Interview

Amine Diouri : « La vaccination de la totalité de la population est un préalable à une reprise normale de l’activité des entreprises »

Le cabinet Inforisk vient de publier son rapport sur l’impact du Covid-19 sur les défaillances d’entreprises en 2020. Amine Diouri, Responsable Programme Inforisk Dun Trade, également Directeur Etudes & Communication chez Inforisk, nous livre les enseignements de ce rapport dans les moindres détails et partage aussi ses projections pour l’économie marocaine en 2021.

Challenge : Quels sont les principaux constats à tirer de ce nouveau rapport sur l’impact du COVID sur les entreprises marocaines ?

Amine Diouri : Plusieurs points sont à retenir, la plus importante étant que les défaillances 2020 auront baissé à un niveau jamais atteint auparavant : 6.612 défaillances représentant une diminution de 21% par rapport à 2019. Ce chiffre est bien évidemment paradoxal car jamais les entreprises n’auront autant souffert que durant la crise Covid. Autre conséquence de cette baisse historique : le ratio Créations/Défaillances s’améliore nettement en 2020. Ainsi, une entreprise créée couvrait sept défaillances, contre seulement 5 en 2019.

Lire aussi| Campagne de vaccination : le satisfécit de Khalid Ait Taleb

Challenge : Selon le rapport, les défaillances ont baissé en 2020, en pleine pandémie et crise économique. Quels sont les facteurs qui expliquent cela ? 

AD : Intuitivement, nous nous attendions à une hausse exceptionnelle des défaillances en 2020. Mais ce ne fut pas le cas. Cette anomalie n’est pas propre au Maroc, car en France, les défaillances sont en baisses de 40% ! Plusieurs explications à cela. Tout d’abord, l’activité réduite des tribunaux de commerce pendant quasiment 6 mois, entre mars et fin aout 2020. A partir de septembre, un « stock » de procédure a dû être rattrapé. D’autre part, les aides de l’Etat en 2020 (Damane, Indemnités CNSS, Reports de crédits) ont maintenu sous perfusion un grand nombre d’entreprises. Maintenant, ce n’est pas parce que les défaillances n’ont pas explosé en 2020, que les entreprises n’ont pas ressenti les effets de la crise Covid : baisse importante de leur CA en 2020, forte augmentation des retards de paiement. Pour survivre, elles ont dû s’adapter : réduction du temps de travail, télétravail, arrêt temporaire d’activité voire même licenciement, avec parfois des réductions drastiques d’effectifs.

Challenge : Quel sera l’impact de la vaccination anti-covid sur la vie des entreprises et de l’économie nationale à votre avis ? 

AD : La vaccination de la totalité de la population est un préalable à une reprise normale de l’activité économique des entreprises et à une accélération forte de la croissance de notre PIB (au-delà des 4% de croissance du PIB). La question n’est pas pour moi celle de son impact mais plutôt celle de la fin du calendrier vaccinal. Serait-ce à la fin du 1er semestre ou plutôt vers la fin du second semestre ? La réponse à cette question n’est pas évidente aujourd’hui. Il y a une course au vaccin à travers le monde. Les pays riches jouent sur leur poids géopolitique pour recevoir en premier leurs vaccins. Comment nous situerons-nous dans cette course ? Telle est la vraie question. 

Lire aussi| Le groupe Ozone Environnement & Services prend le large

Challenge : Quelles projections faites-vous sur 2021 en termes de défaillance d’entreprises vu la conjoncture actuelle ?

AD : 2021 sera une année difficile en termes de défaillances d’entreprises, avec un effet « Rattrapage » à l’œuvre. Plusieurs raisons expliquent cela. Tout d’abord, il y a toujours un fort niveau d’incertitude en ce début d’année sur l’évolution de l’activité en 2021, que ce soit sur le marché local ou sur les marchés extérieurs. Par ailleurs, cette année marquera la fin des aides directes de l’Etat aux entreprises, notamment avec l’arrêt de la distribution des crédits Damane Relance/TPE. Pire encore, elles vont devoir commencer à rembourser leurs anciennes dettes rééchelonnées ou des nouveaux crédits Damane contractés en 2020. En clair, la perfusion sera enlevée et beaucoup d’entreprises sentiront les effets sur leur trésorerie, déjà mise à mal par la crise du Covid-19. Pour rappel, selon la dernière étude du HCP, près de 50% des entreprises ont moins de un mois de trésorerie.

 
Article précédent

UM6P : l’Africa Business School accueille la 5ème promotion de son Executive MBA

Article suivant

Marché des voitures neuves : bon démarrage des ventes à fin janvier