Portrait

De l’école publique à Polytechnique

Il a la silhouette athlétique des hommes passionnés de sport, et un front de penseur. Ce manager, qui reste simple dans son rapport aux autres, est tout de même un “X Ponts et chaussées” qui, à 32 ans à peine compte parmi les directeurs de la compagnie nationale, à un poste stratégique pour l’entreprise.


L
e mythe du polytechnicien est encore  vivace au Maroc. La prestigieuse école, affectueusement appelée “X”, est censée détenir la clef d’un avenir radieux, tracé d’avance et qui met à l’abri  du besoin. Les lauréats connaissent des carrières fulgurantes, au bout desquelles tous les rêves sont permis. Effectivement, et il n’y a pas longtemps, nombre d’entre eux ont été ministres et la plupart ont occupé des postes de haut niveau. Mais les choses ont changé depuis et de plus en plus, l’ingénieur polytechnicien préfère une carrière plus “corporate”, loin des feux de la rampe. A la  Royal Air Maroc – entreprise très prisée par les postulants -, ils ne sont pas moins de cinq lauréats de l’école française, à avoir choisi d’y faire carrière. Parmi eux, Reda El Filali, qui est également lauréat d’une autre école aussi prestigieuse, l’école des Ponts et Chaussées. C’est qu’il est sans doute né sous de bons auspices, qui l’auront placé dans les deux réseaux d’ingénieurs qui pensent le Maroc de demain.

Reda El Filali est né en 1981, à Meknès. Fils ainé des quatre enfants d’un caissier de la Banque Commerciale du Maroc (BCM) et d’une professeur de mathématiques. Quoique plutôt de la classe moyenne, la famille habite cependant un quartier tout ce qu’il y a de plus populaire dans la capitale Ismaëlienne.  Comme les camarades de sa génération, les loisirs tournent autour du foot, et dès la sortie de classe, le petit Reda jette son cartable pour rejoindre ses amis dans la rue.  “Grandir dans ce type de quartiers forge le caractère, surtout si on n’est pas de ce milieu. Pour l’anecdote, à la suite d’une altercation,  mon père m’avait tout simplement conseillé de me fondre dans la masse”, explique-t-il avec de grands gestes de ses grandes mains  filiformes. Cependant, l’accent est mis sur les études, priorité première. Comme c’est souvent le cas des enfants d’enseignants, il  réussit à l’école et compte dans le trio de tête de sa classe. Sa mère a pour unique souci, l’éducation de ses enfants, et s’y adonne entièrement,  privilégiant les matières scientifiques.

Mais le père de Reda n’est pas en retrait et joue également un rôle important et d’une autre nature. Il lui transmet un certain sens des valeurs, lui apprend la débrouillardise, et l’initie à la sérénité. “Mon père était une force tranquille. Il m’a apprit à  réfléchir avant d’agir. Quant à ma mère, je n’avais pas intérêt à avoir de mauvaises notes en classe. Chacune de mes heures de loisirs se monnayait en heures de travail supplémentaires  à la maison”, explique-t-il, pouffant de rire. Une enfance paisible Les vacances se déroulaient traditionnellement à Agadir, où la famille rejoignaient les autres membres pour profiter de la douceur du climat en bord de mer, loin de la chaleur de Meknès, insupportable en été. Les loisirs tournent évidemment autour du foot, et des activités balnéaires.  C’est aussi à cette occasion qu’il apprend à jouer au fameux jeu de cartes, “le tutti” et à la “beladia”. Sur le plan des études, il passe ses classes sans problème et intègre le collège sans difficulté. Surgissent alors  les premières tentations, quand on n’est pas encadré: “Juste en face de l’entrée du Collège, se trouvait une salle de billard; bien agencée et Chaussées. Mon choix sera vite fait: “Dans les faits, les écoles se valent, mais au Maroc, on était persuadé que l’X était au dessus du lot. J’ai donc opté pour Polytechnique”, ajoute-t-il avec une  pointe de satisfaction dans la voix.

Il sera donc interne à Palaiseau,dans la région parisienne où l’école s’était déplacée. Il est boursier, et ses parents peuvent enfin souffler de ne plus avoir  à payer ses études. Mais pendant que ses camarades français passent leur service militaire, les étudiants étrangers doivent passer par une “formation humaine”. Il sera affecté pour une mission sociale dans les  quartiers nord de Marseille. Il aura à s’occuper d’ enfants de milieux défavorisés et à les initier à la peinture et à l’écriture. “Nous nous rendions dans les fameuses tours construites au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Les résidents étaient de conditions modestes et comportaient beaucoup d’émigrés. Le rapport  aux gens était différent selon les uns et les autres. Alors que certains vous apportaient le café, d’ autres voulaient vous empêcher de parler à leurs enfants. Un peu ce que l’on voit encore dans des reportages de la télévision  française. N’empêche que l’expérience était intéressante et on a appris énormément de choses”, analyse-t-il. Après cet intermède, le cursus suit son cour. Polytechnique, ayant  le caractère d’une école militaire, ses élèves participent au défi lé du quatorze juillet qui se déroule aux Champs Elysées, en présence du Président de la République Française. Le  jeune Réda se rappelle, avec une émotion dissimulée, avoir défi lé, en uniforme, sur les Champs Elysée en présence de Jacques Chirac, alors président.

Mais cette période  sera studieuse malgré la proximité de Paris et ses nombreux attraits. Il étudie parallèlement les différentes matières, dont l’économie. Il participe à du travail associatif  et pratique le volley, sport dans lequel il  passe semi-professionnel. Il termine son cursus à l’X en 2006, et se marie la même année. Mais il doit encore compléter sa formation par  le passage par une école d’applications. Reda jetteson dévolu sur les Ponts  et Chaussées, mais se réoriente en cours de route vers le management industriel. L’année suivante,  il doit entrer dans la vie active. Il hésite à travailler à l’international avec Michelin, mais finalement se décide à intégrer la RAM, à la direction des opérations sol. Une année après, il sera promu chef de  département, nous sommes en 2008, et ce sera l’année de naissance de sa fille, Lina. Mais déjà, il a des envies d’ailleurs et change pour le service clientèle. Il sera envoyé au  Portugal, gérer les agences de la RAM dans les pays lusophones en 2010. Il reste à ce poste une année, avant de se réorienter vers la gestion de la politique tarifaire de la compagnie, poste qu’il occupe pendant six  mois. Arrive Mars 2012, quand il est rappelé au hub de Casablanca, pour s’occuper des opérations au sol. Il participe à la réforme alors en cours de la  RAM, qui en fera l’une des dix les plus ponctuelles. Depuis dix jours, Reda El Filali a pris la direction des opérations au sol et cargo, poste de premier plan, s’il en est. L’X reste un  gage d’excellence! ■ 

 
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