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Direction Générale des Impôts : changement à l’horizon ?

 

La Direction Générale des Impôts bouge. Elle s’ausculte. Le changement ne sera pas facile. Car l’héritage est lourd. Un fiasco dans la construction du système d’information, durant les quinze dernières années. Des ressources humaines meurtries et grisaillées par une ancienne hiérarchie sclérosée et incompétente. Des procédures administratives de gestion non formalisées. Une déconcentration non encadrée. Une relation de méfiance réciproque entre fisc et contribuable. La nouvelle équipe de la DGI a devant elle un grand défi. par M. Amine

E t de trois ! En moins de quatre mois, la DGI a pu organiser au profit de ses cadres trois journées de réflexion ou plutôt d’introspection. Cette institution en avait vraiment besoin. Après le contrôle fiscal, cœur de métier de la DGI, et le recouvrement, mission classique mais stratégique et toujours prioritaire, la DGI vient de dédier le vendredi 12 juin 2015, à Rabat, une journée aux grandes entreprises, contribuables qui ne sont en nombre que quelques milliers, mais qui rapportent pas moins de 70 % du total des recettes fiscales. C’est dire que l’enjeu est de taille. Et cette nouvelle démarche, amorcée depuis l’arrivée de Omar Faraj à la tête de cette Direction stratégique, est bien réfléchie. La méthode : inviter des gestionnaires qui travaillent sur le terrain et qui sont dans le feu de l’action à s’exprimer, à dire leurs difficultés et leurs problèmes, sans censure hiérarchique, et surtout réfléchir ensemble sur les décisions à prendre et les solutions à mettre en place.  Ces débats contribuent à une nouvelle dynamique agissant sur l’environnement interne et préparent la DGI à mieux interagir avec son environnement externe.

Cette démarche connaitra-t-elle un succès ? L’avenir proche le dira

Recréer la confiance entre les cadres de la DGI, réhabiliter les compétences, faire adhérer, amorcer un processus de changement maitrisable. Au lieu du «top down» habituel, la nouvelle équipe de la DGI a choisi le mode participatif. La dynamique de changement, pour être irréversible, doit être déclenchée à la base. Se réunir pour s’exprimer sans tabou, sans auto censure, librement mais de manière responsable. Détecter les vrais obstacles et proposer des solutions applicables pour nourrir des plans d’action. Mais cette démarche ne passe pas totalement inaperçue. Elle dérange. Normal. Les enjeux et les intérêts qui se sont constitués sont grands. Car, mettre en place des procédures administratives de gestion ne peut que renforcer la transparence et la traçabilité des décisions, opérations et actes de gestion. L’eau risque d’être moins trouble pour les grenouilles. La clarification des responsabilités n’est pas encore entrée suffisamment dans les mœurs. Donner l’occasion aux compétences de s’exprimer et d’émerger est nuisible à celles et ceux qui ont été promus sur la base de critères pas toujours méconnus. La mémoire collective témoigne et ne pardonne pas. Evaluer dorénavant objectivement sur la base de résultats concrets et non plus sur la base de préjugés, d’instructions dictées et selon le degré de soumission ou d’allégeance.
Difficile, certes, mais non impossible. Le refus du changement ou conservatisme n’est pas dans le sang de certains. Il exprime tout simplement des positions acquises, à défendre. Une situation avantageuse à maintenir. Des intérêts à sauvegarder. Voilà la nature de l’obstacle humain face au changement. Pourtant, le changement est inévitable, nécessaire, car  la DGI, depuis plusieurs années est appelée à devenir la source principale des recettes publiques de l’Etat et même des collectivités territoriales dont le potentiel fiscal est mal exploité. Les accords de libre-échange se multiplient. Les frontières s’ouvrent au commerce et aux capitaux. Les recettes douanières sont condamnées à la baisse. Les recettes provenant de la fiscalité domestique doivent compenser cette baisse. Or, depuis trente ans, la réforme fiscale n’a guère déclenché une véritable rupture avec l’ancienne conception autoritariste de l’impôt et de l’administration responsable de sa gestion. Malgré le maquillage linguistique : contribuable, contribution, système déclaratif…, l’impôt a continué à être perçu négativement. Attitude négative qui n’est qu’une réaction face à une administration fiscale qui a continué de fonctionner selon les anciennes règles, reproduisant crainte et méfiance réciproque entre contribuable et administration fiscale, c’est-à-dire entre citoyen et Etat.

L’environnement externe aussi n’est pas toujours favorable

En effet, l’expérience pilote récente à Casablanca, dans la mise en place du référentiel des prix de l’immobilier en est une preuve. Plusieurs groupes de professionnels ont levé le bouclier pour saboter cette expérience. Est-ce le fisc ou la transparence qui dérange ? C’est aussi le cas de la tentative d’imposer l’obligation de tenue d’un registre retraçant les opérations commerciales des forfaitaires. Tentative avortée grâce à la pression du lobby des faux forfaitaires. La généralisation de l’obligation de facturer est rejetée. La transparence dans le domaine fiscal mettra beaucoup de temps pour être acceptée. Les grenouilles aiment nager dans les eaux troubles. Les contribuables honnêtes et convaincus du changement nécessaire, même s’ils sont actuellement minoritaires, ne peuvent qu’appuyer ce processus et souhaiter bonne chance à la nouvelle équipe de la DGI.

 

 

 
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