Portrait

Aïcha et Loubna Haddioui : Soeurs dans la vie, associées dans les affaires

Elles ont eu des parcours très différents, mais ces deux soeurs n’ont jamais cessé de se soutenir mutuellement pour parvenir à réussir dans l’entrepreunariat. L’une comme l’autre sont passées par la case: chef d’entreprise avant de lancer ensemble une chaîne de restaurants. 

Les plus belles success stories se réalisent souvent en famille. En tout cas, le parcours des soeurs Haddioui est de nature à confirmer cette affirmation. Avec un écart d’âge minime, elles auront grandi ensemble, partagé beaucoup de choses depuis longtemps et ont réussi à rester très proches l’une de l’autre. Ce qui ne les a pas empêchées d’évoluer chacune selon sa nature et ses penchants, pour se retrouver à un moment ou à un autre. L’une a choisi la profession paternelle, peut-être par prudence, comme le conseille l’adage “khdem herfet bouk la  yghelbouk” (adopte le métier de ton père, tu auras bien plus de chance de réussir), lorsque l’autre s’est laissée guider par ses passions. Bien entendu, l’une comme l’autre ont grandi ensemble, dans le même foyer, avec la même approche de la vie et le même terreau. Mais cela a pourtant produit deux jeunes femmes on ne peut plus différentes l’une de l’autre. Aïcha est une jeune femme pleine d’entrain. Une fashionita assumée, qui se laisse porter par ses passions. Sa soeur, Loubna, elle, est une femme plus stricte et moins happée par les mondanités. Le tandem est assez complémentaire, puisque l’une apporte à l’autre la fantaisie et la fraîcheur, avec sa robe longue et ses breloques, lorsque l’autre plus “corporate”, avec son jean et des sandales aux pieds.

Loubna a vu le jour en 1978, lorsque Aïcha est née en 1981. Ce sont les deux filles aînées  des quatre enfants d’un agro-industriel et d’une mère au foyer. Toutes deux s’éveillent à la vie à Casablanca, où elles grandiront. La capitale économique est encore une ville agréable à vivre, et où la marche à pied est un plaisir: “nous allions à l’école à pied. Chose qui, hélas, est inimaginable de nos jours pour nos enfants.” analyse promptement et avec regret,  Aïcha la soeur cadette. De leur propre aveu, les deux soeurs admettent avoir vécu dans un environnement protégé, et où les relations sociales étaient de qualité: “Il y avait une réelle vie de société dans le quartier de l’Oasis où nous vivions au début. A Gauthier, où nous avons déménagé plus tard, ce sera déjà différent. Mais autrement, nous vivions dans un cocon, entre l’école et la maison”, explique Loubna. Bien sûr, les deux jeunes filles ont des loisirs de leur âge, et de leur rang social. Elles pratiquent l’équitation et la danse et durant les vacances, la famille se rend à Marrakech. Le club de vacance “COS ONE” est alors presque un passage obligé et une destination qui réunit le tout Casablanca pendant les vacances de mi-trimestre. L’été, c’est la plage de Skhirat, qui est privilégiée, où les filles vont rejoindre leur grands parents, originaires de Rabat. Là, les journées sont pleinement occupées,  entre clubs de voile et les nombreux jeux, variés et spécifiques à l’estivage. Autre classique de l’époque: le voyage en Europe et particulièrement en Espagne et en France. Quant à la scolarité, on s’en doute, elles ont fréquenté les écoles de la mission. En somme, une enfance et une adolescence fort agréables, à l’image d’un long fleuve tranquille.  

Loin des yeux, jamais du coeur 

Dès que Loubna obtient son bac en 1996, elle s’envole pour Paris. Elle opte d’abord pour la Faculté des Sciences, mais le cursus ne la passionne pas. “J’ai appris le programme à la veille des examens. J’ai donc vite bifurqué pour des études d’agronomie. L’idée était de rejoindre l’entreprise de mon père, ce qui finalement ne s’est jamais fait”, analyse-t-elle toujours posément et sans jamais se départir d’un calme olympien. Loubna passe quatre années à l’école agronomique ISTOM, et Aïcha la rejoint en 2000. Loubna enchaîne les stages entre le Venezuela et Londres. Elles ne partageront pas vraiment leurs vies parisiennes : “nous nous croisions parfois le week-end, mais nous n’avons jamais partagé un appartement ensemble,” note Aïcha avec une pointe de regret dans la voix. A la fin de l’année, Loubna monte à Montpellier, où elle suit le cycle de l’Ecole Nationale Supérieure des Industries Agricoles pour deux années. Pendant ce temps, Aïcha prépare un BTS de commerce, au bout duquel elle intègre l’Institut Supérieur de la Mode: “chaque année, mon père conditionnait la poursuite de mes études au succès. Faute de quoi, je devais retourner au Maroc. Finalement, j’ai obtenu mon Bac+5 dans les temps impartis,” lance-t-elle, dans un rire jovial, et non sans une fierté affichée. 

Les deux soeurs entament  une première collaboration, le temps venu: Loubna a lancé une marque de cosmétiques à base d’huile d’Argan et Aïcha prend en charge le travail commercial, et sur le terrain. “Je passais mon temps dans les grandes surfaces à faire de la promotion et à donner des explications, par ci, par là. Mais je dois dire que la vente  proprement dite, n’est pas chose aisée. C’est d’ailleurs à cette occasion, que j’ai réalisé la puissance de l’image de marque et de la publicité. Comparativement à mon expérience dans la vente chez Prada, ça n’avait rien à voir”, poursuit Aïcha avec l’assentiment de sa soeur. Arrive 2006, quand Aïcha décide de rentrer au Maroc. Elle se lance alors comme directrice de mode dans des Féminins, pendant que Loubna poursuit sa carrière dans l’entreprenariat. Elle se plonge alors dans le tumulte de la vie casablancaise du milieu des années 2000. Elle tente alors sa propre affaire commerciale et lance une boutique: ”je m’étais rendu compte qu’il n’y avait pas de magasin de chaussures de marques dans le pays.” Sachant que la nature a horreur du vide, elle en prend acte et se lance à son propre compte. Les deux soeurs restent très proches et profitent des voyages d’approvisionnement de Aïcha à Milan pour se retrouver. Trois années plus tard, Aïcha vend son affaire. Nous sommes en 2010 lorsque Loubna décide de rentrer au pays. Aïcha a alors une idée: fonder une chaîne de restauration pour jeunes femmes modernes et dynamiques. Là encore, elle constate qu’il y a un manque sur le marché. Loubna décline d’abord l’offre d’association, avant que sa mère ne parvienne à la convaincre. Ce sont les débuts de Gossip. Depuis, la chaîne compte deux restaurants et un franchisé à Rabat.  Est ce le début d’une grande aventure qui n’est encore qu‘à ses premiers pas, mais déjà fort prometteur…? 

 
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