Banques

Banques participatives : le défi de la formation

Même si toutes les dispositions ne sont pas encore prêtes, notamment la circulaire de Bank Al Maghrib qui devra fixer les règles du jeu, il n’empêche que les banques de la place s’activent d’ores et déjà pour être au rendez-vous. Mais, plusieurs questions se posent encore avec acuité, dont notamment celle de la formation. par Roland Amoussou

Les banques de la place n’attendent que le feu vert des autorités compétentes pour lancer leurs filiales dédiées à la banque participative. Une première de cette envergure au Maroc. Tous les détails sur le déploiement sont presque finalisés au niveau de chaque banque. Certaines d’entre elles, comme Attijariwafa Bank, BCP ou encore BMCE Bank ont opté pour la création de filiales, avec ou sans partenaire étranger, tandis que les autres, vont seulement se contenter d’ouvrir une fenêtre qui s’occupera de ce volet. Elles n’attendent plus que l’agrément de Bank Al Maghrib. Mais au fur et à mesure que l’échéance approche, les spécialistes et observateurs du secteur bancaire national pointent du doigt plusieurs préoccupations liées à ce nouveau secteur qui va voir le jour. «La formation sera un élément clé au même titre que la stratégie commerciale», analyse Nabil Amira, directeur associé chez Azara Consulting. Selon lui, le déficit est énorme en termes de formation. «D’abord en termes de ressources expertes à même de fournir une formation de bon niveau à un nombre important d’apprenants et sur une période à priori courte (avant janvier 2017). Actuellement, les cabinets spécialisés dans ce type de formation sont rares et ils n’auront pas la capacité suffisante pour absorber toute la demande que le marché va connaitre. Recourir à des formateurs étrangers ne sera pas non plus chose aisée ou une alternative envisageable en raison d’une barrière de base qui est la langue», poursuit-il. En effet, beaucoup de Marocains se posent encore de nombreuses questions au sujet de ces nouvelles banques. Quel sera le profil du front office ? Le client sera-t-il face à une nouvelle génération de chargé d’accueil, de conseiller de clientèle ou alors aux mêmes profils de la banque conventionnelle qui vont se reconvertir ? Autant de questions qui taraudent l’esprit des uns et des autres à l’orée de l’avènement des banques participatives.

Résistance au changement
De l’avis de plusieurs experts, la mise en place de ces nouvelles banques représente un véritable challenge, d’autant plus que les clients ne connaissent pas forcément les types de produits qui seront proposés. Cela rend la tâche encore plus ardue pour le front office des banques participatives. «Même quand on parle à des cadres bancaires qui ont l’expertise du secteur bancaire, du marché des capitaux, on se rend compte qu’il y a des problèmes de maîtrise, de façon générale, par rapport au domaine de la banque participative», remarque un cadre de la société Eri Bancaire, spécialisée dans la conception, le développement, la distribution et le support du progiciel bancaire, et qui travaille avec plusieurs banques de la place. Il ajoute que la création d’une banque participative est encore plus complexe que celle d’une banque conventionnelle, surtout à cause du déploiement de l’écosystème. «Tout ce qui concerne la formation et les compétences représente quelque chose de fondamental pour réussir la mise en place des banques participatives», insiste-t-il également à son tour. Pour sa part, Nabil Amira renchérit en soulignant qu’il ne faut pas oublier que la formation devra aussi concerner les autres ressources, celles des réseaux de banque conventionnelle. Le directeur associé chez Azara Consulting va plus loin dans son analyse en faisant remarquer qu’il y a, toutefois, une distinction à faire entre les banques qui vont créer une filiale totalement indépendante et celles qui vont fonctionner en «windows», c’est-à-dire celles qui vont confier cette activité à une entité au sein de la banque. «Dans ce dernier cas, la question est réglée puisque ça sera les mêmes ressources qui commercialiseront les deux types de produits, des ressources qui vont se partager un même local et probablement un même portefeuille. En revanche, la question n’est pas aussi tranchée pour le premier montage, celui des filiales», note Nabil Amira. En effet, selon plusieurs experts, certaines banques de la place optent pour le recrutement de personnes n’ayant aucune expérience dans le secteur bancaire en ce qui concerne le front office, estimant que ça sera plus facile par la suite de les former aux métiers de la banque participative. D’autres, par contre, entendent alimenter leur front office par des ressources métiers venant des réseaux de la banque conventionnelle. Mais cette option comporte des risques de résistance au changement. La logique des banques s’inscrivant dans cette catégorie est que des ressources déjà parfaitement familiarisées au domaine bancaire seraient plus productives le plus rapidement possible. Cependant, nombreux sont ceux parmi les observateurs du secteur bancaire qui estiment qu’un mix serait une bonne option. «Je suis pour ma part persuadé que c’est un mix des deux qui serait le plus adapté. Les premiers apporteront un esprit neutre et adopteront les principes de la banque alternative auxquels ils auront été formés. Et les seconds apporteront l’expertise des métiers de la finance bancaire, notamment par exemple en termes de démarche commerciale ou d’appréciation du risque», conclut Nabil Amira.

 
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