Société

Cancer: moins de morts mais plus de malades

Les modes de vies évoluent, et parmi ses conséquences, apparaît le développement du cancer au Maroc. Tabagisme, consommation d’alcool et de viande rouge, de petits gestes au quotidien et quelques bonnes habitudes, peuvent éviter de grandes souffrances.

Lorsqu’on apprend que l’on a un cancer, l’espace d’un instant, le temps s’arrête. Les personnes atteintes par ce mal se rappellent cet instant fatidique: pour eux le monde se fige d’effroi et l’on se dit que la vie est terminée. C’est le cas de Samiha quand on lui annonça qu’elle avait un cancer du poumon, alors qu’elle avait arrêté de fumer depuis 5 années. Elle s’est sentie rattrapée par son passé. En fait, le corps humain est une petite machine bien fragile et délicate qui enregistre tout ce que celui qui le porte lui a fait subir durant toute la période antérieure. L’effroi se propage alors, partagé par la famille et par les amis. Il faut réconforter la malade, lui venir en aide, la soutenir. Mais n’empêche, que l’idée reste tapie dans l’ombre de sa pensée: il faut se préparer au pire. Commença alors pour Samiha un parcours du combattant. Un combat de tous les jours, de rendez-vous en rendez-vous chez d’éminents spécialistes, dans des cliniques privées coûteuses en France et au Canada. Car c’est dans cette contrée lointaine qu’elle réside, loin de sa famille restée au Maroc, à la recherche d’une qualité de vie meilleure. Son calvaire perdure, et les scanners succèdent aux radiothérapies, entrecoupées de consultations de médecins et autres chirurgiens. Elle n’arrêtera pas de regretter, dans la souffrance, chaque bouffée de cigarette inhalée à l’époque, avec délectation.

Retour au Maroc devant le service d’oncologie de l’hôpital Ibn Roch. A l’entrée, une foule se presse devant des grillages, qui pour rendre visite à un patient, qui, pour consulter en urgence. Le statut de journaliste n’ouvre pas les portes. Au contraire, on dirait même qu’il complique l’accès. C’est donc par ruse qu’on finit par accéder à l’hôpital. Devant l’aile des cancéreux, le calme est de rigueur. Les gens attendent patiemment leur tour, faisant la queue dans un ordre presque utopique dans le Maroc “normal”. Nous rencontrons Hanane, une mère de famille, la quarantaine, qui prend le soleil en attendant son tour. Elle est atteinte d’un cancer des seins, l’un des plus fréquents chez les femmes au Maroc. Elle est venue seule, sans être accompagnée, précise-t-elle. Elle est complètement prise en charge par la Fondation Lalla Salma de prévention et de lutte contre le cancer. Comme beaucoup de nos compatriotes, elle s’est faite à son sort, et n’a d’espoir que dans la grâce de Dieu. Comme beaucoup, elle s’accroche néanmoins et remet sa vie entre les main de ses médecins. Elle ne se plaint pas, prend tout sur elle et se fait toute petite. Une parente l’avait aidé dans ses démarches administratives. Son commentaire est conciliant : “c’est bien, tout est bien. J’ai dû attendre trois mois pour commencer à être prise en charge, mais maintenant tout va bien. J’ai espoir.” Dans cette cour des miracles apaisée, ce silence de mort semble pousser les patients et leur famille à se recueillir, à méditer sur l’éventualité d’une fin prochaine .Les patients se succèdent, patiemment, calmement et dans un silence impressionnant. Comme si chaque instant était compté, chaque pas était pesé, et que l’on profitait de chaque seconde gagnée sur la mort. Bouchaïb vient de loin, Il vit dans la campagne et “est monté à Casa”, où l’on est supposé être mieux soigné. Il loge chez des proches, et sous ses traits ridés, sa djellaba beige et sa taguia idoine, il a tout de même le sourire et conserve sa dignité à la sortie de son entrevue. Il est satisfait. Il a été informé des documents à fournir pour être pris en charge, dont le certificat d’indigences. Sa thérapie ne coûtera pas un sou à sa famille…
Nous finissons par être reçu par l’assistante sociale. Elle nous explique les procédures et liste les documents à fournir. Il en découle que les indigents sont pris en charge, au même titre que les assurés sociaux. Mais un bref coup d’oeil aux alentours permet de se rendre compte de l’évidence: en dehors du personnel hospitalier, rares sont les personnes de la classe aisée qui se trouvent dans ces lieux.

