Entrepreneuriat

Auto-entrepreneurs : les oubliés de la relance économique

Statut fragile, nombre et chiffre d’affaires en dessous des projections à son lancement, introuvable dans le projet de loi de finances et invisible dans le paysage économique, le statut d’auto-entrepreneur est à peine la cinquième roue du carrosse économique national. Et pour les étrangers qui ont opté pour cette forme d’entreprise, le statut leur est devenu un goulot d’étranglement pour renouveler leur titre de séjour.

Ignorés par les lois de finances (rectificative et le PLF2021), les auto-entrepreneurs continuent de tirer le diable par la queue, et ne semblent pas voir le bout du tunnel d’aussitôt. C’est simplement que leurs préoccupations ne trouvent pas écho auprès des décideurs, et qu’il a fallu batailler pour que, dans un second temps, ce statut soit aussi éligible au crédit « Damane Oxygène » durant les mois de confinement. Autant dire que les auto-entrepreneurs n’ont pas la cote auprès des autorités. Il faut dire que le statut est encore récent et ne date que de quelques petites années, mais les difficultés qu’il rencontre s’accroissent. Officiellement, le pays comptait plus de 230.000 adhérents à fin juin 2020. C’est ce qu’avait affirmé Maroc PME dans le communiqué sanctionnant son Conseil d’Administration en juillet dernier. Le nombre des autoentrepreneurs s’était établi à 130.000 inscrits à fin 2019 (+60%) et à 233.656 à fin juin 2020. Malgré ces chiffres, le nombre d’autoentrepreneurs et le chiffre d’affaires attendu de leurs activités restent loin des prévisions de ceux qui ont milité pour la mise en place du statut en 2015.

Promus par les officiels, non-reconnus par des administrations

« On n’a pas de statistiques, pas de visibilité sur le statut », reconnaît Zakaria Fahim, président de l’Union des auto-entrepreneurs. Et d’ajouter, « Le nombre d’inscrits et les réalisations des auto-entrepreneurs n’avancent pas aussi vite qu’on le voulait. On est loin de la cible visée, en retard par rapport aux objectifs qu’on s’était fixés ». Selon le bilan d’activité publié par Maroc PME fin mars 2019, le chiffre d’affaires généré par les 99.256 inscrits au statut à l’époque s’élevait à 648 millions de dirhams pour 11,5 millions de recettes fiscales. Mais au-delà des statistiques, le statut souffre de méconnaissance et de non-reconnaissance, même au sein des administrations.

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Alors même qu’il est promu par les officiels, les auto-entrepreneurs continuent de voir leur statut d’entrepreneur peu valorisé, notamment dans certaines administrations où ce statut est tout simplement rejeté. À en croire certaines indiscrétions, le prix de leurs prestations est même parfois retiré des charges de l’entreprise. C’est le cas pour les subventions accordées au secteur des médias et de l’information où les lignes de charges salariales qui contiennent les prestations d’auto-entrepreneurs sont rejetées, au motif qu’ils ne sont pas des salariés. Un rejet qui entraine des incompréhensions quant au tapage qui est fait autour du statut et du refus qui lui est opposé dans la réalité. La situation se corse davantage lorsqu’il s’agit de résidents étrangers qui ont opté pour ce statut d’entrepreneur afin de faire valoir leurs compétences.

