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Campagne de charme sur fond de mélodrame

Depuis la défaite des Lions de l’Atlas à Maputo face au Mozambique, trois semaines se sont écoulées.  La première a été consacrée au renvoi de Gerets, la seconde à la nomination de Rachid Taoussi, et la troisième à l’entrée en lice du nouveau sélectionneur national qui n’a ménagé aucun effort pour séduire tous azimuts. Il ne lui reste désormais plus que la semaine à venir pour réaliser l’exploit que tout le pays attend : celui de rattraper le retard pris face au Mozambique et de se qualifier à la CAN 2013.
    
Rachid n’est pas Eric
S’il y a une différence à chercher entre les deux  hommes, l’ancien (Eric Gerets) et le nouveau, (Rachid Taoussi) les derniers sept jours qui viennent de s’écouler l’auront clairement démontrée.
Le premier s’était renfermé sur lui-même et ne fréquentait qu’un cercle limité d’amis alors que son successeur à déjà réalisé plus de rencontres médiatiques en une semaine que Gerets en deux ans. Rachid Taoussi a tellement donné d’interviews, répondant à toutes les sollicitations et mettant ses coordonnées à la disposition de tous, qu’il aurait pu donner l’impression de s’éparpiller.
On lui pardonnera aisément cette euphorie, tant il parait être heureux d’avoir été choisi pour diriger les Lions de l’Atlas, et son bonheur il veut le faire savoir et le partager avec le plus grand nombre. Il donne l’impression d’un enfant qui se réveille et se retrouve dans un magasin de jouets où il est libre de courir comme il l’entend.
Après cette avalanche de contacts avec les gens des médias, la FRMF en a rajouté une couche avec la conférence de presse organisée mardi dernier. Conférence aux allures de noces d’or, où tout le gotha du football était convié dans le bel hôtel Sofitel, avec déjeuner de gala. L’étape Gerets, prévue pourtant pour durer jusqu’en 2014, était bel et bien oubliée, et tout le monde de s’immerger avec un optimisme très perceptible dans la nouvelle ère sous la houlette de Rachid Taoussi.
Un Rachid Taoussi qui, enthousiaste au possible, clame que le match du 13 octobre prochain face au Mozambique, prendra des allures de triomphe. Cette chronique d’une victoire annoncée peut paraitre risible voire dangereuse, pour ceux qui savent que le football est difficilement apprivoisable, mais personne ne veut jouer les trouble-fêtes, et surtout, une opinion publique traumatisée par Gerets, qui veut absolument croire au miracle.
Or les miracles, cela existe en football, même s’il faut parfois les pousser un peu pour qu’ils se réalisent.
    
L’exemple du Ghana en 1975
Rattraper deux buts de retard en football, cela arrive bien sûr, mais il faut pour cela une équipe préparée à l’extrême, physiquement, tactiquement, psychologiquement qui saura se montrer concentrée pendant toute la durée du match.
La semaine qui vient doit servir à Taoussi pour arriver à cette osmose. Et cette fois-ci, plus question de flons-flons et de shows à la télévision (comme cette interview sur Arryadia, où l’on aurait cru que Taoussi organisait un mariage chez lui), il va falloir être dans la concentration pour lancer sur le champ de jeu une équipe prête à l’exploit.
Tout cela, en sachant bien, ô terrible suspense, que le Mozambique ne viendra pas faire de la figuration. Les Mozambicains se sentant proches du but après la victoire du match aller, vont jouer leur va-tout. Ils ont la possibilité historique pour eux d’éliminer le Maroc et ils n’entendent pas s’en priver.
Peu leur importe la carrière du jeune Taoussi et son enthousiasme. Le 13 octobre, ils seront là pour montrer à  tous la réalité des choses et s’ils peuvent nous marquer du fer rouge de la désillusion, ils ne s’en priveront pas.
Il est sûr que ces lignes que vous venez de lire vous ont fait passer un frisson dans le dos, mais effaçons cette angoisse en rappelant qu’en 1975, le football marocain avait dû aussi franchir cette porte étroite.
C’est toute une histoire et elle mérite d’être rappelée. Depuis 1972, le Maroc avait décidé de ne plus participer aux compétitions organisées par la CAF (Confédération Africaine de Football) estimant que les arbitres n’avaient ni l’impartialité, ni les compétences requises. Cette grosse fâcherie nous fit boycotter la CAN 1974 (organisée au Caire et remportée par le Zaïre) mais la bouderie cessa et en 1975 le football marocain se remet sur les rails africains. Patatras, un match au Ghana menaça de mettre fin à nos ambitions retrouvées. Battue par 2 à 0 à Kumasi, l’équipe nationale était quasiment éliminée. Le match retour s’annonçait sous des auspices défavorables, le Maroc devant faire face, en outre, à une avalanche de blessés, dont le buteur emblématique Faras. Or, ce qui se passa ce jour là, résume à lui seul toute l’histoire du football africain.
Ayant marqué un premier but, le Onze national et le public attendaient le second, mais le temps s’écoulait et le Ghana tenait bon. L’arbitre allait le faire craquer aux dernières secondes de jeu, en sifflant un pénalty providentiel que le rusé Acila de Mohammedia n’eut aucune peine à transformer. Deux buts partout sur l’ensemble des deux matchs, il fallait passer aux pénaltys, car en CAF, il n’y a pas de prolongations (et il n’y en aura pas le 13 octobre prochain au cas où…)
Le public allait vivre la plus éprouvante séance de pénaltys qu’il ait jamais subie. Mais l’arbitre veillait, il fit retirer trois fois un pénalty raté par un joueur marocain, offrant ainsi la qualification à la FRMF, dont le président Othman Slimani (décédé depuis, après avoir été patron du CIH, poste aux mille pièges comme l’ont appris plusieurs de ses successeurs), oubliant toute retenue se rua sur la pelouse, au coup de sifflet final, pour serrer dans ses bras les joueurs marocains. Il aurait tout aussi bien pu  embrasser l’arbitre pour service rendu. D’ailleurs, le colonel Mehdi Belmejdoub (que Dieu ait son âme) ne le cacha pas en déclarant à un ami à l’époque «Les arbitres africains nous ont beaucoup lésés par le passé, mais aujourd’hui c’est nous qui en avons profité. Nous avons été plus malins pour une fois et allons essayer d’être à la hauteur de cette chance que nous  avons connue aujourd’hui».
Son vœu sera exaucé, puisque cette qualification, in extrémis, allait nous mener à la CAN 1976 où l’on allait gagner le trophée continental pour la première fois (et dernière à ce jour) de notre Histoire.
Avec Taoussi, le Mozambique et l’actuelle FRMF l’histoire va-t-elle se répéter ?
Qui vivra verra !

 
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