Economie

Bisbille autour du métier d’avocat d’affaires

La réglementation est claire, mais certains professionnels la contournent

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epuis quelques mois, des avocats du barreau de Casablanca montent au créneau pour dénoncer la concurrence «déloyale» des cabinets d’avocats d’affaires étrangers qui ouvrent de plus en plus d’antennes au Maroc. Mettant tout le monde dans le même panier, ils leur reprochent d’utiliser leur titre d’avocat (inscrit par exemple au barreau de Paris) pour exercer au Maroc. Certains le font, d’autres se contentent de se présenter comme conseillers juridiques. Pour les premiers, la réglementation en vigueur peut les autoriser à le faire, mais sous conditions. Ils sont par exemple tenus de passer des équivalences, de s’inscrire à un des barreaux marocains… Pour les avocats marocains, certaines personnes les outrepassent. Mais il n’y a pas que cela. Ces cabinets étrangers installent leur cabinet sous une forme d’une entité commerciale, comme une SARL par exemple. Ils recrutent des avocats marocains. Le hic ? Ces derniers n’ont pas le droit de travailler dans ce genre de structure. Au passage, la loi 28-08 autorise les cabinets marocains à créer seulement des sociétés sous forme de Société Civile Professionnelle d’Avocat (SCPA), une forme juridique qui n’est pas souple à leur goût et les désavantage. Une avocate marocaine, qui exerçait en France, en a payé les frais. Elle a été démarchée pour rejoindre un cabinet étranger installé au Maroc. Pour se conformer aux règles, elle a décidé de s’inscrire à un barreau marocain. Quelle ne fut sa surprise de recevoir par la suite une mise en demeure (procédure probablement poussée par la concurrence) pour lui demander soit la radiation du barreau, soit de quitter son employeur parce qu’en tant qu’avocate inscrite à un barreau marocain, elle ne peut exercer dans un cabinet qui a une forme  juridique commerciale. 

Les fiduciaires entrent en scène

Un membre de l’Association des Barreaux du Maroc soulève un tout autre point qui défavorise les avocats marocains comparativement aux étrangers. « En supposant qu’il existe des conventions bilatérales avec des pays étrangers, que l’avocat d’affaires étranger remplisse les conditions pour exercer au Maroc, le Marocain, pour sa part, ne peut  prétendre ouvrir un deuxième bureau, que ce soit au Maroc ou à l’étranger». Pourtant, un professionnel de la place nous assure qu’il existe au moins un avocat marocain qu’il connaît qui a, non seulement un bureau à Casablanca mais aussi un autre à Paris. En tous les cas, pour le membre de l’Association, les Marocains souhaitent être traités de la même manière que les étrangers, et notamment les avocats français. C’est dans ce cadre que des négociations sont en cours de finalisation entre l’Association et le Conseil des Barreaux de France pour signer une convention d’ici au mois d’octobre pour clarifier tout cela. «Nous souhaitons par la suite soumettre cette convention aux législateurs de nos deux pays».  En attendant que toutes les choses se clarifient, certains cabinets étrangers ont trouvé la parade en n’employant pas, par exemple, d’avocats des barreaux marocains et n’utilisent jamais le terme de cabinet d’avocats. «Nous ne permettons pas non plus à nos juristes de signer un courrier ou un mail du terme avocat. Nous ne sommes que des conseils juridiques », convient ce professionnel. Ce dernier admet que seuls les avocats inscrits aux barreaux de Casablanca ou Rabat par exemple peuvent utiliser ce titre, «cela ne fait aucun doute». Pour les autres, qui enfreignent les règles, ils peuvent être, chacun à leur tour, surpris par des requêtes les sommant de s’y plier. Pour cet avocat d’affaires installé au Maroc, le débat, soulevé aujourd’hui par quelques avocats marocains, devra être déplacé sur un autre terrain. «Le problème n’est pas tant le statut des avocats mais la compétence. Les cabinets étrangers ont l’avantage de s’appuyer sur un réseau étendu leur donnant accès à un fond documentaire très important et à des spécialistes sectoriels ayant une grande expérience. Un avocat marocain a pour sa part une connaissance détaillée de la réglementation locale, des évolutions de celle-ci et des pratiques qui permettent de ne pas mésinterpréter un texte. En outre, il est sans concurrence sur les dossiers contentieux puisqu’il est le seul à faire de la procédure». Certains avocats marocains ont pu, malgré cela, se forger une réputation et signer de grands contrats dans le domaine des affaires avec des institutions publiques ou semi-publiques. D’autres, par contre, voient des affaires leur passer sous le nez. C’est ce qui les dérangerait. Dans ces cas-là, les avocats d’affaires étrangers ne devraient  pas être, seuls, pointés du doigt, mais aussi les fiduciaires. Censées se focaliser sur l’expertise-comptable, certaines d’entre elles s’attaquent à des montages de dossiers juridique et fiscal. «Parfois, elles font le travail d’un avocat d’affaires», lance ce professionnel. Pour que les choses soient en règle, tout le monde devra respecter les limites de son champ d’intervention, sans enfreindre la réglementation. 

 
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