Le cancer, le mal du siècle?
Selon les familles marocaines interrogées, pas une seule n’est épargnée par le cancer. Tout un chacun aurait perdu un proche au cours de ce long et douloureux combat contre la maladie. Les plus aisés se rendent en France, convaincus qu’ils y seront mieux soignés qu’au Maroc. Et l’on en vient à se demander s’il n’y a pas une hausse des cas de cancer dans le Royaume : “Il est certain qu’on assiste à une augmentation notable et très nette du cancer, plus particulièrement le colorectal, qu’on dépiste en développant les moyens de prévention et des diagnostiques précoces. Je voudrais rappeler qu’avec l’avènement de l’Association Lalla Salma de lutte et de prévention du cancer, nous assistons à un développement exceptionnel des moyens de diagnostique, de prévention et de traitement. Il est à noter que les centres de lutte contre le cancer se multiplient dans les différentes régions du Maroc, grâce à l’action du Ministère de la Santé et de l’Association Lalla Salma. Les moyens courants de diagnostique sont l’endoscopie digestive, le scanner et la radiologie nutritionnelle”, explique le Pr Abdellatif Cherkaoui, président fondateur de la Société Marocaine des maladies de l’appareil digestif, spécialiste en hépato-gastro-entérologie. Pour lui, c’est l’évolution des modes de consommation qui explique la hausse du cancer, plus particulièrement les cancers du poumon (premier type de cancer recensé) et colorectal (troisième type) chez l’homme.

Pour le premier, la cause principale est à l’évidence la consommation de tabac, petit plaisir qui devient dépendance et qui, probablement, entraînera une fin atroce. Pour le cancer colorectal, c’est l’alimentation qui joue un grand rôle dans son développement : “Les facteurs alimentaires associés à une augmentation du risque de cancer colo-rectal sont multiples. Comme l’excès calorique, l’obésité, et la sédentarité qui promeuvent le développement du risque de développement cancéreux. Les mécanismes soulevés sont l’augmentation de sécrétion d’insuline et la résistance à cette dernière. En effet, l’insuline serait un facteur d’augmentation des muqueuses coliques. Elle favorise la mutation des cellules du carcinome colique. La consommation excessive de graisses, de viandes et de protéines animales est également impliquée dans la cancérogenèse, le développement du cancer, des cellules coliques. Il en est de même autant pour la consommation d’alcool que de l’usage du tabac. A titre d’exemple, consommer 40g d’alcool augmente le risque de 2% lorsque la consommation de bière peut tripler le risque de cancer. Pour ce qui est du tabac, le seuil de 20 paquets par an est de nature à favoriser le risque de développer un cancer, voire à l’ augmenter. Le fer favorise également la cancérogenèse par la formation de radicaux libres. Le fer non-absorbé est le résultat d’une alimentation riche en viande rouge et en charcuterie. Le sucre et les hydrates de carbone (pâtes, riz, pain, céréales, pâtisseries et féculents) augmentent également le facteur de risque”, développe le Pr Cherkaoui. C’est donc un cancer dû au mode de consommation qui prévaut chez l’homme. Pour les femmes, c’est évidemment le cancer des appareils reproductifs et des seins qui trustent cette triste première place. Auquel ceux des seins, du col de l’utérus et de la thyroïde se classent juste après, et dans cet ordre. Le cancer colorectal, lui, n’arrive qu’en quatrième position.
Au final, il s’avère que le cancer est une maladie qu’il faut dépister à son stade précoce pour sa rémission. “On arrive à guérir d’un cancer, pour peu qu’il soit dépisté à temps”, conclut le Pr Cherkaoui. Pour Samiha, Hanane et tous les malades, c’est un combat de tous les jours. En somme, pour minimiser les risques d’une telle maladie, le mieux est de prévenir, et d’adopter une alimentation saine, équilibrée et de ne pas fumer.  

 
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