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Encore un autre point sur la courbe marocaine

Pour la première fois, le Maroc parvient à se financer sur le marché des eurobonds à un taux inférieur à celui du marché domestique. Boussaid en profite pour rappeler les règles qui président à la décision d’endettement qui, rappelle-t-il, est une résultante de la politique économique. 

Avec ses sorties consécutives  sur le marché des eurobonds, le Maroc construit progressivement sa courbe des taux. La dernière en date est celle effectuée par le Trésor le 13 juin courant concernant l’émission d’un emprunt d’un milliard d’euros, soit un peu plus que 11,15 millions de dirhams. Il s’agit d’une dette devant courir sur une dizaine d’années au taux de 3,5%, mais pour un rendement de 3,702%. Ce coût a de quoi réjouir Mohamed Boussaid, le ministre de l’Economie et des finances. En effet, c’est la première fois que le Maroc se finance à ce taux ; les trois précédents également sur 10 ans ayant été émis aux taux respectifs de 5,38% en 2007, 4,50% en 2010 et 4,25% en 2012. C’est donc une baisse régulière de la courbe des taux marocains enregistrée d’abord par les précédents gouvernements et qui se poursuit sous l’ère Boussaid.

Autre fait remarquable par rapport à cette sortie, c’est surtout que pour la première fois, le marché international affiche des taux nominaux plus faibles que le marché domestique pour l’emprunteur qu’est l’Etat Marocain bien sûr. Car, dans les faits, les taux en euros ou en dollars sont attrayants, néanmoins avec une prime de risque de plus de 215 points de base, l’argentier du Royaume a toujours été amené à avoir recours plus à l’extérieur qu’à l’intérieur.

Donc, c’est bien entendu une raison supplémentaire pour que le ministre de l’Economie et des Finances se réjouisse devant la presse nationale et internationale venue nombreuse assister à la conférence de presse qu’il donnait vendredi 19 juin à Rabat. D’ailleurs, la presse internationale et les analystes, notamment, n’a pas attendu la sortie médiatique du ministre de l’Economie pour saluer l’émission. En effet, Bloombeg, Le Figaro, Jeune Afrique, mais également Fitch ratings, Standard&Poor’s ont tous salué à leur manière cette émission obligataire. Fitch Ratings lui a attribué la note BBB-, en ligne avec la note souveraine. Quant à Standard&Poor’s, la note est également BBB-, ce qui cadre bien avec le rating du Royaume.

En outre, Boussaid n’a pas manqué de rappeler qu’au total 150 investisseurs ont souscrit à l’émission avec une majorité basée en Allemagne et en Autriche pour 22%. Le Royaume-Uni et le Moyen Orient arrivent juste derrière avec 18% et 21% respectivement des souscriptions. Quant à la France, elle représente 12%. Cela montre à quel point la dette marocaine est prisée sur les marchés financiers, parce que c’est un papier de très bonne qualité. La majeure partie des investisseurs sont des gestionnaires de fonds qui représentent 55% du total. Les banques commerciales et les banques privées représentent 22% et les compagnies d’assurances quelque 15%.

Avec de tels résultats, il ne faut pas s’étonner de voir le Maroc sortir à nouveau. Un nouveau recours au financement extérieur est prévu avant la fin de l’année. Cela pourrait être une dette bilatérale, mais une nouvelle sortie sur les marchés n’est pas définitivement écartée, selon le ministre des Finances. Car, les prévisions en matière de financement extérieur portent sur quelque 24 milliards de dirhams pour toute l’année 2014, contre 115,8 milliards pour le financement intérieur. Avec cette émission de juin, le Trésor a reçu 11,5 milliards de dirhams, ce qui veut dire qu’il en reste 12,5 milliards, qui pourraient donner lieu à un nouvel emprunt.

Boussaid a profité de cette rencontre avec la presse pour mieux expliquer les tenants et les aboutissants dans le financement. Il a d’emblée noté qu’il ne s’agissait aucunement d’une politique d’endettement. Car, pour lui la dette est plutôt une simple résultante de la politique générale du gouvernement marocain. Ce dernier doit financer les infrastructures, le fonctionnement de l’Etat, la Caisse de compensation, mais également assurer le remboursement en temps et en heure de la dette. Et devant l’insuffisance des recettes, il faut recourir à la dette pour financer les besoins non couverts. Et sur le plan purement conjoncturel, la dette publique marocaine est remontée en flèche pour représenter 63,3% du PIB en 2013, après avoir été ramenée à 47,3% en 2008, son plus bas niveau relatif. Mais dans l’absolu, aucune comparaison n’est permise, puisqu’après plus d’une

 décennie de forte croissance, le PIB de 2013 est de loin supérieur à celui de 2002. Ainsi, l’endettement public était de 554 milliards de dirhams à fin 2013. Cette remontée du niveau d’endettement à partir de 2008, s’explique par au moins trois facteurs déterminants. D’une part, la crise économique européenne s’est déteinte sur l’activité au Maroc, de sorte que les recettes ont été relativement moins importantes. De plus, cela a également coïncidé avec la réforme fiscale qui a non seulement réduit le taux d’IR, mais qui a surtout ramené le taux marginal de l’impôt sur le revenu de 44% à 40% seulement. Concrètement, cette baisse du rendement de la fiscalité s’est traduite en un repli du rapport entre recettes fiscales et PIB qui est passé de 24,3% à quelque 19,8% seulement à l’horizon 2013. Evidemment, certains y verront une baisse salutaire de la pression fiscale marocaine. Mais si l’on sait que des pays

 comme la France présente une pression fiscale qui avoisine les 40% du PIB, on constate aisément l’ampleur du manque à gagner pour le Trésor public marocain.

Et la troisième raison déterminante est surtout la Caisse de compensation qui est passée à des niveaux de charges intenables avec quelque 144 milliards de dirhams entre 2009 et 2012 contre 72 milliards seulement entre 2005 et 2008, soit le double sur les quatre dernières années. Ces trois principaux facteurs ont conduit à un déficit budgétaire moyen de 5% du PIB pour la période 2009-2012, contre un déficit de 1,2% seulement, les quatre années précédentes. Dans le même temps, l’Etat n’a pas réduit ses investissements qu’il estimait prioritaires. Ces derniers qui n’étaient que de 330 milliards de dirhams entre 2005 et 2008 sont passés à quelque 653 milliards entre 2009 et 2012.

Si besoin est, il convient également  de rappeler que le Maroc ne bénéficie plus de la manne des privatisations qui ont rapporté 47,8 milliards de dirhams sur la période 2001-2007 contre à peine 8,6 milliards de dirhams entre 2009 et 2013. De toute évidence, le Maroc aura encore besoin de recourir à l’endettement qui est donc la résultante d’une politique volontariste de soutien à la consommation des ménages, mais également d’un accompagnement global du tissu économique à travers les incitations, mais également l’investissement. Et là, Mohamed Boussaid troque sa casquette d’ingénieur contre celle de financier, pour rappeler que c’est grâce à l’investissement consenti aujourd’hui qu’on peut se garantir la croissance de demain. Or, l’Etat joue un rôle primordial en étant un investisseur direct, mais également en incitant et accompagnant le privé. Et il faut bien que tout ceci se finance. 

 
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