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D’un Ramadan à l’autre, le long chemin du foot marocain

Moscou 2018

Rappelez-vous c’était au mois de juin 2018, un jour de vendredi et de surcroît un jour de fête, et pas n’importe quelle fête, la fête de l’Aïd El Fitr, celle qui clôture le mois de Ramadan.

L’an dernier donc, quasiment jour pour jour, à un mois près tout de même, l’équipe nationale de football débutait « sa» Coupe du monde 2018. Souvenez-vous encore, c’était contre l’Iran, un match perdu, en dépit du bon sens, mais perdu dans tous les sens du terme car la défaite, en ce jour de fête des plus symboliques, fut cruellement ressentie au Maroc. D’autant plus que face à l’Iran, les Lions de l’Atlas d’Hervé Renard et Fouzi Lekjaa jouaient là, ce qui paraissait être le match le plus abordable du Mondial 2018, un Mondial que l’on retrouvait après une éclipse de 20 ans.

Ah oui, la gifle avait été brutale et tous, nous la prîmes de plein fouet. Surtout les plus contempteurs d’entre nous, ceux qui tressent les lauriers des victoires bien avant les matchs et qui, après coup, n’en sont que de plus féroces accusateurs.

Il en aura entendu des vertes et des pas mûres, le sieur Renard, coach adulé après la qualification à cette Coupe du monde de Russie, mais jeté aux orties après le coup de massue iranien.

Rien n’est jamais simple en football surtout dans le foot marocain où la tentation de brûler tout ce qu’on a adoré est toujours vivace.

Heureusement, pour la survie des choses, les Lions de l’Atlas se remirent à rugir et la prestation finale contre l’Espagne, dernier match de notre campagne de Russie fit oublier la défaite face à l’Iran.

Et comme en 1970, déjà au siècle dernier, date de la première participation à un Mondial de foot, la bande à Benatia revint au Maroc avec les honneurs, comme ce fut le cas pour l’équipe de feu Bamous.

Même sort, même conclusion à près de cinquante années de distance : on avait participé à une Coupe du Monde, on y avait joué le premier tour, on n’y avait gagné aucun match, mais l’impression générale laissée par la prestation marocaine avait été plus que satisfaisante.

Mission accomplie donc pour les Lions de l’Atlas version Ziyech et Nasri ?

Oui, comme le fut celle de la génération des feux Allal et Houmane.

Cependant, en cinquante années, le monde a changé bien sûr. Si la performance de 1970 a perduré dans le temps et restera évoquée durant des décennies comme un glorieux fait du siècle passé, celle de Moscou 2018 fut largement contestée par divers commentateurs et réseaux sociaux aidant, on tomba même très bas, car la désinformation s’en mêla et Moscou 2018 devint sinon un naufrage, du moins un ratage.

Un ratage dont on essuie les effets encore aujourd’hui, puisque le limogeage de Nacer Larguet, l’ex-DTN de la FRMF n’est que la conséquence dudit Mondial 2018 beaucoup plus qu’il n’est dû aux résultats des équipes de jeunes et olympique.

Rappelons-nous que c’est au lendemain de la Coupe du Monde, qu’au cours d’une conférence de presse à l’agence MAP que le président de la FRMF,  Fouzi Lekjaa s’était interrogé, publiquement, sur le rôle réel du DTN, et qu’il avait annoncé qu’il allait faire «auditer» son travail par un bureau étranger spécialiste des questions techniques, ajoutant même « Moi Lekjaa, je ne suis que le président de la FRMF, je n’ai pas les compétences pour analyser un travail technique, il y a des personnes qui peuvent le faire et ils vont s’en charger ».

L’audit autour du véritable rôle du DTN dans le foot national a pris fin et ses conclusions ont amené le limogeage de Nacer Larguet, la semaine dernière. Le communiqué officiel de la FRMF a soulevé un tout petit débat, même si certains ont voulu polémiquer en y voyant un imbroglio complotiste.

