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Au cœur de la future architecture de la finance islamique

C’est à l’occasion d’une conférence de presse organisée, le 7 octobre par l’Université Paris Dauphine, en partenariat avec le cabinet Fidaroc Grant Thornthon, pour le lancement de l’Executive Master principes et pratiques de la finance islamique, que les représentants des autorités de régulation des banques et des entreprises d’assurances ont dévoilé l’architecture retenue pour les institutions participatives, ainsi que l’échéancier prévu pour le démarrage opérationnel de leurs activités.
par  Abdelfettah Alami

Présentée comme une alternative au système financier mondial, frappé par une crise éthique après la crise économique et financière de 2008, la finance islamique est, aujourd’hui, une industrie en pleine croissance. Ses actifs ont enregistré, depuis 2007, une croissance moyenne de 17% pour atteindre un montant total de 2 trillions de $ en 2014, dont 80% représentent les actifs bancaires et à peine 1% revient à l’assurance Takaful. A noter, que ce marché demeure géographiquement très concentré autour de 2 hubs, les pays du Golfe et la Malaisie qui monopolisent respectivement 72% et 23%. Le nombre des institutions financières « halal » a dépassé 600 établissements, opérant dans 75 pays à travers le monde.
Au Maroc, le potentiel de ce secteur parait très porteur. Selon certaines projections réalisées par Thomsom Reuters, en collaboration avec l’Institut islamique de recherche et de formation, les actifs financiers islamiques devraient peser entre 5,2 et 8,6 milliards de dollars en 2018. C’est ce qui explique l’engouement des banques et entreprises d’assurances pour cette industrie, mais aussi l’activisme sans précédent des autorités de supervision pour mettre en place le cadre légal et les circulaires d’application pour organiser cette activité.

Les banques participatives, opérationnelles au 2ème trimestre 2016 avec des difficultés en perspective

Pour le secteur bancaire, le processus semble définitivement enclenché, même s’il a enregistré à ses débuts un grand retard, puisque selon Lhassane Benhalima, Directeur de la Supervision Bancaire à Bank Al-Maghrib, les travaux préparatoires ont commencé depuis 2004 avec la mise en place des contrats « halal » Mourabaha, commercialisés par certaines banques conventionnelles. Cette première expérience embryonnaire a révélé trois difficultés majeures qui restent, à ce jour, en suspens et auxquelles la Banque centrale se mobilise pour les résoudre avec les partenaires concernés, car elles risquent d’hypothéquer la viabilité même du système. La première, concerne l’inadéquation du régime fiscal réservé aux produits Mourabaha et qui a eu pour conséquence défavorable leur renchérissement par rapport aux contrats classiques. La seconde, touche une question récurrente, mais « existentielle » pour les futures banques participatives, celle d’un refinancement conforme à la Chariâa. Même si, sur ce point, ces banques pourraient, d’après M.Benhalima, créer entre elles un marché où elles trouveraient ce refinancement, un autre instrument serait envisagé et qui s’est largement développé dans les pays où cette activité connait un grand dynamisme, est celui des Sukuks, marché obligataire islamique permettant une meilleure diversification des sources de refinancement. Enfin, troisième difficulté mais qui a trouvé, aujourd’hui, une issue favorable, celle d’une instance de « labellisation » des contrats islamiques. En effet, conformément à la constitution, c’est le Conseil Supérieur des Oulémas qui sera seul habilité, à travers un comité Chariâa spécialisé qui vient d’être créé, à se prononcer sur la conformité des produits à commercialiser avec les préceptes de l’Islam. Les préparatifs au niveau de Bank Al-Maghrib vont bon train. Des dizaines de circulaires d’application sont en cours de préparation, dont celle des conditions d’agrément déjà sorti. Selon le Directeur de la Supervision bancaire, 17 demandes d’agrément sont déjà déposées sur le bureau du Gouverneur de la Banque centrale. Les agréments pour les banques participatives seraient délivrés dès le 1er trimestre 2016 et leur activité serait effective à partir du 2ème trimestre de la même année.
En coulisses, on apprend qu’à côté des banques marocaines qui s’apprêtent à lancer des filiales dédiées à la finance islamique, plusieurs banques islamiques originaires des pays du Golfe, Al Barak Bank (Bahreïn), la Banque d’investissement du Koweït et la Banque nationale du Qatar, figurent parmi ces banques qui auraient déposé des demandes d’agrément.      

L’assurance Takaful, une cadence plus lente

Même si l’autorité de tutelle au ministère de l’Economie et des Finances- la DAPS- a affiché un grand volontarisme pour la mise en place des assurances islamiques «Takaful » en préparant  le cadre juridique de ce système par le biais du projet de loi No 059-13  modifiant et complétant la loi N° 17-99 portant code des assurances, ce nouveau cadre légal, adopté en Conseil de gouvernement le 14 mai peine à sortir du circuit législatif, en dépit du fait que cette réforme permettrait au secteur de franchir un palier supplémentaire dans son développement estimé par les analystes à 2 ou 3 points supplémentaires. Toutefois, l’architecture institutionnelle générale est déjà tracée. S’agissant de la forme dans laquelle devraient opérer les entreprises d’assurances, le législateur marocain a opté pour le système «full Takaful » c’est-à-dire des entreprises spécialisées dont l’activité est exclusivement dédiée à la gestion de ce type de garanties. Selon
Othmane El Alamy, adjoint au Directeur des Assurances et de la Prévoyance Sociale, les agréments seront accordés « dans un 1er temps uniquement pour les assurances de personnes, même si cela n’apparait pas clairement dans la loi ». Le projet de loi précité pose donc le principe de la spécialisation de l’entreprise d’assurance Takaful,  qui ne peut être agréé pour d’autres opérations de l’assurance. En contrepartie, l’entreprise gestionnaire perçoit une rémunération dont le mode doit être indiqué dans le contrat d’assurance Takaful ou à défaut, fixé par l’administration.
En principe, puisque l’activité d’assurance ne peut être source de profit pour la société gestionnaire, son compte d’exploitation doit être équilibré. En cas de déficit, le projet de loi prévoit la possibilité pour celle-ci de le combler par des avances sans intérêts, avances qui sont récupérables sur des excédents futurs de gestion. S’il existe en fin d’exercice des excédents, ils «  sont entièrement répartis  entre les participants après déduction, le cas échéant, des avances Takaful. La répartition de ces excédents techniques et financiers ne peut avoir lieu qu’après constitution des différentes provisions et réserves ». n

 
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