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Atlantic Dialogues, penser la convergence et la coopération transatlantiques

En partenariat avec le German Marshall Fund des Etats-Unis ( GMF), OCP Policy Center a organisé, à Marrakech du 24 au 26 Octobre, la 3ème édition des Dialogues de l’Atlantique. Unique du genre, ce forum apolitique a vu la participation de plus de 400 décideurs de sphères différentes, politiques, chefs d’entreprises et société civile d’Afrique, des Amériques, des Caraïbes et de l’Europe. L’ambition affichée est de créer, à travers des débats ouverts, des canaux d’échange et de concertation entre les deux rives de l’Atlantique. par A. ALAMI

Le programme de cette édition d’Atlantic Dialogues était intimement lié aux problèmes majeurs qui préoccupent le monde d’aujourd’hui. Si des thématiques comme celles de la croissance, l’investissement privé, l’agriculture et la sécurité alimentaire, le transfert de technologies entre pays avancés et pays émergents ou la nouvelle donne énergétique, ont retenu l’attention des panélistes, les enjeux de l’insécurité ambiante, liés aux problèmes du terrorisme, et le phénomène des changements climatiques ont pesé lourd dans les débats. Les interventions de différentes personnalités présentes étaient unanimes pour affirmer, que dans un monde interconnecté, l’approche et les solutions doivent être conçues dans un cadre globalisé.

Un dialogue intergénérationnel

Le rendez-vous annuel d’Atlantic Dialogues, s’il a vu la participation de personnalités publiques et privées de haut niveau, il a aussi, été marqué par la présence d’une soixantaine de jeunes de 28 pays pour débattre des préoccupations propres à cette population, très largement intéressée à toutes les thématiques débattues à cette occasion. N’est-ce pas, comme l’affirme M. Karim El Aynaoui, Directeur Général d’OCP Policy Center, dans l’interview ci-contre, que «  les jeunes sont les relais de demain, ils doivent pouvoir se parler, créer des canaux de discussion souples et se projeter sur l’avenir ». Sauf que leur présent et leur avenir sont loin d’être réjouissants.
Plusieurs intervenants n’ont pas manqué de souligner que le chômage, la pauvreté et l’état de précarité qui affectent les jeunes ne sont pas étrangers aux phénomènes de l’intégrisme, du terrorisme et de la criminalité et sont, comme l’a rappelé M. Ivan Vejvoda, vice Président du GMF, « sur les plats de tous les gouvernements et toutes les sociétés ».
M. Olusegun Obasanjo, ancien Président de la République du Nigéria a brossé un tableau plus sombre sur la détresse des jeunes Africains en affirmant que «les jeunes de l’Afrique sont mécontents, frustrés et déniés par leurs dirigeants. 60% d’entre eux sont au chômage et la majorité est inemployable, car ne disposant pas de compétences suffisantes». Cette situation est aggravée par une mauvaise gouvernance dans leurs pays, gangréner par la corruption des gouvernants. Le même constat amer est, relevé dans le témoignage de Mme Toure sur son expérience en tant que première femme Premier ministre de son pays de 2013 à 2014, période durant laquelle elle s’est concentrée sur la lutte contre la corruption. « C’est un processus continu qui ne pourra jamais être interrompu. L’essentiel c’est de se lancer », a-t-elle souligné.
De même que le phénomène de l’émigration clandestine des jeunes Africains vers « l’Eldorado » Européen avec ses conséquences dramatiques en termes de pertes humaines, est une résultante de ce constat.
Lutter contre l’obscurantisme, comme l’a prôné M. Miguel Angel Moratinos, ancien Ministre des Affaires Etrangères d’Espagne, éviter l’émigration clandestine passent par ce dialogue intergénérationnel, mais surtout par la création des conditions de l’emploi des jeunes. L’assistance des pays avancés à cette politique est une nécessité absolue. Youssef Amrani, chargé de mission au Cabinet Royal, a plaidé, à juste titre, pour « une dimension humaine de la coopération ».

Le nouveau défi de la sécurité sanitaire

Le panel spécial consacré à cette problématique a traité exclusivement du virus Ebola qui a bouleversé les programmes, non seulement des organismes internationaux spécialisés, mais aussi des gouvernements compte tenu de la dangerosité du virus et de sa propagation face à l’impuissance des acteurs en présence pour y trouver un remède. Devant les 10 000 cas avérés de personnes atteintes par le virus et plus de 5000 morts, l’urgence pour une coopération internationale s’avère une impérieuse nécessité. Mais, pour les participants à ce panel, composé principalement d’éminents médecins spécialistes à travers le monde, dont certains travaillent déjà dans des pays touchés par Ebola, plusieurs questions sont restées sans réponse. Comment gérer, de façon pragmatique, une épidémie aussi mortelle ? Pourquoi n’a-t-on pas anticipé dans la recherche des solutions et avons riposté avec tant de retard ? D’une manière anecdotique mais sur un ton sévère, un intervenant Africain a interpellé les politiques présents : «comment, en pleine crise financière mondiale, avez-vous trouvé des milliards pour sauver la Grèce et des banques internationales et pas pour la Guinée Bissau en proie à Ebola ? La communauté internationale aurait- elle réagi si elle ne sentait pas que le risque menacerait les pays de l’Ouest ?».
Même si certains décideurs ont affiché leur optimisme pour l’avenir face à une expansion exponentielle de ce virus, du fait des efforts déployés, aujourd’hui, pour limiter sa propagation (selon le représentant de Médecins Sans Frontières, 370 personnes de MSF travaillent sur place dans les pays touchés par l’épidémie en plus de 3500 locaux), la fragilité du secteur de la santé publique dans les pays Africains, le manque d’infrastructures et de compétences, en plus de la pénurie des moyens de financement qui est le nerf de la guerre , jettent le doute et le manque de visibilité quant à une action concrète et concertée pour éradiquer ce virus.
En tout cas, il s’agit là d’un défi à relever par l’ensemble de la communauté internationale. Atlantic Dialogues était une occasion pour mettre cette coopération mondiale à rude épreuve. Pour le présent, les actions de prévention et de traitement devraient être réalisées «en fonction des besoins dont disposent ces gens et non en fonction de leurs moyens ». Dans l’avenir, les participants à ce panel ont appelé à la mise en place de systèmes d’alerte pour anticiper ce genre d’épidémies.

A la recherche d’une dynamique de croissance au sein du bassin Atlantique

L’ambition d’Atlantic Dialogues visant le développement d’un partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement, suppose un engagement déterminé et une réelle volonté politique de la part des parties prenantes. Pour y parvenir, plusieurs défis sont à relever face à une situation économique caractérisée par l’atonie de la croissance dans la plupart des pays avancés. L’instauration d’une plateforme de coopération suppose d’instaurer des relations d’échange basées sur la confiance mutuelle. M. Moratinos a insisté sur l’importance de la connectivité dans le renforcement des relations entre Etats. « Dans le monde d’aujourd’hui, il est impossible de diviser le monde entre Nord, Sud, Est et Ouest. Nous devons de ce fait, surmonter les barrières du passé et comprendre que soit nous vivons dans un monde globalisé, soit nous allons continuer à vivre les difficultés actuelles que nous connaissons ».
Les enjeux de la sécurité alimentaire, les nouvelles donnes énergétiques et la combinaison technologie/énergie ont été au cœur des débats du forum et constituent des défis majeurs nécessitant une vision stratégique intégrée.

 
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