine du médicament. Bataille fratricide entre le Maroc, l’Algérie et la Tunisie

Rude bataille entre le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. Chacun des trois pays maghrébins tient coûte que coûte à héberger le siège permanent de la future Agence africaine de médicaments (AMA), un nouvel organe de l’Union Africaine (UA). Des enjeux énormes.

La question de l’attribution du siège permanent de l’Agence africaine de médicaments devrait être tranchée lors du prochain sommet de l’Union Africaine qui se déroulera d’ici le début de l’année prochaine. En attendant, la future localisation du siège de l’AMA fait l’objet de convoitises. Le jeu en vaut la chandelle. Projet conjoint de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de l’UA, l’AMA dont l’idée remonte à 2009, a finalement été créée en novembre 2021. Mis en place selon le modèle de l’Agence européenne du médicament (EMA), cet instrument sera en charge d’harmonisation et d’alignement des réglementations dans tout le continent, ce qui devrait faciliter les procédures d’exportation de produits pharmaceutiques.

Du temps de la pandémie de la Covid-19, sans agence, l’Afrique ne disposait pas d’une force de frappe pour négocier l’achat groupé de vaccins en mettant sur la table les besoins spécifiques des pays africains pour que personne ne soit laissé sur le carreau. Il a fallu que l’UA gère en direct les achats de vaccin, notamment dans le cadre de l’initiative Covax. Et même là encore, comment et pour quelle quantité ?

L’AMA, c’est donc une bonne nouvelle pour les 1,216 milliard d’Africains pour qui les dépenses de santé représentent parfois jusqu’à 60% des revenus et qui ont du mal à accéder à des médicaments de qualité, selon la Banque mondiale. Mais c’est aussi une aubaine pour les industriels du médicament qui peuvent y voir une opportunité de croissance de leurs revenus.

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Le continent africain ne représente pas moins de 3% du marché pharmaceutique mondial, avec seulement 400 fabricants de médicaments recensés environ, principalement en Afrique du Sud, au Maroc, en Egypte et Tunisie. Ces quatre pays concentrent plus de 70 % de la production. Des chiffres dont ces Etats peuvent se prévaloir pour faire valoir leur légitimité à accueillir l’AMA censée assurer l’autonomie pharmaceutique continentale. Il faut dire, que les pays africains sont contraints aujourd’hui, d’importer plus de 80% de leurs besoins en médicaments. Mais pour les pays en lice pour accueillir le siège permanent de la future Agence africaine de médicaments, outre le côté prestige, cela donnerait sans nul doute un sérieux coup de pouce à leur diplomatie sanitaire.

Pour le Maroc, ce nouvel organe de l’Union Africaine est surtout l’occasion pour s’imposer dans un marché porteur. Son industrie pharmaceutique a réalisé en 2019 un chiffre d’affaires de 16 milliards de DH pour un volume en termes d’unités de plus de 400 millions. Elle exporte entre 11 et 12% de sa production locale.

Premier à manifester son intérêt pour héberger le siège de l’Agence, le Maroc, à travers son ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a saisi l’opportunité de la présentation du rapport d’étape relatif à la ratification du traité instituant l’AMA, lors de la 40ème session ordinaire du Conseil exécutif de l’Union africaine, tenue le 3 février dernier à Addis-Abeba en Ethiopie, pour indiquer que le Royaume, « est disposé à abriter le siège de l’AMA et à développer des projets de partenariat Sud-Sud avec le CDC-Afrique (Centres africains de contrôle et de prévention des maladies) ».

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Alliant l’acte à la parole, le Maroc ratifie le 5 avril 2022 au siège de l’UA à Addis-Abeba, le traité instituant l’AMA. « En tant que membre de l’Union africaine et leader régional de l’industrie pharmaceutique, notamment en termes d’infrastructures, de technologie et d’expériences acquises au fil des années, le Maroc reste très attaché à la haute qualité des médicaments et est conscient que la santé et la sécurité du citoyen africain passe par des produits médicinaux de qualité et des médicaments efficaces », commentait Mohamed Arrouchi, Ambassadeur, représentant permanent du royaume auprès de l’Union africaine et de la CEA-ONU.

A noter que déjà le 2 juin 2021, l’ancien Premier Chef du gouvernement marocain, Saadeddine El Otmani, avait, reçu à Rabat, Michel Sidibé, l’Envoyé spécial de l’Union Africaine pour l’Agence africaine du médicament, dans le cadre du processus de ratification par les États membres de l’UA du traité instituant l’AMA. El Otmani avait réitéré la disposition permanente du Maroc à s’engager et à soutenir les initiatives africaines de développement, y compris l’initiative de création de l’AMA, conformément à la politique africaine menée par le Royaume sous la conduite éclairée du Souverain.

Pour sa part, le Premier ministre algérien, Aïmene Benabderrahmane, qui a reçu, le mardi 29 mars 2022, l’Envoyé spécial de l’UA pour l’AMA, n’avait pas manqué aussi de faire savoir la volonté de son pays d’abriter l’agence continentale, soit près de deux mois après l’annonce de la candidature marocaine. Depuis, l’Algérie a officiellement soumis sa proposition d’accueillir le siège. Dans son argumentaire de l’envoyé spécial de l’UA, le ministre algérien de l’Industrie pharmaceutique, Abderrahmane Djamel Lotfi Benbahmed, a détaillé « l’ensemble des ressources institutionnelle, scientifique et règlementaire dont bénéficie l’Algérie, notamment l’existence d’une Agence nationale des produits pharmaceutique de par les missions qui lui sont attribuées, son organisation et vu son expérience dans la formation des cadres venus de divers pays du continent africain, apportera certainement une contribution considérable à l’AMA ».

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La Tunisie n’est pas en reste. Deux semaines après la visite de la délégation de l’Agence en Algérie, le 12 avril dernier, celle-ci s’est rendue à Tunis pour évaluer la disposition du pays à accueillir le siège de l’AMA. Kas Saïd, le Président tunisien, s’est fait le porte-voix de son pays : « Des ressources humaines jusqu’à la logistique, la Tunisie dispose de tous les atouts pour abriter l’Agence africaine du médicament (AMA) ».

La Tunisie a déposé, dans la foulée, son dossier de candidature à la Commission de l’Union africaine (UA) pour abriter le siège de l’Agence africaine de médicaments (AMA).    Le dossier a été présenté par le ministre de la Santé, Ali Maret, qui avait  également reçu la délégation de l’UA.

 Les pays du Maghreb ne sont pas seuls lice. Le Sénégal et l’Ouganda sont eux aussi dans la course et tiennent à abriter le siège de la très attendue Agence africaine du médicament. Pour l’heure, tous les postulants tentent de rallier le maximum de soutien. Le 12 mai dernier, par exemple, des entretiens ont eu lieu, à Rabat, entre le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Khaled Ait Taleb, et son homologue congolais, Gilbert Mokoki. Et à cette occasion, le ministre congolais a annoncé le soutien indéfectible au Royaume d’accueillir le siège de cette agence spécialisée de l’Union africaine.

En attendant, un rapport d’évaluation sera présenté avant la première réunion de la Conférence des États parties, prévue en juin prochain. La décision prise par cet organe sera soumise ensuite à l’Assemblée de l’UA. Officiellement, l’accord pour la mise en place de l’AMA est entré en vigueur le 5 novembre 2021, suite à sa ratification par une trentaine de membres de l’Union Africaine.

 
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