Interview

Ali Lahbabi, cofondateur de Kalima : «Le travail n’est pas censé être une punition que l’on s’impose pour obtenir un salaire à la fin du mois»

Nombreux sont ceux qui, à l’approche du retour au bureau après les vacances, se retrouvent avec la sensation d’avoir « la boule au ventre ». Un malaise que le cofondateur de Kalima, plateforme de cercles de parole et de masterclass de développement personnel, impute à trois grandes raisons. Les voici.

Challenge : Qu’est-ce qui pousse, selon vous, l’employé à appréhender le retour au bureau après les vacances ?

Ali Lahbabi : L’employé peut appréhender le retour au bureau et la reprise du travail pour trois grandes raisons que sont le stress positif, le retour à la réalité et l’environnement anxiogène. 

Le stress positif face à la reprise des activités professionnelles aide l’employé à se dépasser et à grandir. Dans ce cas, l’appréhension est faible. Elle est provoquée par le fait de penser aux actions qui nous attendent et aux objectifs personnels et professionnels que l’on veut atteindre. Le retour à la réalité du “bureau”, qu’il soit en physique ou en distanciel, signifie la fin des vacances et donc souvent la fin d’une période plus agréable ou plus simple que le travail. Ce retour est d’autant plus compliqué pour les personnes devant composer avec le travail à la maison et la gestion de la vie de famille, avec enfants et étudiants qui ne feront leur rentrée qu’en octobre prochain. 

La troisième raison, totalement négative cette fois-ci, vient d’un environnement de travail anxiogène qui met sous pression constante l’employé. Les causes peuvent être nombreuses dans ce cas là : un ou une manager qui manque de respect et qui agresse verbalement l’employé (cela arrive plus qu’on peut le croire malheureusement), un manque de reconnaissance, des membres d’équipe avec lesquels on ne s’entend pas ou encore une ambiance de travail basée sur la pression continue et la surcharge de missions. 

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Selon moi, le ressenti de l’employé la veille de sa reprise révèle un constat important : si l’appréhension est trop forte et n’évoque qu’une projection négative dans son travail, il faut que l’employé se pose de sérieuses questions et prépare un passage à l’action pour changer de cadre. 

Challenge : Peut-on avancer que le salarié est pleinement responsable de ce ressenti ou peut-on en incomber la responsabilité à l’employeur également ?

Ali Lahbabi : Pour répondre à cette question, je pars du principe que toute personne est responsable de ses actions et de ses choix. Si vous manquez d’épanouissement dans votre travail actuel et que vous vous levez tous les matins avec une boule au ventre, vous avez alors le devoir et le droit humain d’entamer immédiatement un plan d’action pour changer votre situation au court ou au moyen terme. 

J’ai bien conscience des difficultés et du défi que peuvent représenter un changement d’emploi ou un passage en auto-entrepreneur, surtout en ce moment après 18 mois de pandémie et avec toutes les conséquences économiques. Je pense tout de même que l’employé reste pleinement responsable du mal-être qu’il ressent au travail, notamment à la rentrée, car il a choisi d’occuper son emploi actuel. 

La santé mentale et le bien-être de chacun sont prioritaires. Je positionne la santé mentale au même niveau que la santé physique. L’environnement et les conditions de travail jouent beaucoup sur notre moral et la valeur que l’on se donne en tant qu’humain. Agir pour trouver le bon équilibre professionnel et se sentir épanoui dans son travail sont des nécessités selon moi. 

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D’autre part, l’employeur a bien sûr une grande responsabilité. Une entreprise qui ne veille pas au bien-être et à l’épanouissement de ses employés a peu de chances de réussite sur le long terme. Un employé est un humain et non une machine. Même si l’entreprise évolue avec les meilleurs processus de travail, les employés ne seront pas à leur meilleur niveau de productivité s’ils sont démotivés et frustrés au quotidien. C’est du bon sens. 

Ce point d’épanouissement au travail apparaît de façon plus marquée chez les jeunes actifs qui ont besoin de sens dans leur travail. Les employeurs qui veulent attirer les meilleurs talents ont intérêt à mettre en place un cadre de travail propice à l’épanouissement professionnel (transparence au sein de l’entreprise, des managers à l’écoute qui veillent à faire grandir leurs équipes, possibilité d’évolution et de formation, une mission d’entreprise claire et partagée, etc). 

Challenge : Quelles sont les solutions pour éviter « la boule au ventre et aucune envie de bosser après les vacances »?

Ali Lahbabi : Il suffirait d’aimer sincèrement son travail. Le travail n’est pas censé être une punition que l’on s’impose pour obtenir un salaire à la fin du mois. Ce n’est pas ma vision de la vie et je pense que chaque personne mérite le bonheur même professionnellement. 

Passer cinq jours par semaine à faire une activité qui apporte seulement du stress, de la frustration et de l’anxiété ne peut avoir qu’une seule conclusion : un sentiment de déprime (voire une dépression sur le long terme) et une boule au ventre continue. Et quand le moral n’est pas au beau fixe, la santé physique est, elle aussi, menacée. 

Une autre solution pour se sentir mieux au travail et dans son quotidien réside dans le pouvoir de la parole. Que ce soit grâce au soutien des proches ou avec l’aide d’un professionnel psychologue, libérer la frustration ressentie à travers la parole et partager les émotions négatives qui s’accumulent dans le corps et l’esprit sont des actions salvatrices.

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La santé mentale ne doit plus représenter un tabou dans notre société, surtout après les confinements que nous avons vécus et les restrictions qui nous sont encore imposées. J’ai le plaisir et la chance d’animer des groupes de parole depuis plus d’un an maintenant. Sans évoquer toutes les vertus de ces espaces d’échange et d’écoute, je peux tout de même affirmer que toutes les personnes qui ont parlé de leurs frustrations et problèmes au travail se sentaient beaucoup plus détendues et légères après leur prise de parole. 

Je recommanderai également d’essayer quelques techniques de relaxation qui calment cette boule au ventre et aident au retour au calme : hypnose, yoga, méditation ou toute activité sportive qui vous fait plaisir. Enfin, si le changement d’emploi n’est pas souhaité ou envisageable pour l’employé, il faut travailler sur sa gestion du stress en prenant du recul sur les situations professionnelles vécues afin que la confiance en soi ne soit pas touchée. Cette prise de recul permet notamment de se rappeler que notre vie ne se résume pas à notre travail et qu’il ne nous définit pas en tant qu’être humain. 

 
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