La décision de la FRMF était préparée, répétons-le, depuis la fin du dernier mondial.

Elle a été actée tardivement, mais elle est arrivée à quelques semaines du début de la CAN 2019. Hervé Renard, toujours grand seigneur, a eu les mots de réconfort envers un DTN dont il estimait la personnalité. Sinon, on a vu que pas grand monde n’a regretté le départ d’un DTN dont le travail était invisible pour beaucoup. Mais on le sait, il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Et on se contentera de dire cela pour passer à autre chose.

La CAN 2019 et le Ramadan

Dans un peu plus d’un mois, à partir de ce jour, aura lieu la Coupe d’Afrique des Nations en Egypte. Cette CAN 2019, forte de 24 sélections nationales (un record inédit) et qui va se mouiller dans l’implacable chaleur du pays des pharaons, a été placée par la vox-populi marocaine, comme celle où nos Lions de l’Atlas vont enfin corriger une incongruité, celle qui depuis 76 et notre dernier titre africain, nous empêche d’être couronnés à nouveau.

C’est dire que l’enjeu est d’ores et déjà énorme et le défi, placé dans les pieds et sur les épaules des coéquipiers de Ziyech est purement gigantesque et … imprudent.

Comment peut-on décider qu’en Juillet 2019 à la fin de la compétition on sera couronné champion continental ? Que Lekjaa en tant que président ait considéré que le foot marocain devait gagner le trophée, est une ambition normale. Comme est tout à fait normal que Renard ait préféré tempérer les choses en considérant que non seulement, il est prématuré de parler de finale et de victoire alors que le premier match du premier tour n’est même pas commencé, mais qu’en Egypte il y aura d’autres équipes qui peuvent prétendre à la victoire suprême.

Question de points de vue, bien sûr et en parlant ainsi, chacun est dans son rôle, mais l’essentiel est ailleurs comme d’habitude. Personne ne peut nier que le Maroc, vu le niveau de son effectif et le travail accompli par toute la structure fédérale, se doit d’être parmi les grands favoris de cette compétition. Notre histoire l’exige, notre ambition l’impose et nos moyens techniques, stratégiques et financiers, nous permettent de nourrir ce rêve.

Et surtout qu’on ne vienne pas nous dire que Renard ne veut pas gagner, qu’il va partir après la CAN et que même, il est déjà parti parce qu’il aurait été voir ailleurs (où ?) et que la FRMF est à la recherche de son remplaçant.

Tout cela n’est que balivernes et stupidités. Des fakes- news ! comme le dirait un certain Donald.

Comment peut-on penser qu’un gars comme Renard n’ambitionnait pas d’enrichir son palmarès déjà riche de deux CAN, avec une troisième qui le ferait entrer dans la légende du foot africain ? Loin devant tous les coachs, même devant son mentor Claude Leroy. Il deviendrait ainsi le seul technicien à avoir gagné 3 trophées avec 3 pays différents. Qui peut dédaigner un exploit pareil ?

Quant à désirer que Renard parte, parce qu’on n’aime pas le voir porter une chemise blanche, parce qu’il préfèrerait vivre au Sénégal et qu’il se préparerait à aller gagner plus de dollars ailleurs, ce serait méconnaître l’intelligence d’un homme comme Lekjaa qui sait ce que le foot national doit à Renard.

Renard est un homme sérieux, organisé, humain, professionnel en un mot. Cela s’est vu dans l’évolution des Lions de l’Atlas, car il y a désormais un groupe où cohabitent une mosaïque de joueurs qui ne se sont jamais aussi bien entendus. Et bien vivre ensemble est la vraie garantie du bien jouer ensemble.

Le caractère modeste de Renard a fait que l’on ait échappé à un entêtement qui nous aurait privé de l’apport de Ziyech comme celui de Zaki nous avait privé, à un moment de l’histoire, de Naybet.

Rien que pour cela, on reste optimistes pour le devenir du foot marocain.

Avec Lekjaa et Renard. 

 
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