Portrait

Dentiste, Prof à Harvard et VRP du Maroc


  Il aurait pu se limiter à son métier de dentiste. Mais cet intellectuel a enchaîné les formations continues, jusqu’à devenir un membre éminent de la médecine, au Maroc et à l’étranger. Aujourd’hui, il est président du Réseau de Scientifiques Arabe, et enseigne à Harvard.

On croyait que les hommes de la renaissance s’étaient éteints avec la fin de la période faste qu’a connue l’Europe. Il semble que ce ne soit pas le cas au Maroc, qui abrite encore quelques personnalités de cette race si particulière d’hommes de sciences qu’intéressent tous les aspects du savoir. S’il se présente comme simple “architecte du sourire”, Mohamed Saâd Zemmouri est avant tout un homme de science, et un croyant éclairé. Lorsqu’on le rencontre, on découvre un homme dynamique, au verbe facile, qui est resté simple dans sa manière d’être. Ce que ses nombreux succès, n’ont guère altéré.
Il est né en 1964, à Rabat, deuxième d’une fratrie de trois qui opteront tous pour la médecine. Sa mère était directrice d’école, et son père, lauréat de l’école d’officiers française, Saint Cyr. Ce dernier fera toute sa carrière dans la sécurité. Les chiens ne font pas des chats, et ses parents lui transmettront des valeurs aussi bien religieuses que patriotiques. Patriotisme qui imprègnera sa vie, elle-même jalonnée des différents évènements que traversera le Maroc à cette époque. “Les généraux appelaient mon père “l’officier inconnu du Maroc”. C’est qu’en 1971, lors du premier coup d’Etat du colonel Ababou, il a tenu tête à ce dernier, qui avait pris le contrôle de la RTM pour annoncer la mort de feu Hassan II. Au même moment, mon père, Ahmed Zemmouri, prit le contrôle du siège tangérois de la radio marocaine, diffusant des chants monarchistes, entrecoupés de messages d’allégeance à Hassan II. Aux ordres du colonel Ababou, il opposa un refus net, et il lui aurait même raccroché au nez. Il est évident que mon père aurait été parmi les premiers à être passé par les armes, si le putsch avait réussi,” raconte Saâd Zemmouri. Sa mère ne manquait pas de courage non plus. Elle bravait les barrages militaires pour faire jouer des pièces de théâtre dans l’Oriental, en pleine Guerre des Sables.
C’est dans cet environnement qu’il voit le jour et dans cette ambiance qu’il grandit. Comme beaucoup d’enfants d’enseignants, il est en avance sur ses études, et saute même une classe.
Dès sa tendre enfance, le père est appelé à changer de garnison en garnison, et la famille déménage de ville en ville. En trois années, il passera par Tanger, Kénitra et Meknès. Nous sommes en 1972, et le pays est secoué par un second attentat. Ahmed Zemmouri fait partie de l’équipe qui met le jeune prince héritier à l’abri. “Durant cette période, nous étions en vacances à Tanger. Ce n’est que le lendemain que nous avons appris les évènements,” explique-t-il, avec des accents voilés dans la voix. L’expérience l’a visiblement marqué et il en garde l’impression d’avoir été dans les coulisses de l’histoire.

Une éducation de l’excellence
Dès après ces évènements, la famille se stabilise à Rabat. Le jeune Saâd a les loisirs de son âge, et son milieu, que sont le tennis, le basket et la natation. L’été se passe en bord de mer, à la Plage du Contrebandier. Mais ce n’est pas pour autant que ses parents lui laissaient la bride sur le cou : “même si nous réussissions en classe, nous devions travailler pendant les vacances. Sans oublier, que ma mère était toujours derrière nous, pour nous encadrer; notamment pour tout ce qui concerne l’enseignement de l’arabe,” raconte-t-il, avec une pointe de nostalgie. Il termine sa scolarité au Lycée Descartes, en 1981, et décroche son Bac à 16 ans. Mais, il vient de contracter une fièvre typhoïde, et Saâd doit alors revoir ses ambitions. Ce qui tombe finalement bien, puisqu’il fera partie de la première promotion de l’Ecole de Médecine Dentaire de Rabat. Il sera major de promotion lors de tout le cursus, mais doit faire face aux jalousies mesquines de ses camarades de promotion. “Je voulais ouvrir mon cabinet à la sortie de la faculté. Mais, à l’époque, ce n’était possible qu’à partir de 25 ans. J’ai donc choisi de poursuivre mes études,” explique Dr Zemmouri. Il décroche une bourse d’études pour Paris et passera quatre années dans la ville des lumières. Il y prépare trois diplômes en parallèle, tout en étant attaché médical à l’hôpital Cochin. Il rencontra sa future femme, en vacances à Paris, qu’il l’épousera dès son retour au Maroc en 1991. Il doit alors préparer son mariage, et l’ouverture de son cabinet de dentiste, à Casablanca. Mais déjà, il essuie une première déception en se faisant recaler à l’examen d’assistant. Il retournera en France, parachever ses études, sur les conseils de M. Guerraoui, Secrétaire Général du ministère de l’Education National. Arrive 1992, l’année de naissance de son premier enfant. Sa mère l’encouragera alors à partir se spécialiser en parodontologie orale en Suède. Il étudie auprès du Professeur Per-Ingvar Bränemark. Une fois le cursus terminé, retour au bercail où il travaille d’arrache pied.

