Enseignement

Assurance scolaire : à quand la fin des abus ?

La question divise tant les frais annexes à la scolarité qui n’ont pas cessé d’augmenter au fil des années. Et la dernière sortie du Ministère de l’Education nationale, qui exige des écoles une « totale transparence » sur l’assurance scolaire, vient donner un coup de pied dans la fourmilière.

Elle sonne comme un reproche face à l’opacité sur la question. Les associations de parents d’élèves, souvent molles à la détente, sauront-elles cette fois-ci saisir la balle au rebond et mettre un terme à des pratiques anti-éthiques qui perdurent depuis trop longtemps ? Le sujet n’est pas nouveau, et traîne en longueur depuis des années. Il resurgit à chaque rentrée scolaire. Malgré le tollé que suscite le paiement des frais d’inscription, de réinscription et de scolarité chaque année, le soufflet retombe systématiquement une fois que cette période stressante pour les parents passe. C’est que les établissements privés sont coutumiers du fait ; ils savent qu’il faut juste serrer les dents durant cette période, et ils auront la tranquillité pour le reste des 9 à 10 mois. Sauf cette année où le coronavirus, qui a assombri les perspectives de nombre de parents, les a rendus, peut-être, un peu plus regardants sur les frais, notamment ceux de l’assurance (!).

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D’abord, l’aberration que constitue la disparité inexpliquée entre les frais d’assurance pratiqués par les écoles privées marocaines face à leurs homologues étrangères est devenue insoutenable. Plus de 1.000 dirhams chez les Marocains contre 100 à 200 dirhams maximum dans les écoles étrangères. Mais les 1.000 dirhams sont largement inférieurs à des pratiques relevées ici et là depuis des années. En septembre 2015 déjà, notre confrère L’Économiste relevait les complaintes de nombre de parents d’élèves. « L’un des abus dont sont victimes les parents concerne le montant de l’assurance. Un contrat d’assurance responsabilité civile scolaire peut être facturé par une école privée à 3.000 DH. Pourtant, l’assurance démarre à 20 DH et peut aller à 150 DH selon les garanties demandées. L’écrasante majorité des parents d’élèves ignorent tout de ces garanties », écrivait le quotidien. Et de continuer, « il y a quelques années, certaines écoles souscrivaient des contrats d’assurance pour un nombre d’élèves limité, mais faisaient quand même payer tous les parents. Le ministère de l’Education s’est rendu compte de ces dérives. Désormais, les délégations régionales réclament aux écoles privées des listes nominatives avec une copie du contrat d’assurance avant d’inscrire les élèves dans le programme Massar ».

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Source de revenus complémentaires

Le tout sans que les parents d’élèves, à qui le droit est accordé de réclamer aux écoles une copie du contrat d’assurance souscrit pour en connaître les garanties, les exclusions, le montant des indemnités, ne lèvent le petit doigt, au-delà des complaintes “habituelles“.

Ensuite, et en réalité, les frais d’assurance ne dépasseraient pas les 100 dirhams, tout au plus 150 dirhams quelle que soit l’option choisie. « La prime d’assurance par tête varie entre 50 à 70 dirhams en moyenne pour une RC scolaire (responsabilité civile). Tout dépend de l’option choisie ; mais quelle que soit l’option, la prime d’assurance devrait tout au plus être de 100 dirhams » concède Anouar Himdi, directeur du groupe scolaire Anouar. Mais insiste-t-il, « il y a une confusion générale sur les termes au Maroc. On appelle frais d’assurance ce qui est en réalité des frais d’inscription ou de réinscription. C’est ce qui fait croire que les frais d’assurance reviennent trop cher ». Pourtant la question demeure : pourquoi les établissements privés marocains facturent-ils aux parents 10 fois, 20 fois plus que ce qu’ils paient aux compagnies d’assurance. Pour un courtier, cette pratique qui dure depuis de longues années n’a pour unique but que de remplir les poches des dirigeants de ces établissements. « L’assurance constitue pour nombre d’établissements une autre source de revenus. À 100 voire 200 dirhams, on est encore dans des prix raisonnables », explique celui-ci qui a requis l’anonymat. Un courtier n’étant concerné que par la collecte des primes à reverser à la compagnie d’assurance et de la documentation nécessaire à la formation du contrat d’assurance, « il n’a aucun droit de regard sur la relation qui lie l’établissement aux parents d’élèves, et ne peut donc intervenir dans cette relation », continue-t-il. Mais le constat est clair : la surfacturation est de mise dans le secteur, saignant un peu plus les parents d’élèves. Sans oublier que d’autres assurances (transport, RC extra-scolaire) sont bien évidemment transférées à la charge des parents.

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La protection de consommateurs défaillante

Face à cette cacophonie, le Ministère de l’Education nationale, en tapant du poing sur la table, va-t-il réussir cette année à changer la donne ? À voir à quel point les habitudes se sont encrassées, réussira-t-il à faire bouger les lignes ? Et par quels moyens de contrôle ? Car si les intentions sont bonnes, la matérialisation constitue souvent le point d’achoppement de ces mesures. Et si les associations de consommateurs ont peu de poids, l’un des maillons qui devrait être à la pointe de cette charge pour la transparence devait être les associations de parents d’élèves. Malheureusement, celles-ci sont aussi souvent inefficaces voire non reconnues par certaines écoles. Le courtier déplore cette mollesse dans leurs actions. « Je suis parent d’élève et mon constat est que les parents ne s’impliquent pas dans les associations pour faire bouger les choses. On a l’impression, hélas, que ceux-ci sont de grands enfants qui attendent que tout se fasse pour eux mais sans eux » explique-t-il.

Quant aux frais d’inscription qui ne cessent d’augmenter, les écoles se défendent en arguant que les charges courent sur 12 mois alors que les rentrées d’argent ne concernent que 9 à 10 mois sur 12. « Les écoles imposent des droits d’inscription pour financer les charges salariales de leur personnel enseignant et administratif pendant les mois de juillet et août où elles n’ont pas de recettes. L’objectif étant de pouvoir les garder pour la rentrée », expliquait Mustapha Ghafiri, président de l’Association nationale des écoles privées chez un confrère.

2020 marquera-t-elle une année de rupture dans ces habitudes ? Cela reste à voir…

 
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