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Chine : la nouvelle route de la soie

Une civilisation millénaire. Presque 1/6 de la population mondiale. Une histoire contemporaine riche en évènements. Une position géostratégique. Membre permanent de l’ONU. Un poids économique et financier en croissance continue. Alain Peyrefitte, en 1973, ne s’est pas trompé en titrant son ouvrage bien connu : « Quand la Chine s’éveillera…, le monde tremblera ». par MOHAMED AMINE

La Chine avance à grands pas, dans la discrétion. Cette année 2014, les médias n’ont guère parlé d’un évènement de taille : pendant les dix premiers mois de l’année en cours, la Chine a dépassé les Etats Unis d’Amérique en termes de puissance économique. En effet, le PIB chinois (calculé en parité de pouvoir d’achat) devrait atteindre, fin 2014, 17 600 milliards de dollars, contre 17 400 pour les Etats Unis d’Amérique. En 25 ans, le PIB de la Chine s’est multiplié par 30. 12,10% des exportations mondiales de marchandises en 2013. Déjà, en 2009, cet Etat était devenu le premier exportateur mondial devant l’Allemagne et, en 2014, ses exportations devraient dépasser les 2200 milliards de dollars, à comparer avec le chiffre de 14 milliards de dollars atteint en 1979, année marquant le début des réformes dans ce pays.
Le dernier sommet de l’APEC (Coopération économique pour l’Asie Pacifique) tenu récemment à Pékin, au mois de novembre, a été une occasion pour la Chine de redéfinir sa stratégie économique au niveau international. Le président chinois, Xi Jinping, parlera d’une « nouvelle route de la soie », annonçant ainsi une renaissance économique et financière de la Chine dans le monde, et mettant l’Europe dans le radar de la stratégie chinoise. Cette « nouvelle route de la soie », malgré la situation instable en Ukraine, devrait rattacher, comme autrefois, au temps de Marco Polo, mais cette fois-ci par voie ferroviaire, la ville de Hangzhou près de Shanghai qui est à quelques kilomètres du Japon, à Rotterdam, ce port d’envergure mondiale au Pays Bas, en traversant le Kazakhstan, la Russie et toute l’Europe. Ce qui permettra à la Chine de transporter ses produits en moins de 25 jours par train, au lieu de 60 jours par voie maritime. Déjà, près des 2/3 des produits fabriqués par HP, près de Chongqing, sont expédiés en Europe par le rail.
Au dernier sommet de l’APEC, quatre principales mesures ont été annoncées :
– Accord des 21 membres de l’APEC pour travailler sur une feuille de route, en vue de parvenir, à terme, à une zone de libre-échange de l’Asie-Pacifique (FTTAP). En fait, c’est Ià une riposte aux manœuvres américaines menées traditionnellement à travers l’OMC et plus récemment en Asie, à travers le PTP (Partenariat Transpacifique, traité de libre-échange concernant douze Etats, sans la Chine) ;
– La création de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, par 20 pays, dont une majorité de membres de l’APEC, sans les Etats Unis d’Amérique, ni le Japon. La Chine s’engage avec une première contribution de 50 milliards de dollars ;
– Un fonds de la « route de la soie », doté par Pékin de 40 milliards de dollars, créé par la Chine pour financer les projets d’infrastructures des branches maritime et terrestre ;
– L’adoption d’une déclaration commune par les membres de l’APEC sur la lutte contre la corruption, avec un accord de coopération conclu pour lutter contre ce fléau au niveau international.
L’excédent commercial de la Chine, attendu en 2014, devrait approcher les 250 milliards de dollars. Les IDE de la Chine ont déjà dépassé les 100 milliards de dollars en 2013 et devraient atteindre les 130 milliards en 2014, avec 63,5 milliards de dollars aux Etats Unis d’Amérique.
Le changement récent à la tête de l’Indonésie avec l’élection de Joko Widodo, Jokowi pour les familiers, personnage connu pour son intégrité et son dynamisme, a créé une situation régionale plus favorable pour la Chine. Le nouveau Président indonésien a exprimé officiellement son souhait de faire converger les routes maritimes chinoise et indonésienne. La crise récente en Ukraine a aussi contribué au développement des exportations de la Chine vers la Russie. En fait, déjà en 2010, la Chine était devenue le premier partenaire commercial de la Russie.
Actuellement, la Chine constitue une expérience à méditer pour les pays en difficulté d’émergence. C’est aussi un partenaire important à intégrer dans la stratégie diplomatique, compte tenu de l’évolution actuelle des rapports de forces au niveau international et des nouveaux équilibres géostratégiques qui en résultent. Pékin est en train de devenir une véritable locomotive de l’Eurasie. Elle est déjà fortement présente en Afrique et sa position ne cesse de se renforcer en Amérique latine. Les principaux facteurs de succès observés résident dans :
– L’ouverture économique sur le monde, en combinant l’attraction des investissements externes, et la main d’œuvre hautement qualifiée, disciplinée et à faible coût ;
– L’investissement massif dans les infrastructures de base et dans la recherche scientifique ;
– Le pragmatisme diplomatique sans sacrifier pour autant la vision à long terme ;
– L’intégration progressive des technologies de pointe grâce au transfert des connaissances et des expériences pratiques, et donc l’accumulation qualitative interne, combinant assimilation et innovation ;
Si, au départ, la Chine a tout fait pour attirer des capitaux, actuellement elle investit de plus en plus dans le monde et pas seulement pour sécuriser ses approvisionnements en matières premières énergétiques. En 2010, le total des investissements directs chinois dans l’Union Européenne ne dépassaient pas 6,1 milliards d’euros. A la fin 2012, ce montant a quadruplé pour atteindre 27 milliards d’euros. Sur les 100 premières multinationales issues des pays émergents, 44 sont chinoises.
Cette évolution, sera-t-elle source de rivalités et donc de nouvelles tensions et de conflits, ou bien favorisera-t-elle un nouvel équilibre mondial ? n

 
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