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Diac Salaf, la fin du bluff

«Depuis plus de 50 ans, vous avez fait confiance à des professionnels du crédit pour vous accompagner et vous conseiller afin de vous faciliter la vie». Voila ce que dit, en substance la page d’accueil du site internet de Diac Salaf. Désormais, c’est la fin.

En décidant de lui retirer son agrément en tant qu’établissement de Crédit, Bank Al Maghrib sonne le glas pour la société phare de la famille Bencherki. Plus de 50  ans d’existence, mais les cinq dernières années auront été les plus tumultueuses. 

Descente aux enfers

C’est en 2007, que la dégradation   de ses indicateurs de performance a commencé. Cette année là, la société entame la liquidation de son encours et  elle ne distribue pratiquement plus de crédit. Ce qui, pour une société de crédit à la consommation est le début de la fin. Ainsi, l’encours net des créances  sur la clientèle de la société s’est affaissé de 21,8% pour ne plus être que de 370 millions de dirhams.De même, la société ne se refinance plus auprès des banques. Son portefeuille de refinancement s’est replié de 12% à 372 millions de dirhams. Il y a  donc un parfait équilibre entre les engagements et les crédits accordés. 

Cependant, côté résultat, on constate que l’activité est pratiquement  inexistante. Puisque le produit net bancaire qui correspond à la marge commerciale n’a été que de 15 millions de dirhams, contre près de 45  millions de dirhams en 2006. Et pour couronner le tout, Diac constate une provision de 43 millions de dirhams.  Peut-être s’agissait-il de la première alerte que personne n’a su décrypter ? En effet, une telle provision qui correspondait  à  plus de 11,6% de son encours de crédit  était excessive. Elle montre clairement que la  société ne respectait pas les règles de provisionnement.  Quoi qu’il en soit, le premier déficit tombera cette année là et sera de 51 millions de dirhams. Ce sera le début d’une descente aux enfers, dont ne  se relèvera plus la société. La société continue d’afficher des déficits alors que l’activité tourne au ralenti et finit par  s’arrêter. En 2008 déjà, il n’y avait pratiquement plus de crédit accordé.

 Annonce sur annonce

Ce sera également, le début d’une série d’annonces faisant état d’une éventuelle reprise. Et visiblement, c’est la famille Bencherki qui entretenait la rumeur et la nourrissait même en  diffusant çà et là des communiqués. Dès le mois de mai 2008, la presse fait état  de l’éventuelle reprise par  l’Emirati Dubaï First, filiale du Groupe  Dubaï Properties,  spécialisée dans le crédit à la consommation.  Au mois de juillet de la même  année, on aura droit à une annonce concernant deux augmentations de capital et qui avaient tout de crédible. En effet, la société aurait sollicité  et obtenu l’agrément de Bank Al Maghrib autorisant un nouveau partenaire à entrer dans son capital. Diac devait sou- mettre à l’Assemblée générale extraordinaire prévue pour le mois de septembre 2008, deux augmentations de capital de la société.

L’étape du CMKD  

Portant sur un montant de 105 millions de dirhams, la première augmentation de capital devait être réservée aux actionnaires. Tandis que  la seconde recapitalisation, d’un montant total de 520 millions de dirhams, réservée aux divers partenaires dont Al  Ajial Fund du Groupe CMKD à hauteur de 420 millions de dirhams ; le reste étant consacré aux autres partenaires. Ainsi, et à l’issu de cette  opération, la part de Fininvest dans le capital devait être a priori diluée, passant de 51% à 14,7%, et ce, au profit du  Groupe CMKD, dont la participation représenterait 57,5% du nouveau capital.

Ce sont des détails qui ne s’inventent pas. Donc, c’était a priori vrai.  Malheureusement, il n’y aura pas de suite. Ce n’était certainement pas du hasard, puisque l’activité de la société continuera à se dégrader  de manière inquiétante. En effet, les principaux agrégats financiers ont poursuivi leur chute vertigineuse. L’encours de crédit reculera de nouveau de 20,9% pour se situer à 292 millions de dirhams. La société ne parvient plus à rembourser ses dettes. Et l’équilibre qu’il y avait  entre les engagements et les crédits est rompu. Le portefeuille de refinancement a été de 313 millions de dirhams. Concrètement,  cela signifie qu’à partir de cette date, la société devait aux  banques 25 millions de dirhams de plus que ce qu’elle était susceptible  de récupérer.

Du coup, le PNB atteint un niveau désastreusement bas à 6 millions de dirhams seulement et le déficit est de nouveau de 20 millions. A  cette date, les commissaires aux comptes n’ont pas commencé à s’inquiéter de la non observance des règles de provisionnements,  mais cela ne saurait tarder. Et l’année 2009 se terminera également de la sorte, avec un nouveau déficit et cette fois,  les auditeurs légaux tirent la sonnette d’alarme. Puisqu’en 2009, les commissaires aux comptes ont soulevé un sous-provisionnement de  153 millions de dirhams, dont la constatation pourrait mener à la faillite de la société. Ils estimaient que les créances en  souffrance devaient faire l’objet de 31 millions de dirhams de provisions supplémentaires.

De même, Diac encourait un risque de 110 millions de  dirhams du fait d’une dette sur ses filiales, en plus d’autres garanties données ici et là. Le flop du Crédit Agricole  C’est dans ce contexte que le management de Diac annonce l’arrivée imminente du Crédit Agricole comme futur sauveur. Mais là également,  rien ne se fait. Et à ce stade, la société est en faillite, mais personne ne prend ses responsabilités. Sans doute, à cause du statut de doyen dont jouit  Bencherki dans le milieu bancaire et financier. D’ailleurs, c’est ce respect qui lui vaut d’avoir bénéficier d’annulation  d’une bonne partie de la dette de Diac. Il attendait probablement que ses confrères continuent sur cette lancée. En tout, un des actionnaires ayant  eu à assister aux Assemblées générales, affirme que le patriarche Bencherki l’a dit à plusieurs reprises.

De toutes les manières, après  l’épisode du Crédit Agricole du Maroc, plus personne n’y croyait vraiment. Même quand en 2012, il annonce  qu’un fonds basé à Londres est disposé à investir 300 millions de dirhams, certains n’ont pas manqué d’afficher leur scepticisme. Aujourd’hui, est donc arrivé ce que tout le monde redoutait : la fin de Diac. Puisqu’après le retrait de l’agrément, du point de vue du code du commerce  comme de celui de la loi bancaire, l’Assemblée générale doit prononcer la dissolution de la société devenue sans  objet. Triste fin après plus d’un demi siècle. ■ 

 
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