Sport

Ce mal étrange qui hante notre sélection nationale de football

Dans le bilan présenté par Rachid Taoussi sur la participation en CAN 2013 lors d’une conférence de presse très suivie, toutes sortes de questions ont été abordées, mais il en est une, lancinante et obsédante, qui ne semble pas près de trouver une réponse.  Pourquoi donc nos coachs n’ont, à quelques exceptions près, jamais pu présenter une performance convaincante.

Le vrai niveau

L
e même jour où se  tenait la conférence de presse de Taoussi, le précédent numéro de « Challenge », notre hebdomadaire présentait une analyse-constat du football marocain.Non pas pour parler de  déception après la CAN 2013, mais bien pour souligner que le niveau de notre football, et partant, de notre équipe nationale, était largement surestimé. Oubliant, à chaque fois,  que nos performances sont rarissimes alors que nos échecs constituent la règle, l’on aborde chaque CAN comme si elle nous était promise et que l’on devait y  viser, au moins le podium. C’est ce fantasme répétitif qui provoque déception et colère au sein de l’opinion publique, au point d’ameuter nos honorables parlementaires dont les  commissions spécialisées n’en finissent pas de réclamer des explications et de demander des comptes aux responsables fédéraux du football. Ces derniers pour toute  réponse, affichent les chiffres des prestations, le nombre de stages, les dépenses des concentrations, les bilans médicaux, les statistiques techniques et n’arrivent à  convaincre personne. Car, au départ, tout le monde est persuadé que l’on est obligé de réussir alors qu’en vérité on est condamné à l’échec vu le faible niveau de notre jeu.  Il va bien falloir, un jour, le  comprendre. Cela nous épargnerait bien des lynchages qui sont autant d’injustices qui ne nous ont fait que perdre encore plus de temps.

Des hommes comme Roger  Lemerre, Henri Michel ou Eric Gerets doivent bien rire sous cape, eux que l’on avait accusés de nous avoir « humiliés » alors qu’ils n’ont fait que se heurter au  mur de nos incapacités. Le fait qu’on ait cru remédier à nos faiblesses par l’appel à des coachs étrangers, n’a réussi qu’à accentuer les clivages au moment des accusations.  Que n’a-t-on pas dit sur les uns et les autres accusés d’être trop payés et de ne pas avoir la fibre nationale. Vous rappelez-vous toute la prose haineuse déversée sur Henri Michel stigmatisé  pour avoir mâché du chewing-gum sur son banc de touche, lors d’un match de l’équipe nationale ? Cela avait été considéré  comme une insulte et un  manque de respect envers  le peuple …. Rien que ça ! Mais il y a pire. 

Nos joueurs marocains qui vivent en Europe ne se voient rien pardonner.  Leur moindre méforme devient la preuve qu’ils  s’adonnent trop aux plaisirs de la « chica ». On leur invente des soirées de dingues, dans les boites de Marrakech et on les menace du bûcher pour leur antinationalisme.  Une véritable cabale s’est déclarée envers nos pros d’Europe, et jamais en mal d’imagination, les fossoyeurs parlent aujourd’hui de bagarres ouvertes entre les pros  du Benelux (Belgique, Hollande) et ceux qui évoluent dans le reste de l’Europe. Ainsi, Hamdaoui n’a pas le droit de rater un contrôle, ou Larabi un tir. Cela devient une quasi affaire  d’Etat, et on voue aux gémonies ces « mauvais » Marocains qui n’aiment plus la patrie. Tout ce délire, aux relents nauséabonds, trouve son origine dans ce défaut d’appréciation, de cette  mauvaise analyse sur le véritable niveau de notre football.

 Un football qui ne progressera que lorsqu’on sera revenu à des ambitions plus modestes, qui seraient  à notre portée et alors à ce moment là, une victoire ou même un match nul nous comblerait de joie, car on le considérerait comme un pas en avant, un acquis. Un très beau proverbe  arabe précise que « ne vit bien que celui qui connait ses limites ». Le drame de notre football c’est qu’on lui a toujours prêté des possibilités irréalisables, voire illimitées.  Ce délire serait comique s’il n’était pas tragique, car il a traumatisé des générations de dirigeants et de joueurs. On aurait aimé que Taoussi et ceux qui étaient du voyage en CAN 2013, se  soient imprégnés de cette analyse et déclarer que sortir du premier tour avec trois nuls, correspond exactement à nos actuelles possibilités.

Ce faisant, Taoussi se serait  épargné une douloureuse séance d’explications, fort longue et qui n’a calmé la grogne de personne. Si on ne gagne pas sur le terrain, c’est qu’on n’a pas  pu. Point final. Partant de là, on peut dire qu’on est en train de chercher, avec tous les joueurs dont on dispose, qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs, la meilleure formule pour progresser.  Répétons-le, le troisième match, joué contre l’Afrique du Sud contenait les prémices d’une équipe épatante. Mais, ne nous emballons pas trop vite, nous attendrons le rendez vous  du 23 mars prochain où l’on doit absolument tenter de remporter une victoire, à Dar Essalam face à la Tanzanie un match important, un match difficile où on ne part  pas favori, mais que l’on jouera dans les meilleures conditions si on arrive à nous guérir de ce mal étrange qui veut que l’on se trompe nous-mêmes et sur nous-mêmes. ■  

 
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