Agro-Industrie

Coca-Cola et la famille espagnole Daurella sur le point de réaliser leur rêve marocain

Depuis 2002, le géant américain Coca-Cola tente de dérouler un plan pour faire du groupe espagnol Equatorial Coca-Cola Bottling Company (ECCBC), propriété de la famille catalane Daurella, son embouteilleur exclusif au Maroc. Vingt ans durant, la firme d’Atlanta et son partenaire espagnol ont multiplié les propositions pour acquérir les embouteilleurs marocains de Coca-Cola qui leur ont longtemps tenu tête. Aujourd’hui, le limonadier américain et la famille Daurella ne sont plus loin d’atteindre leur objectif.

L’espagnol Equatorial Coca-Cola Bottling Company (« ECCBC ») a annoncé le 2 novembre dernier être parvenu à un accord pour acquérir l’embouteilleur de Coca-Cola dans les régions Nord et Oriental du Maroc, Atlas Bottling Company (ABC), auprès de son actionnaire majoritaire Diana Holding S.A. (Diana Holding) et de certains actionnaires minoritaires. Le deal s’est réalisé à travers North Africa Bottling Company (NABC), la filiale marocaine d’ECCBC, une société qui regroupe toutes les activités commerciales du groupe industriel espagnol COBEGA dans le continent africain, et contrôlée à hauteur de 70% par la compagnie familiale catalane et à 30% par The Coca-Cola Company. C’est ainsi que ECCBC est l’embouteilleur/distributeur du limonadier d’Atlanta dans 13 pays africains (Algérie, Cap Vert, Gambie, Ghana, Guinée-Bissau, Guinée-Conakry,   Guinée équatoriale, Liberia, Maroc, Mauritanie, Sao Tomé-et-Príncipe, Sierra Leone, Soudan du Sud).

Aujourd’hui, en prenant le contrôle exclusif d’Atlas Bottling Company au Maroc, le groupe espagnol basé à Barcelone et appartenant à la famille Daurella, l’une des plus riches d’Espagne, est en train de boucler au Maroc le projet universel de son partenaire américain, la multinationale « The Coca-Cola Export Company » : « un seul pays, un seul embouteilleur ». Pour rappel, si cette famille catalane est active dans la distribution, la restauration ou encore l’immobilier, c’est bien le partenariat avec Coca-Cola qui constitue le cœur de cet empire désormais dirigé par Sol Daurella, 55 ans. Outre ECCBC, Cobega détenait Iberian Partners, l’embouteilleur des célèbres marques américaines en Espagne. Ce dernier a fusionné en août 2015 avec deux autres grands embouteilleurs européens de Coca-Cola, créant le plus grand partenaire de la firme d’Atlanta au monde. Sol Daurella, avec 34% du capital, en est la présidente.

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Mais au Maroc, pour réaliser leur rêve, la famille Daurella et la firme américaine devraient encore convaincre le groupe Belhassan à leur céder la Société des boissons gazeuses du Souss (SBGS), seul embouteilleur hors du périmètre de la filiale marocaine du groupe espagnol ECCBC. Approchée à plusieurs reprises depuis 2002 pour une éventuelle cession de sa société, la famille Belhassen est restée inflexible. Mais un éventuel deal ne serait tarder, selon une source proche du dossier. Ainsi, en cas de succès des négociations avec SBGS, Equatorial Coca-Cola Bottling Company deviendrait l’unique embouteilleur de Coca-Cola au Maroc. C’est depuis le début des années 2000 que le géant d’Atlanta Coca-Cola encourage une grande concentration de ses embouteilleurs, du Maroc à l’Egypte, afin de n’avoir plus qu’un seul partenaire par pays, voire par région du continent. Depuis lors également, ce mouvement préfigure une grande redistribution des cartes dans toute l’Afrique.

