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Beaucoup de bruit pour rien

La taxe de 100 dirhams sur les billets de classe économique et 400 dirhams pour les business class, a fait couler beaucoup d’encore. Challenge Hebdo a mené une enquête chez les opérateurs marocains qui estiment qu’il n’y a aucune menace qui pèse sur la destination. Il s’agirait selon certains, d’une rumeur savamment distillée par quelques compagnies pour mieux négocier avec l’Office national marocain du tourisme les subventions perçues dans le co-marketing. 

D

epuis que la fameuse taxe sur les billets d’avion a été mise en place, les spéculations vont bon train concernant d’éventuelles annulations des compagnies low-cost. L’Association internationale du transport aérien (IATA) y est même allé de manière officielle à travers un communiqué de mise en garde envers les autorités marocaines. Sur un ton rugueux, empreint de certitude, IATA affirme que la nouvelle taxe «aura à coup sûr un effet contre-productif sur le secteur, menacera de miner les progrès effectués, induira des effets négatifs sur le PIB et l’emploi et pourrait être néfaste pour la cohésion sociale et l’économie en général». On croirait presque que cette taxe sera à l’origine d’un vrai apocalypse. Et comme pour confirmer ces dires, une presse, pourtant très sérieuse, s’est surprise à dire que «l’instauration d’une taxe de 100 DH sur les billets en classe économique et de 400 DH pour les autres catégories se traduira par un manque à gagner pour le Trésor de 1,1 milliard de DH et menacerait près de 13.000 emplois. Ce qu’il y a de plus étonnant, c’est l’absence de conditionnelle en ce qui concerne le manque à gagner du Trésor public, comme si c’était indubitable. 

Evidemment, le ministère de l’Economie et des finances, dont le sérieux des experts n’est plus à démontrer, est d’un avis tout à fait opposé. Selon eux, la taxe sur les billets d’avion devrait générer quelque 4.7 milliards de dirhams d’ici 6 ans. 

Pendant ce temps, comme pour alimenter un débat qui n’a pas lieu d’être, on annonce dans la foulée l’annulation de vols de certaines compagnies aériennes low-cost qui estimeraient que leur modèle économique ne peut être rentable avec une telle taxe. La rumeur, puisque c’est de simple bruit de couloir qu’il s’agit, dit que Ryanair voudrait supprimer une trentaine de liaisons au départ et à l’arrivée dans plusieurs villes du Maroc. 

«Je n’ai jamais entendu officiellement parler de ces suppressions», nous dit Mohamed Boussaïd, ministre de l’Economie et des Finances qui suit ce dossier avec le plus grand intérêt, avec ses homologues des transports aériens et du tourisme,  compte tenu de ces nombreuses implications. D’ailleurs, c’est le même son de cloche au niveau de ces deux départements où «le sujet de l’annulation des liaisons par cette compagnie n’a été abordé dans aucune réunion», au niveau des Transports et dans «aucun emails ou courriers», au niveau du département du tourisme». 

Ce n’est donc qu’une simple spéculation, ou bien une rumeur que les compagnies aériennes low-cost ont bien voulu faire courir. 

Dans une compagnie aérienne low-cost qui a choisi de créer une filiale au Maroc pour s’y installer de manière durable, on estime que tout ceci n’est que «du bruit pour rien». «Car une telle taxe qui ne pèse même pas pour 10 euros, ne peut en aucun cas influencer négativement les voyageurs. Le billet moyen dépasse 1000 dirhams et cette taxe représente donc moins de 10% de la plupart des billets d’avions vendus sur les lignes entre les villes marocaines et européennes», analyse l’un des responsables de cette compagnie aérienne. 

De plus, «elles ont beau prétendre le contraire, la vérité c’est que les compagnies aériennes low-costs gagnent de l’argent, beaucoup d’argent», poursuit le même responsable. Evidemment, leur modèle économique veut qu’elles soient prudentes et qu’elles soient très regardantes sur l’ensemble des postes de produits et de charges et sur tout ce qui peut modifier leur seuil de rentabilité. Or, il est vrai que, comme toute demande, celle des compagnies aériennes, quelles qu’elles soient, est sensible au prix. Et le seuil de rentabilité, c’est-à-dire le nombre de clients à partir duquel une liaison est rentable est plus sensible dans le transport aérien compte tenu des coûts fixes extrêmement élevés. 

Néanmoins, «ce risque est atténué chez les quelques compagnies qui bénéficient d’un contrat de co-marketing avec l’Office national marocain du tourisme», fait remarquer le même responsable, qui estime qu’il s’agit d’une concurrence déloyale. Selon lui, «ces compagnies aériennes transporteraient souvent des MRE qui sont comptés parmi la clientèle pour laquelle, ils bénéficient de certaines faveurs»

Quoi qu’il en soit, en jetant un œil sur les compte Ryanair, on constate effectivement que la compagnie est rentable. Au cours des cinq dernières années, entre 2008 et 2012, son chiffre d’affaires est passé de 2.7 milliards d’euros à 4,39 milliards d’euros. Et dans le même temps, son résultat net est passé de 390 à 560 millions d’euros. Cela signifie que la marge nette de la compagnie est de 12,76%. En d’autres termes, sur un billet de 1500 dirhams, la société réalise en moyenne une marge nette de 191 dirhams. Qui pourrait donc croire que Ryanair risque de quitter le Maroc parce qu’une taxe de 100 dirhams a été mise en place? Ce serait plus logique même de faire un effort sur le billet et de garder la  clientèle sur les liaisons en partance et à destination des villes du Maroc. 

En réalité, on pourrait même croire le contraire. Cette rumeur n’aurait été distillée dans la presse que pour avoir un certain pouvoir de négociation vis-à-vis de l’ONMT qui a en charge la promotion tourisme. 

 
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