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Appel à la vigilance de la France : comment la destination Maroc se mobilise

Tourisme. Les nombreux appels répétés du Quai d’Orsay aux ressortissants français à faire preuve d’une « vigilance accrue » dans une quarantaine de pays dont le Maroc, a entrainé la panique de nombreux touristes. Mais face à la communication catastrophique du ministère français des Affaires étrangères, quelle stratégie de communication le Maroc a-t-il mis en branle pour sauvegarder ses parts de marché ? par Adama Sylla

L’appel de la France, émettrice de près du tiers des touristes vers le Maroc,  à une vigilance accrue dans une quarantaine de pays dans lesquels le Quai d’Orsay appelle à une «vigilance renforcée»,  a provoqué la panique de nombreux touristes. Depuis, cet appel a fait les gros titres de la presse française. Gros problème, à défaut de cartes ou d’informations complémentaires du Quai d’Orsay, certains sites d’information ont alors composé leur propre infographie. Sans pour autant faire de distinction entre les risques associés à un pays et une vigilance individuelle à adopter. Ainsi, l’ensemble du Maghreb, mais aussi tout le Moyen-Orient se sont retrouvés colorés en rouge, signifiant dans la cartographie du risque du Quai d’Orsay «formellement déconseillé». Résultat des courses : toutes les destinations qui, a priori, ne constituaient pas de risque, ont commencé à être touchées. C’est le cas du Maroc, de la Tunisie mais aussi de la Turquie. «La communication du Quai d’Orsay a été si mauvaise qu’il y a eu confusion entre vigilance et interdiction de se rendre dans ces pays », déplore René-Marc Chikli, président du Syndicat français des tour-opérateurs Seto. Idem pour le Syndicat des agents de voyage français (Snav) qui dénonce une communication excessivement alarmiste du ministère français des Affaires étrangères, ainsi qu’une mauvaise interprétation des médias. En effet, l’appel à la vigilance «renforcée» du Quai d’Orsay a eu un très mauvais impact auprès de l’industrie du voyage française, qui est montée au front pour critiquer leur propre ministère du Tourisme français et réclamer de traiter le Maroc sur un chapitre plus rassurant et plus proche de la réalité du terrain. Les tours opérateurs (TO) qui ont souffert sur la Tunisie et l’Egypte positionnaient le Maroc comme une alternative de voyage crédible et sécurisante. Le fait d’amalgamer le Maroc les mettait dans une situation de crise économique au moment où le marché français avait besoin de croissance et de reprise. Leur mobilisation pour rétablir la vérité sur la destination Maroc a été rapide, au moment où le Maroc faisait l’objet d’évènement majeur en France à l’Institut du monde arabe.

Aujourd’hui, reconnaissant son erreur et pour éviter tout amalgame, le département français des Affaires étrangères a publié ses propres cartes avec notamment, trois codes de couleurs. Le vert, minoritaire, correspond à une vigilance normale, soit aucun risque spécifique. Il s’agit notamment du Maroc, du Qatar, du Koweït, ou des Émirats arabes unis. Vient ensuite le jaune, invitant à une vigilance renforcée : des pays qui comprennent certains risques, mais qui ne constituent pas un frein au tourisme. C’est le cas de la majorité de la Tunisie, de l’Arabie saoudite, du Sénégal, du Cameroun ou d’une partie de l’Égypte. Avec le code orange, le Quai d’Orsay déconseille tout déplacement dans ces pays, sauf pour raison familiale ou professionnelle. Dans ce lot, on retrouve le nord de l’Algérie, une partie de l’ouest et du nord de l’Égypte, l’Iran, la République démocratique du Congo, ou encore le Tchad. Vient enfin le rouge, pour les pays où les déplacements sont formellement déconseillés, soit une grande partie de la bande sahélo-saharienne (sud de l’Algérie, Libye, une grande partie du Mali, de la Mauritanie, le Sinaï égyptien, mais aussi le Nigeria ou le Yémen).
Mais face à cette communication catastrophique du ministère français des Affaires étrangères, quelle stratégie de communication le Maroc a-t-il mis en branle pour sauvegarder les parts de marché de son secteur du tourisme ? «Dès le début, nous avons mis en place avec nos partenaires de la Confédération Nationale du Tourisme (CNT) une cellule de veille » afin de suivre et d’évaluer en temps réel les tendances des marchés touristiques. Dans ce sens, nous avons entrepris des actions de lobbying et de sensibilisation auprès des leaders d’opinion et des médias internationaux (interview dans la presse écrite ou dans les médias audiovisuels), explique Lahcen Haddad, ministre du Tourisme. Il faut dire que le Royaume s’est mobilisé rapidement dans un premier temps par la montée au front de Abderrafie Zouiten, directeur général de l’ONMT, du ministre du Tourisme et ensuite rejoint par  Mohamed Hassad, ministre de l’Intérieur, expliquant et montrant que la destination ne souffre pas de cet amalgame du ministère des Affaires étrangères français mais bien au contraire, reçoit les Français selon le même rythme et voit les autres marchés européens augmenter la cadence.
Au-delà, le département du Tourisme n’a pas lésiné sur les moyens pour mettre à contribution la diplomatie marocaine. «Nous avons également mené des contacts à travers notre canal diplomatique notamment, avec le gouvernement français  et le gouvernement  Suisse  pour revoir le niveau de vigilance conformément à la réalité sécuritaire du Maroc, où la sécurité aussi bien des citoyens que des visiteurs est garantie », souligne Lahcen Haddad. Et ce n’est pas fini. Parallèlement, les délégations de l’ONMT  à l’étranger ont programmé des actions de communication à travers des évènements  et des actions de relations publiques (réseaux de distribution, médias, grand public…) afin de confirmer la stabilité du Maroc et d’informer sur la sécurité garantie aussi bien de ses citoyens que de ses visiteurs. « Nous allons continuer à véhiculer l’image positive  d’un Maroc  stable qui attire toujours les  touristes, et c’est dans cet esprit que s’inscrit ma participation prochainement au WTM à Londres et au sommet ministériel de l’OMT qui aura lieu le 4 novembre », lance le ministre du Tourisme avec beaucoup d’optimisme.
Sur le terrain également, les professionnels du tourisme confirment que l’activité est sereine et que les prévisions pour les fêtes de fin d’année sont bonnes et de multi nationalités. Si on assiste à un léger repli des dossiers auprès des tours opérateurs classiques, les ventes sur internet continuent leur trend à 2 chiffres et montrent clairement que la confiance directe, notamment le  BtoC est à un niveau important.
Le relais des nombreux français installés au Maroc confirme toute la quiétude et le charme qui marquent les destinations marocaines importantes comme Marrakech et Agadir, ou plutôt intimistes comme Essaouira ou Fès et Tanger. « Les français en visite au Maroc sont heureux, le pays vit comme à son accoutumée dans l’hospitalité, l’art de recevoir et de partager. Si le Maroc a pris des mesures de vigilance, le monde entier et la France restent en vigilance », analyse cet hôtelier marocain. Dans ce sens, le ministre de l’Intérieur n’a-t-il pas précisé que « l’échelle des risques en France devrait être mesurée de nouveau et que le Maroc faisait souvent un travail plus efficace et plus discret en matière de sécurité ».

 
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