A cette époque, le Maroc comptait plusieurs embouteilleurs franchisés par le géant américain, qui géraient sept entreprises de mise en bouteille mises en place respectivement à Tanger, Casablanca, Fès, Oujda, Marrakech, Agadir et Salé. La Société des Brasseries du Maroc (SBM) via sa société d’embouteillage casablancaise, s’est également mise à la distribution de Coca-Cola. En 1997, la compagnie Coca-Cola via sa filiale marocaine, rachète l’embouteilleur Société industrielle marocaine (SIM) et s’est dotée ainsi d’une deuxième unité casablancaise de production, en complément de celle des Brasseries du Maroc. Deux années plus tard, Coca-Cola rachète encore les unités de Fès et Marrakech, appartenant initialement à la famille Benabdallah. Une situation qui a conduit à la mise sur pied de différents embouteilleurs de Coca-Cola, notamment la société centrale des boissons gazeuses (SCBG) pour Casablanca et Salé, l’Atlas Bottling Company pour Tanger et Oujda, la Compagnie des boissons gazeuses du Sud pour la ville de Marrakech (CBGS), la Compagnie des boissons gazeuses du Nord pour la ville de Fès (CBGN), ainsi que la société des boissons gazeuses du Souss (SBGS) pour Agadir.

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C’est dans ce cadre que le groupe espagnol COBEGA a débarqué dans le Royaume pour racheter en novembre 2002 auprès de Coca Cola les unités de production de la ville de Marrakech (CBGS) et Fès (CBGN) pour un montant total de 84,18 millions de dollars. En avril 2003, la SNI cède à Castel un bloc de contrôle de SBM, filiale du groupe français Castel, qui compte dans son périmètre, à l’époque, la SCBG. Quelques semaines après, le géant d’Atlanta, vexé de ne pas avoir été consulté et, encore moins, associé à l’opération de changement de contrôle de la SCBG, notifie SBM qu’il mettait un terme à leur partenariat industriel (un droit que Coca-Cola s’arroge avec tous ses embouteilleurs). Dos au mur, Castel n’a d’autres choix que de vendre SCBG. Chose qu’il fit dans la foulée en cédant 100% de cette filiale à l’espagnol ECCBC via sa filiale NABC. Cette dernière, qui possède, du coup, l’unité d’embouteillage de Casablanca mais aussi l’unité de Fès et celle de Marrakech, sans compter COBOMI, qui se charge entre autres de l’embouteillage des canettes, des boissons en PET, de l’eau Ciel et de Pulpy (jus) à la Technopole de Nouaceur, devient, de facto, premier embouteilleur marocain des produits de Coca-Cola.

Atlas Bottling Company, propriété de Diana Holding, dispose quant à elle des unités de Tanger et d’Oujda pour approvisionner le Nord du pays. Mais, depuis, cet embouteilleur est entré dans le giron du groupe espagnol pour une transaction de 1,7 milliard de DH. A noter que dans sa stratégie, NABC a fermé depuis une année l’usine de Fès et celle de Tit Mellil (Casablanca) depuis presque trois ans. C’est dire qu’il n y a que l’approvisionnement du Sud, assuré par la SBGS du groupe Belhassan qui détient une usine d’embouteillage à Agadir, qui échappe pour l’heure au duo COBEGA-Coca Cola. En attendant de trouver un accord avec le groupe Belhassan pour devenir enfin l’embouteilleur exclusif de Coca-Cola dans le royaume, le groupe espagnol relifte sa plateforme d’embouteillage intégrée. Elle vient de bénéficier d’un total de prêts de 70 millions d’euros, pilotés par la Société financière internationale (IFC), filiale de la Banque mondiale affectée au secteur privé, pour développer ses opérations et investissements verts, notamment au Maroc, en Algérie et au Ghana.

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Pour le Royaume, EECBC prévoit en effet de mettre en place une nouvelle ligne d’eau potable conditionnée dans son usine COBOMI. Celle-ci remplacera la ligne existante et permettra une réduction de l’utilisation du plastique. De plus, ses usines au Maroc devraient commencer à utiliser l’énergie verte alors à travers l’installation de panneaux solaires et la construction d’une centrale solaire. Rappelons que jusqu’avant l’acquisition d’Atlas Bottling Company, la filiale marocaine du groupe espagnol NABC réalisait un chiffres d’affaires consolidé de plus de 4 milliards de DH.

 
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