Carte de séjour : le refus catégorique des préfectures de considérer le statut

Nombre d’entre eux ont essuyé des refus de renouvellement de titre de séjour, au motif que le statut d’auto-entrepreneur ne leur permettait pas de renouveler leur titre de séjour. Situation inédite et confuse pour des opérateurs économiques qui ont accédé au statut en étant parfaitement en règle en matière de conditions de séjour dans le Royaume, et qui aujourd’hui se retrouvent sans titre de séjour, et donc sans résidence fiscale, pour continuer à exercer leurs activités. Certains de ces auto-entrepreneurs étrangers se seraient même vus conseiller dans les préfectures de police de changer de statut juridique en retournant au salariat (pour ceux qui l’ont quitté pour être autonomes) ou en se transformant en Société à responsabilité limitée afin d’être reçus et traités comme des acteurs économiques à part entière, dignes de ce nom. En clair, présenter soit un contrat de travail étranger, soit un Registre de Commerce et tous les documents afférents à ce statut juridique pour pouvoir bénéficier d’un renouvellement de titre de séjour. Et ce, sans qu’aucune vérification des seuils de chiffre d’affaires ait été faite au préalable, pour des gens qui n’aspirent qu’à apporter leur contribution à la relance économique du pays. Selon nos informations, plusieurs auto-entrepreneurs sont actuellement privés de titre de séjour par cette situation, quand bien même ils justifient de moyens de vie et disposent d’un flux de prestations et de revenus largement suffisants pour bénéficier d’un titre légal de séjour. Une situation qui complique l’exercice de leurs métiers et qui risque, si ce n’est déjà le cas, de compromettre leurs prestations auprès de leurs clients. Ceux-ci souhaitent que cet obstacle soit levé afin qu’ils soient à l’aise dans leur métier pour contribuer aux efforts de relance économique entrepris par le pays.

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Le président de l’Union des auto-entrepreneurs connaît le problème et propose de continuer le dialogue avec les autorités. « Il faut ressaisir le Ministère de l’Intérieur pour expliquer que le statut d’auto-entrepreneur est un statut à part entière qui est dispensé du Registre de Commerce et qui requiert à la place une inscription au Registre des Auto-Entrepreneurs », avance Zakaria Fahim. Le président de l’Union estime qu’ « il faut qu’il y ait une circulaire du Ministère adressée aux préfectures pour qu’ils reçoivent les auto-entrepreneurs comme tout entrepreneur. Nous devons faire un plaidoyer pour que cette circulaire passe afin que les auto-entrepreneurs (nationaux et étrangers) soient reçus dans les administrations comme de vrais entrepreneurs et non comme des pestiférés ». Car aux yeux de nombre d’administrations et de préfectures de police, ce statut ne constitue, notamment pour les étrangers qui ont opté pour cette forme d’entreprise, qu’une échappatoire, un statut d’appoint, loin des réels objectifs qui caractérisent ces prises de risques : entreprenariat, apprentissage de l’entreprenariat et volonté de grandir et de se transformer au fur et à mesure que le business prend de l’ampleur.

Pour essayer de trouver une solution à cette situation difficile et qui risque de devenir dramatique, des contacts auraient été noués avec les autorités de tutelle des auto-entrepreneurs pour réfléchir à une solution. Toutefois, le bout du tunnel semblerait encore loin, aucune solution concrète n’ayant été mise sur la table pour le moment. En attendant, le nombre d’auto-entrepreneurs étrangers dont le titre de séjour arrive à expiration ne cessera d’augmenter …

Salarié et auto-entrepreneur

Si au Maroc, il n’y a pas de statistiques précises, notamment sur le profil des auto-entrepreneurs, en France, la première population qui devient auto-entrepreneurs c’est des personnes qui ont déjà une activité principale ou un revenu principal. Ces personnes sont en général des étudiants, des salariés du privé ou encore les retraités pour avoir un complément de revenus. Suivent ceux qui désirent créer leur emploi et être indépendants. La micro-entreprise ou l’auto-entreprenariat représente donc leur activité principale. Enfin, viennent ceux qui passent par l’auto-entreprenariat ou la micro-entreprise pour démarrer leur activité entrepreneuriale et faire évoluer leur statut, profitant des avantages de la micro-entreprise jusqu’à dépassement des plafonds de revenus. La plupart sont des chômeurs ou des créateurs expérimentés. Le nombre d’auto-entrepreneurs en France est estimé à quelque 1,6 million de personnes.

 
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