Portrait

Enseignant de père en fils

Du haut de ses trente trois ans, on pourrait le prendre pour un de ces intellectuels du dimanche qui tiennent chronique dans la presse marocaine, mais ce docteur en sciences politiques de l’IEP de Toulouse compte déjà parmi les poids lourds de la place. Depuis la Fès de son enfance, il rayonne à l’international, pour le plus grand bien du Maroc, et de la Méditerranée.

Le Maroc a aussi son “Herr Professor Doctor” à l’allemande. Abdelhak Azzouzi, cet érudit et homme de sciences s’était préparé depuis l’enfance à prendre place dans le concert des intellectuels maghrébins. Il est né en 1979, à Rabat, quatrième d’une fratrie de cinq. Son père est professeur de la fameuse université traditionnelle, la Qaraouiyine de Fès.
Dès sa naissance, la famille s’installe à Fès, où le jeune Abdelhak passe son enfance. En tant que fils de théologien, il reçoit une éducation austère et sévère, commence par apprendre les bases de la langue arabe et baigne dans le monde des livres dont les nombreuses études rédigées par son père lui même. D’ailleurs ce dernier le prend en main et le fait participer, ou tout au moins suivre les réunions tenues avec d’autres oulémas de la capitale spirituelle du Royaume. Très tôt, il assiste à de doctes discussions sur les sources de la religion musulmane, et se familiarise avec l’exégèse du livre saint.
“Mon père était également profondément nationaliste. Il nous a enseigné
l’amour de la patrie et à nous préparer à devenir des hommes responsables et des citoyens prêts à contribuer à l’édification du Maroc nouveau,” explique-t-il, rêveur?
Toute sa scolarité se déroulera dans le système public, ce dont il est fier.
En fait son écolage débute dès l’âge de cinq ans dans le giron familial, et sous l’autorité paternelle. Il rappelle même que les devoirs supplémentaires étaient sa ration quotidienne. «Curieusement, c’est à l’école que je pouvais bénéficier de quelques loisirs. A la maison, il n’était pas question de paresser et encore moins de regarder les programmes de télévision. Je devais faire des exercices que mon père corrigeait. En somme, il me formait à sa manière. C’est comme si j’avais bénéficié d’une éducation d’Al Qaraouiyines sans y être physiquement. Il est vrai que cela me sera profitable par la suite”, explique-t-il avec force détails. Il prend donc le pli d’un rythme de travail soutenu, jusqu’à dix huit heures par jour. A l’école, il a des facilités et termine major de sa promotion. Même ses loisirs restent sérieux, et lorsqu’il est au collège, il s’essaie à l’écriture dans le domaine du droit. Puisqu’il s’inspire des épisodes du tribunal international et des séances de l’ONU pour alimenter son inspiration. Révélateur également, ces journées passées penchées sur des revues étrangères au Centre Culturel Français, qu’il dévore les articles dédiés à la politique internationale. A 17 ans, il décroche son Bac littéraire en 1996, et termine major de l’Académie de Fès Boulmane.

Programmé pour exceller
Le bac en poche, il s’oriente vers des études de droit. Là encore, il opte pour la difficulté, et suit en parallèle des études de droit en français, et la chariâa en arabe. Il continue d’exceller, et tient la tête de la promotion. Il obtient sa maîtrise en sciences politiques et s’inscrit pour un diplôme d’études approfondies à l’Institut d’Etudes Politiques de Toulouse, Sciences Po. C’était un cycle de Sécurité et Relations Internationales. J’étais en cours avec des consuls, des militaires et des hauts fonctionnaires. Je me demandais comment je ferais pour tenir la concurrence avec des professionnels de ces matières. Mais, à force d’efforts, j’ai également pris la tête de la promotion. Là encore, c’est l’éducation de mon père qui m’a aidée”, analyse-t-il, avec un soupçon de fierté dans la voix. Il faut dire que ses efforts lui permettront d’obtenir une bourse d’études. Au lieu de sortir avec des étudiants de son âge, il apporte son concours aux activités universitaires et autres réunions d’intellectuels.
Cela ne l’empêche pas d’avoir quelques loisirs comme le tennis et  le cinéma. Il ne tardera pas à se tourner vers l’associatif. Ce sera sa première expérience dans le domaine, et il fonde le Groupe d’études et de recherches sur le continent africain, à Toulouse. Ce sera le début de l’association qui, déjà, se penche sur les problèmes de l’Afrique. Il organisera une trentaine de manifestations, forum et colloques en trois années. C’était l’un de mes loisirs. J’abordais des problématiques qui, à l’époque, étaient nouvelles, et qui continuent à être d’actualité”, affirme-t-il. C’est également une époque de voyages d’études, de découverte du monde universitaire. Il s’épanouit en apprenant les méthodologies des sciences sociales anglosaxonnes, en lisant les ouvrages de référence de la science politique. En parallèle, il suit un cycle à l’Université de sciences sociales. Le diplôme en poche, il ne s’arrête pas en si bon chemin et une année plus tard prépare un doctorat en sciences politiques qu’il soutiendra deux années plus tard. C’est qu’il est pressé de rentrer au Maroc, désireux de faire bénéficier son pays de ce savoir acquis en France.

