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Bienvenue, Président !

Premier fournisseur du Maroc, la France en est aussi le premier client, le premier pourvoyeur en investissements directs étrangers, le premier marché touristique, la principale origine des transferts d’épargne des Marocains résidant hors des frontières nationales, etc…
Malgré les changements de présidents, la France maintient sous une forme ou une autre, son soutien aux intérêts du Maroc auprès de la Communauté européenne ainsi qu’une certaine bienveillance s’agissant du dossier du Sahara, qui continue depuis les années 1970 d’envenimer les relations maroco-algériennes et de bloquer, d’une certaine manière, la construction maghrébine.
La France accueille – avec près de 1,8 million de personnes – la plus grande communauté marocaine vivant à l’étranger alors que les Français représentent la plus grande partie des résidants étrangers sur le sol marocain.
C’est donc peu dire que la France continue d’occuper une place à part dans les relations extérieures du Maroc,  qu’elles soient de nature commerciale, financière, politique ou humaine. Alors que le Maroc vient de montrer, en ouvrant son ciel aux avions de guerre français envoyés au Mali, qu’il persiste à représenter l’un des principaux et des plus fiables soutiens des positions françaises, au Sahel et au-delà. 
Tel que cela ressort de ces quelques données présentées ci-dessus en vrac, Marocains et Français continuent de filer le grand amour, plus de 60 ans après que le Maroc se soit affranchi de la présence coloniale sur son sol.
Et pourtant le ciel des relations entre les deux pays n’est pas pour autant dégagé de nuages, dont certains ne sont pas sans menaces sur la bonne harmonie apparente qui les enveloppe :

  • La balance commerciale entre le Maroc et la France continue a être structurellement déséquilibrée au profit de la France, avec surtout une structure des échanges où prédominent les produits industriels et élaborés du côté français et les produits agricoles et miniers, côté marocain, ce qui signifie que le Maroc n’a tiré aucun bénéfice industriel ou technologique de ses relations commerciales privilégiés avec son ancienne puissance coloniale. Bien au contraire, il représente encore et toujours un havre de quiétude pour donneurs d’ordres internationaux à la recherche d’une main-d’œuvre à faible coût, l’une des moins bien payées du pourtour méditerranéen; d’où la baisse tendancielle de la part de l’industrie dans le PIB du pays, et d’où la poursuite de la détérioration de sa balance commerciale. 
     
  • La France reste le principal investisseur étranger au Maroc, mais beaucoup de ses investissements se font dans des secteurs captifs, non concurrentiels, qui auraient dû rester dans le giron du public marocain, comme c’est le cas des services publics de base – eau, électricité, assainissement, transport urbain, etc… De même certains gros contrats obtenus au cours des dernières années par des entreprises françaises au Maroc ressemblent davantage à des ‘’lots de consolation’’ offerts par les autorités marocaines sans aucune contrepartie sérieuse  – économique, financière ou sociale – en faveur des populations de ce pays, à qui aucun avis n’a été demandé à ce propos. Le cas de la construction de la Ligne à Grande Vitesse (entre Kénitra et Tanger) obtenue hors tout processus commun (notamment sans étude sérieuse de faisabilité préalable et sans ouverture à la concurrence) par le prédécesseur de F. Hollande en est l’exemple le plus symptomatique qui va coûter à l’Etat marocain la bagatelle de 3 Milliards d’euro.  Soit un montant qui pourrait servir à moderniser l’ensemble du réseau ferroviaire national, à en doubler les voies et en augmenter l’efficacité en terme de vitesse des trains et de sécurité, tout en bénéficiant de l’expertise des entreprises françaises en la matière. En quelque sorte, le LGV marocain serait le pendant du côté de Rabat de Notre Dame des Landes[1], au nord de Nantes, sauf qu’ici aucun processus de discussion autour de ce projet-tombé-du-ciel n’a été engagé malgré l’opposition argumentée de larges composantes de la société civile au Maroc. 
     
  • l’obtention des visas par les Marocains auprès des représentations pertinentes françaises au Maroc a souvent fait l’objet de déclarations prometteuses de part et d’autre, mais les choses ont très peu changé à ce niveau dans les faits. Si les Français continuent d’accéder au Maroc – et c’est une très bonne chose – en présentant seulement un passeport valide, les Marocains désirant se rendre, pour tout motif, en France continuent de subir de longs délais d’attente avant d’obtenir un simple rendez-vous pour déposer une demande de visa, sont toujours obligés de réunir davantage de documents qu’il n’y en a besoin pour…un mariage, et doivent payer près du tiers du SMIG pour bénéficier d’un visa permettant un séjour inférieur parfois à quelques semaines sur le territoire français. Un tel déséquilibre dans les relations humaines entre les deux entités nationales ne peut durer sans avoir de conséquences dommageables sur les autres composantes de leur partenariat. 
  • L’un des principaux liants de la relation franco-marocaine a été jusqu’à présent l’école  Française au Maroc qui accueille annuellement – contre paiement – près d’une vingtaine de milliers de jeunes Marocains. Toutefois, cette école, qui représente une grande aubaine pour les parents expatriés, devient inaccessible année après année. Or, la très forte augmentation des frais de scolarité va poser un problème financier parfois dramatique pour les parents d’élèves marocains qui peut les amener à retirer leurs enfants de ce système. Pour ces parents ce sera un choix douloureux  qui impliquerait non seulement une rupture avec un système d’éducation et de valeurs auquel ils sont attachés mais qui induirait un sentiment profond d’injustice. Soit un autre déséquilibre qui viendrait adjoindre ses effets négatifs à ceux qu’implique le processus tatillon et parcimonieux de délivrance des visas.

[1] Notre Dame des Landes est une commune située à une trentaine de Km au nord de Nantes où les autorités publiques françaises ont décidé de transférer l’aéroport desservant actuellement cette ville de l’ouest de la France.  Concédé à une entreprise privée, Vinci, ce projet a mobilisé contre lui une multitude d’oppositions (dont celle des mouvements écologique et altermondialiste) ce qui a poussé l’Etat français à sursoir à sa réalisation dans l’attente des résultats de nombreuses concertations menées à son propos. 

 
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