Economie

Consommons-nous de la viande de cheval à notre insu ?

Que ce soit dans les produits congelés ou chez les bouchers, il n’existe pas de risque zéro pour que la viande soit à 100% celle qu’on nous vend.

La semaine dernière, un boucher de Souk El Arbaa a été interpellé par les autorités de la ville. Une plainte a été déposée l’accusant de vendre de la  viande bovine mélangée à celle du sanglier. Une commission locale a été dépêchée sur les lieux pour s’enquérir des faits.  Une enquête a été ouverte avec l’envoi d’échantillons à un laboratoire qui devra déterminer la vraie consistance de cette viande. A l’heure où nous mettions  sous presse, il n’avait pas encore rendu son verdict. Chez nous aussi, l’actualité européenne concernant la fraude de  substitution (produits vendus à base de viande de cheval au lieu de boeuf) nous rattrape.

Ce n’est pas la première fois.  Rappelez-vous les cas recensés à Benguérir ou Marrakech où de la viande d’âne a été vendue à la place de celle bovine. Et les  cas peuvent aller même au-delà pour des produits de contrebande « légaux » et illégaux  (falsification des étiquettes). A  ce niveau, Bouazza Kherrati, président de la Fédération Marocaine des Droits du Consommateur (FMDC) rappelle cette  affaire qui avait éclaté l’année dernière. Une camionnette qui transportait de la viande provenant d’Australie (on peut  s’interroger sur son origine halal) à destination de Meknès avait été saisie parce que transportant illégalement une  très grande quantité de viande dans des conditions non saines. Le responsable aurait écopé de 4 ans de prison. Autre cas, celui  de certaines conserves écoulées sur le marché via le canal de la contrebande. «Nous avons fait analyser le contenu d’un lot de produits par un laboratoire  officiel.

Nous avons été surpris de constater que la viande qui était sensée être bovine était en fait à 80% de la viande de  volaille. Nous avons saisi la Douane, l’Office National de la Sécurité Sanitaire des Produits Alimentaires (ONSSA)… Au  jour d’aujourd’hui, nous n’avons eu aucun feed-back », regrette Kherrati. Tout cela pour dire qu’en fin de compte, nul n’est à  l’abri d’une tromperie, que ce soit chez le boucher ou dans les grands surfaces qui peuvent, à leur insu aussi, importer  des produits transformés. Pour l’instant, aucun de nos distributeurs n’a jugé bon de s’exprimer pour ne pas alimenter  la polémique et se justifier. 

Mais tout laisse à croire qu’ils vendent bel et bien ces produits de la marque suédoise Findus  qui a fait éclater en France au grand jour, la tromperie qui a eu lieu avec la viande de cheval. Pourquoi ? Parce que les produits congelés commercialisés  au Maroc ne peuvent que transiter par ce canal de grandes surfaces. D’ailleurs, l’importateur des produits Findus au Maroc, Atlantic Food,
filiale de Capital Finance, indique sur son site que parmises clients, on retrouve tous les distributeurs Marjane, Acima, Carrefour et Aswak Essalam. «Effectivement, ces produits sont vendus en grande surface », affirme son directeur, Jamal Ouzzine. Atlantic Food réalise avec Findus quelque chose comme 12 à 15 millions de dirhams de  chiffre d’affaires annuellement. En quantité, cela représente environ des importations au minimum de 5.000 pièces de  lasagnes et de hachis parmentiers. 

Pour rassurer sur la provenance de ces produits, le directeur explique: «les produits qui pénètrent le marché  marocain proviennent d’unités de production en Espagne et en France. Il n’y a donc pas de confusion à se faire . Les produits  sont certifiés halals». Ce n’est pas ce volet-là qui est remis en cause étant donné que la viande de cheval est halal aussi.  Mais plutôt celui de la tromperie sur l’étiquetage «L’origine des viandes émane de sites autres que ceux inculpés dans la fraud».  L’ONSSA vient donc de réagir et a demander aux distributeurs de retirer provisoirement des rayons les produits en cause.  Du côté d’Atlantic Food, on ne comprend pas cette décision. « Nous sommes étonnés parce que nous ignorons la base sur  laquelle l’ONSSA s’est fondé pour en décider ainsi, sachant que les analyses ADN qui vont déterminer  l’origine des composantes des produits n’ont pas encore abouti. Cela pourrait prendre un à deux mois. D’autant plus qu’au moment de l’importation,  on seulement nous fournissons les documents nécessaires pour prouver que les produits sont hallals,  mais nous obtenons aussi, un certificat d’analyse sanitaire émis par cet Office et la Douane pour sortir la marchandise des ports», explique Ouzzine. Si les  distributeurs se sont exécutés, Atlantic Food préfère attendre les résultats des analyses marocaines avant de décider de quoi que ce soit : détruire la marchandise ou continuer à la commercialiser.

Il faut plus de  contrôle 

Au vu de toutes ces histoires, il paraît alors que le consommateur lambda peut, à son insu, consommer de la viande de  cheval (ou une autre) pensant manger de la viande bovine ou ovine. Elle est halal, diront certains. Soit. Cependant, c’est  lorsqu’il y a tromperie que ce n’est pas tolérable. Au Maroc, il y a bien entendu ceux qui aiment consommer ce type de viande de cheval. C’est parce  qu’elle est pauvre en cholestérol. «Les personnes atteintes d’anémie en sont demandeuses», indique un vétérinaire. Plusieurs  boucheries chevalines en ont fait leur commerce. Selon un boucher à Casablanca, qui s’approvisionne auprès d’un grossiste au marché central, cette viande est consommée particulièrement par les étrangers et les sportifs. Il constate  néanmoins dans son échoppe une baisse des ventes, parce que les prix ne sont, selon lui, pas abordables. La viande  hachée (mélangée aux épices et aux herbes) est vendue à 54dh/kg (contre 95 Dh pour le boeuf) et le steak haché à 60 dh.

Les observateurs estiment en  définitive que le contrôle des produits alimentaires doivent faire l’objet de plus d’attention.
Selon Kherrati, les membres de  l’ONSSA font ce qu’ils peuvent, mais ils n’ont pas les moyens nécessaires pour mener à bien
leur travail. Pour lui, les autres  solutions consistent aussi à mettre à niveau et moderniser les abattoirs et organiser le circuit de commercialisation  des animaux qui se vendent de manière anarchique. Le débat, en tous les cas, mérite d’être lancé. ■

 
Article précédent

Transactions immobilières: les banquiers doivent se réorganiser

Article suivant

Casablanca a son association