Professeur marocain, à l’envergure internationale
Il rentre au Maroc en 2004, un doctorat en poche et la vie devant lui. C’est tout naturellement qu’il se tourne vers l’enseignement, et débute à l’Université de Sciences juridiques et sociales de Fès. Mais son expérience à l’internationale lui a ouvert les yeux, et il décide de reproduire son expérience. Il fonde alors un “think tank” sur le modèle des centres de recherches américains en 2007. Ce sera le Centre marocain interdisciplinaire des études stratégiques et internationales. Là, ce sont ses contacts qu’il fait fructifier, et il développe le centre qui, rapidement prend de l’envergure à l’échelle de la Méditerrannée, puis du monde. Henry Kissinger et David Rockefeller feront une apparition par téléprésence au dit centre de recherche qui développe ses activités, et publie une vingtaine d’ouvrages dans vingt pays différents. Arrive 2008, l’année de son mariage, mais également celui du sommet de l’Union pour la Méditerrannée. Avant le sommet des chefs d’Etat, il prépare le sommet des intellectuels qui se pencheront sur les problématiques de la région. L’année suivante, il se lance dans l’action sociale, et fonde “L’école de l’espoir”, qui travaille à réhabiliter les écoles publiques, une centaine à ce jour. Il continue à travailler, à faire des recherches. La même année, il est approché pour rédiger une chronique dans le journal émirati Al Etihad. 2010 verra la naissance de sa fille, et l’année suivante il commencera une autre chronique, dans un journal saoudien cette fois, Al Jazeera. Fès n’a décidément pas perdu son rayonnement.

 

Bio express

1979 : naissance à Rabat
1996 : Bac L au Lycée Moulay Slimane de Fès
2000 : maîtrise de droit public, option sciences politiques à la Faculté de Fès, maîtrise de droit privé et de Chariâa
2001 : DEA à Sciences Po Toulouse   
2004 : doctorat de Sciences politiques
2006 : enseignant à la Faculté de Sciences juridiques et sociales  de Fès
2007 : fondation du Centre marocain interdisciplinaire des études  stratégiques et internationales

L’entreprise

Le Centre marocain interdisciplinaire des études stratégiques et internationales est un centre de recherches fondé en 2007. C’est une association à but non lucratif, reconnue d’utilité publique, qui se penche sur des problématiques diplomatiques et d’affaires étrangères. Le CMIESI regroupe plus de 350 membres dans 85 pays.

 

La face cachée

La religion ?
C’est une appartenance, plus qu’une identité qui permet de garder la foi en Dieu, développer un culte du travail, et qui prône des valeurs d’humilité. C’est cela qui fait de moi un homme de synthèse et de conciliation. L’islam est en fait une religion très souple.

La lecture ?
De par mon travail, je lis beaucoup. Pendant les trajets à Rabat, je passe mon temps à éplucher des journaux tels que Le Monde, le New-York Times, Foreign Affairs, International Relations, en français, anglais et arabe. Autrement, je lis les ouvrages de références des sciences sociales. Une autre facette de mon travail est de relire les publications du centre de recherche, et de rédiger.

Le cinéma ?
Le cinéma Hollywoodien est l’une de mes grandes passions. Je regarde un ou deux films par quinzaine. Je suis un inconditionnel de Brad Pitt, Stephen Segel, Tom Cruise et les James Bond en général. Le film qui m’a récemment marqué est “L’odyssée de Pi”.

Le sport ?
J’aime la marche et le footing, mais ce sont des activités pour lesquelles je n’ai pas beaucoup de temps.

 
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