Une ouverture sur les réseaux mondiaux
Mais rapidement, il s’engage dans l’associatif. Dès 1993, avec trois confrères, il fonde la Société Marocaine de Parodontologie, après une formation à l’UCLA, aux USA. En 1997, il organise le Congrès Franco-Marocain de Dentisterie Esthétique. “C’était un ballon d’essai, qui m’a encouragé à poursuivre,” analyse-t-il, avec un soupçon de fierté dans la voix. Il verra les choses en grand par la suite, et organise en 1998, le Congrès Méditerranéen de la Dentisterie à Marrakech. Ce sera en présence des grands pontes internationaux de la médecine dentaire nationale et internationale. Il poursuit en fondant l’Association de Dentisterie Esthétique en 1999. La même année, il est admis à l’Académie Européenne de Dentisterie de Berg (Suède). La même année, il obtient l’autorisation d’exercer à· Dubai, et enseigne alors aux Emirats Arabes Unis et en Algérie. Il rentre au Maroc, s’occuper de sa famille, mais l’esprit entrepreneurial germe déjà en lui. Premier drame, en 2004, sa mère décède. Arrive 2005, quand le Dr Malo, qui a révolutionné la dentisterie, ouvre une clinique en Europe de l’Est. Saâd démarche le dentiste portugais, pour lui proposer d’ouvrir une clinique au Maroc, alors que l’Egypte et la Tunisie sont sur les rangs. Le projet remporte les suffrages. Saâd devient alors entrepreneur pour installer la Malo Clinic dans la région de Casablanca. Parallèlement, et dès 2007, il deviendra professeur vacataire à l’Université Paris V. Deux ans plus tard, il est intervenant à l’Université d’Harvard. Mais il poursuit ses études, et en 2012 décroche le MBA de l’école internationale de l’Ecole des Ponts et Chaussées. La même année, il reçoit un appel du général Goodwin, un militaire américain naturalisé canadien, qui lui fait passer un entretien d’embauche par téléphone. Au bout de cette discussion, Saâd est nommé professeur de leadership éthique pour le New Westminster Collège à Vancouver (Canada). C’est cette dernière Université qu’il cherche à implanter à Rabat. Il participe au sommet scientifique du réseau arabe au cours duquel il est coopté président à la fin de la réunion. Belle carrière pour un modeste dentiste de Rabat qui ne pouvait même pas compter sur sa propre faculté pour l’aider !·

 

L’entreprise

Le “Higher International Council of Arab Scientist Network and Affiliates” est un réseau mondial de scientifiques arabes. Il regroupe tout type de scientifiques depuis les mathématiques aux sciences religieuses. Son premier sommet s’est tenu au Caire, et Dr Saâd Zemmouri, seul maghrébin présent, en a été élu président.

Bio express

1964 : Naissance à Rabat
1981 : Bac au Lycée Descartes
1986 : Doctorat à la Faculté de dentisterie Mohamed V
1990 : Certificat d’études supérieures de biologie buccale, (Paris VII)
Certificat d’études supérieures de parodontologie (Paris VII)
Diplôme de Parodontologie clinique (Paris VI)
Médecin attaché à l’hôpital Cochin
1991 : Ouverture de son cabinet à Casablanca
1996 : Président fondateur de l’Association de Dentisterie Esthétique
1999 : Admis à l’Académie européenne de dentisterie esthétique
2007 : Enseignant vacataire à l’Université Paris V
2009 : Professeur associé et intervenant de la Harvard School of Dentistery

 

La face cachée

La spiritualité ?
Je suis pratiquant depuis le second cycle du secondaire, et je lis souvent le Coran. Mais la religion est une affaire privée, et je ne tolère pas l’extrémisme et l’agressivité dans la pratique religieuse.

La littérature ?
Je lis de la philosophie et j’ai une passion pour l’histoire. Je pense que j’aurais aimé être historien. Je lis aussi bien Descartes, Diderot que La Rochefoucauld. Je suis également féru de poésie, les textes de Baudelaire par exemple. Un auteur de théâtre d’actualité serait Molière et son Tartuffe. Ce thème colle à l’actualité.

Le sport ?
Je suis un inconditionnel de foot. J’y joue et j’ai dû voir des milliers d’heures de match. Mon équipe préférée est celle de la Hollande.

La musique ?
J’écoute du Jazz, du blues et de la variété française. J’aime aussi bien Joe Cocker (photo) qu’Aznavour, Art Blakey et Gilbert Bécaud que Florent Pagny et Johnny Halliday. J’apprécie aussi la musique Andalouse.

Le cinéma ?
“Le Parrain” m’a beaucoup marqué. Comme acteurs, je suis fan d’Al Pacino et de Sean Connery. Mais je suis également passionné de films historiques comme “Le Message”, avec Anthony Quinn ou encore “Laurence d’Arabie”. Pour le reste, je regarde des Westerns et des péplums comme “Les Dix commandements” avec Charlton Heston et Yul Brynner.

 
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