Actualités

Benkirane se présente en sauveur

Abdelilah Benkirane, Chef du gouvernement.

Le Chef du gouvernement a axé son bilan à mi-mandat sur la stabilité dont le Maroc serait redevable à l’expérience en cours. 

C’est devant une assistance clairsemée que le tonitruant Abdelilah Benkirane a pris la parole pour dresser le bilan de l’action de son gouvernement. L’occasion, c’est qu’il est à mi-mandat et il a donc choisi de s’adresser aux parlementaires et aux conseillers réunis. Ils étaient une centaine à se déplacer pour l’écouter, les autres ont préféré profiter de la nuit ramadanienne hors de l’enceinte parlementaire.
Le Chef du gouvernement a prononcé un discours dont la première partie, la plus longue est réservée à ce qu’il a appelé l’expérience marocaine ou parfois l’exemple marocain. « Le Maroc avait connu en 2011, une contestation très forte qui ne s’est arrêtée qu’avec la constitution de ce gouvernement ».
Il a égrené les chiffres des jours de grève. « Les enseignants n’ont été en classe que 100 jours sur les 250 prévus, les tribunaux étaient paralysés, les médecins dans la rue plutôt que dans les hôpitaux, les communes étaient en grève plusieurs jours par semaine, la confiance dans les institutions représentatives au plus bas ».
C’est donc le gouvernement du PJD qui a «permis au Maroc de traverser le printemps arabe, puis l’automne en toute quiétude». « Ceux qui ont parié sur notre échec, doivent reconnaître leur erreur ». Il n’a pas pris la peine de mettre en lumière le discours Royal du 9 mars, le refus des manifestants du 20 février de contester la légitimité de la monarchie. Le sauveur, c’est lui et uniquement lui. La preuve ? « Dès la constitution de ce gouvernement, la contestation s’est arrêtée ».

Discours hors-sujet

C’est une appréciation de l’histoire récente, très contestable et qui sera sûrement contestée. D’autant plus que dès qu’il était question du vrai bilan, celui de l’action du gouvernement le discours change sur le fond et dans la forme. On n’est plus devant un pays qui était au bord du précipice. Plusieurs séquences, rendent implicitement hommage aux gouvernements précédents.
Ainsi, il reconnaît que si le déficit budgétaire s’est creusé en 2011, c’est parce que la crise mondiale a trop duré alors que « le Maroc avait réussi à protéger la résilience de son économie en dopant la demande interne ». Il ajoute aussi que « des réformes importantes ont été réalisées, mais malheureusement, d’autres n’ont pu l’être ».
Sur cette partie, on voyait bien que le discours est plus objectif et on peut parier que les éléments de langage sont «offerts » par le ministère des Finances, Mohamed Boussaid en l’occurrence. A chaque fois que Benkirane improvisait, le naturel reprenait le dessus. « Nous, nous avons pris des décisions difficiles sans penser aux éventuelles conséquences politiques ou électorales ». Cette phrase, le Chef du gouvernement l’a répétée à cinq reprises.
Mais il ne peut cacher la faiblesse du vrai bilan, celui des politiques publiques mises en œuvre. Il égrène des chiffres sur le déficit budgétaire, ceux de la balance commerciale, des comptes courants, oublie le recours à l’endettement massif en utilisant les arguments qu’il contestait quand il était dans l’opposition et que son néo-allié Mézouar était aux Finances.
Il a justifié une nouvelle fois la politique de décompensation. Il était plus à l’aise quand il parlait des « avancées sociales », pourtant très réduites et en tous cas très éloignées des promesses électorales du PJD et surtout des attentes des couches les plus défavorisées.
Tout le monde sait que les questions techniques, le jonglage avec les chiffres, n’est pas le terrain favori de Benkirane et ce n’est pas ce qu’on lui demande. L’exercice, important en démocratie, consistait à expliquer, évaluer ce qui a été fait et surtout fixer un cap pour l’avenir.
Le Chef du gouvernement n’a pris aucun engagement, même pas sur l’application de la constitution et les fameuses lois organiques. Pourtant, les dossiers urgents s’accumulent sur son bureau. Ce que retiendront les observateurs, c’est cette posture de sauveur de la stabilité marocaine. Dans un sursaut d’humilité, il dit «Nous y avons au moins contribué ». La vérité historique est ailleurs. Si le Maroc est resté stable, c’est parce qu’il a entamé il y a un quart de siècle un train de réformes, que les espaces démocratiques étaient une réalité. Le PJD a juste profité électoralement d’un contexte régional. 

 
Article précédent

Effondrement de trois immeuble à Casablanca : Un nouveau bilan fait état de 13 morts

Article suivant

Et maintenant, que faire dans l’enseignement supérieur privé?